La bataille de Bénévent est un tournant décisif de l’histoire italienne et européenne, marquant la fin de la domination des Hohenstaufen sur le royaume de Sicile et l’établissement de Charles d’Anjou comme souverain. Cet affrontement, qui eut lieu le 26 février 1266, scella non seulement le destin de Manfred de Sicile, mais aussi celui de l’Italie méridionale, redéfinissant les équilibres politiques de l’époque.
Depuis plusieurs décennies, la papauté s’opposait fermement aux Hohenstaufen, cette dynastie impériale qui gouvernait le Saint-Empire romain germanique et le royaume de Sicile. Le pape Urbain IV, exaspéré par l’hégémonie des Hohenstaufen, chercha un champion capable de renverser Manfred, roi de Sicile et fils illégitime de Frédéric II. Charles d’Anjou, frère du roi de France Louis IX, devint cet homme providentiel.
Charles, déjà comte d’Anjou et de Provence, voyait dans cette campagne une occasion unique de consolider sa puissance en Méditerranée. Soutenu par le pape et par une coalition de seigneurs européens, il rassembla une armée imposante et traversa les Alpes pour atteindre l’Italie. En janvier 1266, il s’empara de l’abbaye de Mont-Cassin, un avant-poste stratégique sur la route de Bénévent.
Charles d’Anjou disposait d’une armée de 25 000 hommes, dont 6 000 chevaliers et sergents montés. Elle comprenait des contingents venus de toute l’Europe : Provençaux, Auvergnats, Gascons, Bretons, Flamands, et même des miliciens italiens. Cette coalition était bien équipée, bénéficiant notamment de l’expertise des arbalétriers montés, une innovation militaire redoutable.
Manfred rassembla une armée moitié moins nombreuse, composée de 5 000 à 6 000 fantassins arabes, 3 000 à 4 000 cavaliers musulmans et berbères, ainsi que de 1 200 chevaliers allemands et 1 000 mercenaires italiens. Bien que son armée fût hétérogène, elle reflétait la diversité culturelle et militaire de son royaume.
Au matin du 26 février, Charles d’Anjou aligna ses troupes dans la plaine, de l’autre côté de la rivière Calore, près de Bénévent. Manfred, bien qu’en infériorité numérique, accepta le combat. Cependant, sa sortie fut désorganisée, en partie à cause de l’enthousiasme désordonné des habitants de Bénévent. Alors que la première ligne musulmane de Manfred engageait les Angevins, ses renforts allemands n’avaient pas encore traversé le Calore.
Les premières escarmouches tournèrent à l’avantage des Angevins. Une charge menée par les Provençaux, sous Philippe de Montfort, écrasa les troupes musulmanes. Bien que les Allemands de Manfred lancèrent une contre-attaque en formation en coin, l’arrivée tardive du roi affaiblit leur coordination. Charles d’Anjou ordonna une attaque de flanc qui acheva de désorganiser les forces de Manfred. Repliées derrière le pont, les troupes siciliennes furent incapables de résister à l’assaut final.
Manfred, isolé avec quelques centaines de fidèles, refusa de fuir. Il mourut dans la mêlée, abandonné par ses hommes. Selon les récits, son corps fut découvert parmi les cadavres ennemis, identifiable grâce à son armure royale.
La victoire de Charles d’Anjou à Bénévent permit à ce dernier de s’emparer du trône de Sicile. Cette bataille marqua également la fin de la dynastie Hohenstaufen, dont le dernier héritier, Conradin, fut exécuté en 1268 après la bataille de Tagliacozzo.
L’installation des Angevins en Sicile modifia profondément l’équilibre politique en Méditerranée. Charles transforma Naples en une base stratégique pour ses ambitions impériales. Cependant, son règne fut marqué par des tensions croissantes avec les Siciliens, conduisant en 1282 à la révolte des Vêpres siciliennes, un soulèvement qui chassa les Angevins de l’île.
La bataille de Bénévent symbolise la lutte entre le pouvoir temporel (l’Empire) et le pouvoir spirituel (la papauté). Elle illustre également l’influence croissante des dynasties françaises en Italie, préparant le terrain à une série de conflits entre les grandes puissances européennes pour le contrôle de la péninsule.
La bataille de Bénévent, bien que courte, eut des conséquences durables sur l’histoire de l’Italie et de la Méditerranée. Elle mit fin à la dynastie des Hohenstaufen, consacra la montée en puissance de Charles d’Anjou, et inaugura une période de bouleversements politiques marqués par des révoltes et des rivalités dynastiques.
Auteur : Stéphane Jeanneteau, Juin 2015