Au début du XIVᵉ siècle, la Flandre, riche de son industrie textile et de son commerce avec l’Angleterre, était une région stratégique pour le royaume de France. Cependant, les relations entre la couronne française et la Flandre étaient complexes. Le comte de Flandre, Gui de Dampierre, cherchait à s’émanciper de l’autorité française et à renforcer ses liens avec l’Angleterre, principal fournisseur de laine pour l’industrie flamande. Cette tension culmina lorsque Gui tenta de marier sa fille Philippine au futur Édouard II d’Angleterre, défiant l’autorité de Philippe le Bel.
En réponse, Philippe le Bel emprisonna Gui et sa fille, confisqua le comté de Flandre et plaça des officiers français dans ses principales villes. Ces mesures suscitèrent une révolte, menée par les Klauwaerts (artisans et paysans fidèles au comte) contre les Léliarts, partisans de la couronne française.
Après le massacre des « Matines de Bruges » en mai 1302, où les insurgés flamands massacrèrent les occupants français à Bruges, la situation devint critique. Les rebelles s’emparèrent de la région, à l’exception de deux bastions français : Cassel et Courtrai.
La bataille se déroula à Courtrai, près de la rivière Lys. Les Flamands, bien conscients de leur infériorité face à la cavalerie française, prirent position sur un terrain marécageux, protégé par des fossés et des canaux. Ce terrain, rendu boueux par les marécages, entravait les manœuvres des cavaliers français.
L’Échange de Tirs : Le 11 juillet 1302, les hostilités débutèrent avec des échanges de flèches et de carreaux d’arbalètes. Les arbalétriers français prirent temporairement l’avantage, mais les Flamands, bien retranchés, résistèrent.
L’Assaut des Fantassins : Les fantassins français avancèrent pour franchir les fossés et ouvrir un passage pour la cavalerie. Cependant, ils furent repoussés par les Flamands, utilisant leurs goedendags pour tenir leurs positions.
La Charge de la Cavalerie : Les chevaliers français, impatients de briser la ligne ennemie, lancèrent une charge désorganisée. Embourbés dans les marécages, ils devinrent des cibles faciles pour les Flamands. Les goedendags, efficaces pour percer les armures des cavaliers, causèrent des pertes massives.
La Déroute Française : La cavalerie française, piégée et désorganisée, fut décimée. Les chevaliers tombés à terre furent massacrés par les Flamands, qui ne firent pas de prisonniers. L’arrière-garde française, commandée par le comte de Saint-Pol, tenta de se replier mais ne put inverser l’issue de la bataille.
La bataille de Courtrai fut une défaite humiliante pour la chevalerie française. Les Flamands, en nombre équivalent mais mieux adaptés au terrain, infligèrent des pertes massives : plus de 1 000 morts dans les rangs français, dont 60 nobles de haut rang. Le comte Robert d’Artois, Raoul de Nesle, et d’autres figures de la noblesse périrent.
Les Flamands ramassèrent les éperons d’or des chevaliers tombés au combat, un acte symbolique qui donna à cette bataille le surnom de "bataille des Éperons d’Or". Ces trophées furent exposés dans l’église Notre-Dame de Courtrai.
Cette victoire marqua le début d’un mouvement d’indépendance flamand. Gui de Dampierre fut restauré à la tête de son comté, et les villes flamandes consolidèrent leur autonomie face à la couronne française.
La défaite affaiblit Philippe le Bel, tant sur le plan militaire que politique. Il perdit une grande partie de sa chevalerie et de son prestige. Toutefois, Philippe conserva les ressources financières et humaines nécessaires pour poursuivre la guerre. Deux ans plus tard, il prit sa revanche à la bataille de Zierikzee (1304) et à Mons-en-Pévèle (1304), ramenant la Flandre sous l’autorité royale.
La bataille de Courtrai est emblématique de l’efficacité des fantassins contre la cavalerie lourde, annonçant les changements tactiques des guerres médiévales. Elle renforça également le sentiment national flamand, posant les bases des aspirations indépendantistes de la région.
Auteur : Stéphane Jeanneteau, août 2014
Sources et Références :