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La Bataille de Brémule (1119) : Le Duel des Deux Couronnes.

Rivalités Franco-Normandes

La bataille de Brémule, qui eut lieu le 20 août 1119, s’inscrit dans le cadre des tensions persistantes entre le royaume de France et le duché de Normandie, alors sous le contrôle d’Henri Ier Beauclerc, roi d’Angleterre et duc de Normandie. Ces tensions résultaient d’une lutte de pouvoir entre Henri Beauclerc et Louis VI, dit Louis le Gros, roi de France, ce dernier cherchant à affaiblir la domination anglo-normande sur le duché.

À cette époque, la Normandie était une région stratégique convoitée par les deux couronnes. Louis VI, avec le soutien de certains barons normands rebelles, espérait saper l’autorité d’Henri en lançant une série de raids dans le Vexin normand. Ces incursions, destinées à affirmer la suprématie française, culminèrent dans la campagne de l’été 1119. De son côté, Henri, confronté à la menace française et aux intrigues internes de certains seigneurs normands, tenta de défendre ses positions tout en ripostant par des raids dans le Vexin français.


Les Forces en Présence : Plans et Préparatifs

Louis VI, après avoir établi une base stratégique au château des Andelys grâce à la trahison d’Amaury III de Montfort, rassembla une force d’environ 400 chevaliers. Son objectif immédiat était la prise du château normand de Noyon (aujourd’hui Charleval), où il comptait sur la complicité de traîtres dans la garnison. Louis espérait que cette victoire renforcerait son emprise sur le Vexin normand.

Henri Beauclerc, de son côté, avait mobilisé une armée de 500 chevaliers pour protéger ses terres. Après avoir assisté à la messe dans le château de Noyon le matin du 20 août, Henri se mit en marche vers le sud, ignorant que son armée allait croiser celle de Louis.

Cette rencontre fortuite transforma une campagne de raids en une bataille décisive, cristallisant les ambitions des deux souverains.

Le Déroulement de la Bataille : Rencontre Impromptue et Résolution Violente

La bataille de Brémule, localisée sur le territoire actuel de Gaillardbois-Cressenville, fut une confrontation brève mais intense. Les deux armées, composées essentiellement de chevaliers, entrèrent en collision dans un champ ouvert. Les forces de Louis VI furent les premières à engager le combat, mais elles furent rapidement surpassées par la discipline et l’expérience des chevaliers normands.

Le Courage de Louis VI

Les chroniques françaises mettent en avant le courage remarquable de Louis VI, qui, malgré son embonpoint, combattit au cœur des mêlées. Un épisode célèbre rapporté par les chroniqueurs illustre son énergie et sa détermination : alors qu’un chevalier normand saisissait la bride de son cheval en criant : « Le roi est pris ! », Louis le Gros répliqua d’un coup de masse d’armes, déclarant : « On ne prend pas le roi, ni à la guerre, ni aux échecs ! » Ce geste héroïque reflétait la personnalité robuste et combative du roi de France.

La Supériorité Normande

Du côté normand, les chroniqueurs rapportent une victoire éclatante, marquée par un faible nombre de morts – seulement trois selon leurs récits – mais un grand nombre de prisonniers français, qui rapportèrent aux chevaliers d’Henri des rançons conséquentes. Les forces d’Henri démontrèrent leur supériorité tactique et leur coordination sur le champ de bataille, notamment grâce à l’expérience acquise lors des précédentes campagnes anglo-normandes.


Conséquences : Une Défaite Stratégiquement Dévastatrice pour Louis VI

La bataille de Brémule renforça la domination d’Henri Beauclerc sur la Normandie, consolidant sa position face à un Louis VI affaibli. Bien que la défaite ne mit pas fin aux ambitions françaises dans la région, elle démontra la difficulté pour Louis VI de s’imposer militairement face à un adversaire aussi bien préparé.

Pour le Royaume de France

Pour Louis VI, la défaite fut humiliante. Non seulement il échoua à capturer le château de Noyon, mais il perdit également des alliés et des ressources précieuses. Cette défaite accentua la nécessité pour le roi de France de renforcer son autorité face à une noblesse souvent désunie et tentée de se rallier à la cause anglo-normande.

Pour la Normandie et l’Angleterre

Henri Beauclerc sortit renforcé de cette confrontation, consolidant sa réputation de souverain habile et stratège. Il profita de cette victoire pour réaffirmer son autorité sur les barons normands et maintenir l’intégrité de son duché face à l’ingérence française. La victoire de Brémule préserva également la continuité de l’union entre la couronne d’Angleterre et le duché de Normandie.



Auteur : Stéphane Jeanneteau, août 2014
Sources et Références :

  • Pierre Bauduin, La Normandie au Moyen Âge
  • Orderic Vital, Historia Ecclesiastica
  • Michel Bur, Louis VI le Gros, roi de France (1108-1137)
  • Encyclopédie Britannica, édition 2023