La bataille de Bouvines, qui se déroula le 27 juillet 1214, s’inscrit dans la lutte séculaire entre les Capétiens et les Plantagenêt pour le contrôle de la Normandie et des terres angevines. Après avoir confisqué la Normandie à Jean sans Terre en 1204, Philippe Auguste avait consolidé son royaume en annexant d’autres territoires. Cependant, cette domination capétienne déclencha une vaste coalition contre lui, orchestrée par Jean sans Terre et l’empereur Otton IV.
Cette coalition, composée des principaux seigneurs du nord de l’Europe, comprenait Ferrand de Flandre, Renaud de Boulogne, Guillaume Ier de Hollande, Henri Ier de Brabant, Thiébaud Ier de Lorraine, et d’autres nobles du Saint-Empire romain germanique. Le plan stratégique visait une invasion coordonnée : les Anglais attaqueraient par le sud à partir de La Rochelle, tandis qu’Otton et ses alliés progresseraient par le nord pour assiéger Paris.
Pour contrer cette menace, Philippe Auguste divisa ses forces :
La victoire de la Roche-aux-Moines (2 juillet 1214) permit à Philippe de concentrer ses efforts sur le front nord. À la tête d’une armée d’environ 15 000 hommes, il se dirigea vers la région de Lille pour affronter les coalisés.
L’évolution du territoire sous Philippe Auguste.
Les deux armées se rencontrèrent près de Bouvines, un village stratégique situé entre Cysoing et Sainghin-en-Mélantois, dans un terrain resserré entre un étang et un bois.
Philippe Auguste avait organisé ses forces en trois divisions :
Otton IV répartit ses forces également en trois colonnes :
La bataille débuta lorsque Ferrand de Flandre, sur l’aile gauche des coalisés, engagea les forces d’Eudes de Bourgogne. Malgré un début prometteur, les chevaliers français, soutenus par les milices paroissiales, repoussèrent les Flamands.
Le cœur de la bataille se joua au centre, où Otton IV tenta de capturer Philippe Auguste. L’empereur, entouré de sa garde personnelle, lança une offensive directe sur le roi français. Philippe faillit être capturé, mais ses chevaliers, notamment Guillaume des Barres et Enguerrand III de Coucy, intervinrent héroïquement pour le sauver.
Otton fut désarçonné dans la mêlée par Enguerrand, et l’oriflamme royale, agitée par les chevaliers français, galvanisa les troupes.
Pendant ce temps, l’aile droite française, commandée par Eudes de Bourgogne, exploita une faille dans les rangs ennemis. Les chevaliers français percèrent les lignes flamandes, surprenant Ferrand et capturant ses forces. Ce succès affaiblit considérablement la coalition.
La confusion et la panique s’emparèrent des troupes d’Otton. Piégées dans un espace restreint, elles se piétinèrent mutuellement. Otton, voyant ses alliés se débander, abandonna le champ de bataille et s’enfuit déguisé. Ferrand de Flandre et Renaud de Boulogne furent capturés après une résistance acharnée. Guillaume de Longue-Épée fut également pris, tandis que les troupes anglaises et brabançonnes s’effondrèrent.
La bataille de Bouvines consacra la suprématie militaire de Philippe Auguste. Avec des pertes minimes, il captura plusieurs chefs ennemis, affaiblissant durablement leurs territoires. Otton IV perdit sa couronne impériale peu après et fut remplacé par Frédéric II. Ferrand de Flandre passa 15 ans en captivité, et Renaud de Boulogne resta emprisonné jusqu’à sa mort.
Jean sans Terre, incapable de renverser la situation, dut signer le traité de Chinon en 1214, renonçant à ses revendications sur la Normandie et l’Anjou. Cette défaite précipita la révolte des barons anglais, qui le contraignirent à signer la Magna Carta en 1215.
En France, la victoire renforça le pouvoir capétien. Philippe Auguste se positionna comme l’arbitre incontesté de ses barons et consolida les récentes annexions territoriales.
Le retour triomphal de Philippe Auguste à Paris fut une célébration nationale, renforçant l’unité du royaume. Cette victoire marqua également un tournant dans l’histoire de France, souvent considérée comme le début de la construction de l’État monarchique.
Auteur : Stéphane Jeanneteau, août 2014
Sources et Références :