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La Bataille d’Halmyros (1311) : La Chute de la Chevalerie Franque en Grèce.

Les Catalans, Mercenaires et Conquérants

Depuis 1303, la Compagnie catalane, un groupe de mercenaires formé d’Almogavres aguerris, combat pour l’Empire byzantin contre les Turcs. Après des différends avec Byzance, elle ravage la Thrace (1305-1307) et s’installe en Macédoine avant de descendre vers la Thessalie. Au début de 1310, le duc d’Athènes, Gautier V de Brienne, engage les Catalans pour sécuriser ses territoires contre les Latins et les Byzantins. Cette collaboration se traduit par des succès initiaux : les Catalans prennent une trentaine de châteaux en Thessalie.

Cependant, Gautier, inquiet de leur puissance, tente de les licencier après leur avoir versé une solde partielle. Mécontents, les Almogavres se retournent contre leur employeur et s’apprêtent à affronter son armée.


Localisation : Halmyros ou la Vallée du Céphise ?

Le lieu précis de la bataille a fait débat parmi les historiens. Bien que des sources médiévales mentionnent la vallée du Céphise en Béotie, d’autres, dont Marino Sanudo et la Chronique de Morée, situent le combat près de Halmyros en Thessalie. Cette dernière hypothèse est privilégiée par la majorité des chercheurs modernes, notamment en raison de considérations géographiques et militaires.


Déroulement de la Bataille

Les Forces en Présence

  • Les Francs : L’armée de Gautier de Brienne comprend 700 chevaliers, dont 200 « aux éperons d’or », et environ 14 000 fantassins et cavaliers, recrutés parmi ses vassaux et alliés, comme le marquis Alberto Pallavicini de Bodonitza, Thomas III de Salona, et Niccolò Sanudo.
  • Les Catalans : Bien moins nombreux, les Almogavres comptent environ 3 500 cavaliers et 4 000 fantassins. Ils bénéficient d’un terrain préparé à l’avance.

Le Terrain : Un Piège Mortel

Les Catalans choisissent un terrain marécageux, dissimulé par les hautes herbes printanières, pour tendre un piège à la lourde cavalerie franque. Cette stratégie rappelle les méthodes d’embuscade utilisées par les Almogavres lors de campagnes antérieures.

Le Combat : Une Déroute Totale pour les Francs

Le 15 mars 1311, les Francs attaquent en se déployant parallèlement aux Catalans. Gautier aligne sa cavalerie sur deux rangs, suivis des fantassins, et lance une charge. Mais la lourde cavalerie s’enlise dans le terrain marécageux, perdant son élan et sa formation. Les piétons catalans, armés de longues lances, massacrent les chevaliers immobilisés.

  • Gautier est atteint par une flèche et tombe au premier rang avant d’être décapité.
  • À l’exception de Boniface de Vérone, presque tous les nobles francs périssent, dont Alberto Pallavicini, Thomas III de Salona, et Giorgio Ier Ghisi. Niccolò Sanudo est fait prisonnier.

La bataille tourne rapidement en une déroute complète. La quasi-totalité de la chevalerie franque d’Hellade est anéantie.


Conséquences Immédiates et à Long Terme

Conquête Catalane

  • Les Catalans s’emparent des principales places fortes, notamment Thèbes et Athènes, étendant leur contrôle jusqu’à l’Isthme de Corinthe. Seul le Marquisat de Bodonitza échappe à leur domination.
  • Pour légitimer leur pouvoir, ils nomment Roger Desllor, un chevalier roussillonnais ayant combattu pour Gautier, comme « Maréchal » et seigneur de Salone. En 1312, le roi Frédéric II de Sicile désigne son fils Roger-Manfred comme duc d’Athènes.

Déclin Franc

  • La défaite marque la fin de la prédominance franque en Grèce centrale. La chevalerie d’Hellade est décimée, et ses seigneuries tombent sous contrôle catalan ou byzantin.
  • En 1331-1332, Gautier VI de Brienne tente de reconquérir son héritage avec une armée de 800 chevaliers et 500 hommes, mais échoue face aux Catalans.

Transformation Sociopolitique

  • Selon René Grousset, la bataille entraîne la « dénationalisation » de la Morée franque. Tandis que la Béotie et l’Attique deviennent des territoires hispanisés sous contrôle catalan, le Péloponnèse conserve une influence italienne après la bataille de Pélagonia (1259).

Sources et Références :

  • David Jacoby, Catalans and Byzantines in the Late Middle Ages.
  • Michael Angold, The Byzantine Empire in the Late Middle Ages.
  • Chronique de Morée, Récits des Guerres Greco-Latines.

Auteur : Stéphane Jeanneteau, août 2014.