La bataille d'Arsouf, survenue pendant la Troisième Croisade, marque un tournant dans la reconquête du littoral palestinien par les croisés. Après la prise de Saint-Jean-d’Acre en juillet 1191, Richard Cœur de Lion se concentre sur la sécurisation des positions côtières, clé de l’approvisionnement et de la survie des croisés en Terre Sainte. Saladin, conscient de l’importance stratégique de ces territoires, tente de harceler et de briser l’armée croisée avant qu’elle n’atteigne Jaffa, une étape cruciale vers Jérusalem.
La tension entre les deux chefs illustre également la nature de cette croisade : un affrontement non seulement militaire, mais aussi symbolique, opposant deux des figures les plus emblématiques de l'époque, Saladin et Richard Cœur de Lion.
Après avoir quitté Saint-Jean-d'Acre le 22 août 1191, l'armée croisée avance méthodiquement vers Arsouf, protégée par la flotte longeant la côte et fournissant un ravitaillement constant. Les croisés progressent en formation serrée, les Templiers en tête, suivis des troupes angevines et bretonnes, puis des chevaliers poitevins et normands, tandis que l’arrière-garde est assurée par les Hospitaliers.
Saladin choisit d'attaquer près d'Arsouf, où le terrain lui est favorable pour sa tactique préférée : le harcèlement par ses archers montés. Le 7 septembre, il lance son offensive. Les cavaliers turcs encerclent les croisés, les criblant de flèches, une méthode éprouvée pour désorganiser l'ennemi et provoquer des ruptures dans les rangs. Bien que protégés par leurs armures, les croisés subissent des pertes, notamment parmi leurs chevaux.
Une discipline cruciale :Richard interdit à ses chevaliers de répondre aux provocations des Ayyoubides ou de les poursuivre, craignant une répétition du désastre de Hattin (1187), où une manœuvre similaire avait conduit à l’anéantissement de l’armée croisée. Il opte pour une posture défensive, laissant ses archers et arbalétriers infliger des pertes aux forces musulmanes. Cependant, la pression constante épuise les troupes, et les Hospitaliers, en particulier, subissent des pertes importantes à l’arrière-garde.
La charge croisée :Au moment opportun, Richard ordonne une charge générale. Bien que l’impatience d’un chevalier anglais, Thomas Carrew, précipite légèrement le mouvement, la charge est dévastatrice. Les cavaliers croisés, en formation compacte, brisent les lignes ayyoubides. Les archers montés, descendus de leurs chevaux, sont balayés, et les cavaliers musulmans, pris de panique, se replient.
Saladin tente une contre-offensive avec des renforts regroupés sur une colline voisine, mais une deuxième charge des croisés disperse à nouveau ses forces. Les croisés, obéissant aux ordres de Richard, interrompent leur poursuite pour éviter de tomber dans une embuscade. Saladin, bien que défait, parvient à regrouper une partie de ses troupes dans les collines environnantes.
Progression de la troisième croisade de Césarée à Jaffa.
La bataille d’Arsouf est une victoire stratégique pour Richard et les croisés :
Réaffirmation de la supériorité militaire croisée :Après des années de domination musulmane, notamment depuis la bataille de Hattin, les croisés démontrent leur capacité à infliger une défaite décisive à une armée ayyoubide. Cette victoire redonne confiance aux croisés et mine le moral des troupes de Saladin.
Impact sur le prestige de Saladin :Saladin, qui n’a pas réussi à briser l’avancée croisée, voit son autorité contestée par certains de ses émirs. Contraint à une stratégie défensive, il adopte une politique de terre brûlée, ordonnant la destruction de villes clés comme Ascalon et Ramla pour ralentir l’avancée des croisés.
Une occasion manquée pour Richard :Bien que victorieux, Richard choisit de reconstruire Jaffa plutôt que d’exploiter immédiatement son succès pour marcher sur Jérusalem, qui reste mal défendue. Cette décision est souvent critiquée, mais elle reflète les contraintes logistiques et politiques auxquelles il fait face, notamment le besoin de sécuriser les voies d’approvisionnement.
La bataille d'Arsouf marque un moment de bascule dans la Troisième Croisade :
Rétablissement de la présence croisée :La victoire à Arsouf et la sécurisation de Jaffa permettent aux croisés de regagner un contrôle partiel du littoral palestinien, essentiel pour leurs ambitions à Jérusalem.
Érosion du prestige ayyoubide :Bien que Saladin conserve Jérusalem, sa position est affaiblie. Les rivalités internes et les critiques de ses émirs compliquent la gestion de son empire.
Prolongement du conflit :La bataille ne met pas fin à la croisade, mais elle en change la dynamique. Les croisés reprennent l’initiative, mais leurs divisions internes et le manque de renforts européens limitent leur capacité à capitaliser sur leur succès.
Auteur : Stéphane Jeanneteau, décembre 2014
Sources et références :