La bataille de Desio, survenue le 21 janvier 1277, marque un tournant dans l’histoire de Milan et de la Lombardie. Cet affrontement décisif entre les factions des Visconti et des Torriani aboutit à la domination durable des Visconti sur la ville, annonçant une nouvelle ère politique pour la région.
Contexte historique : une lutte de pouvoir entre les Visconti et les Torriani
Une querelle politique et religieuse
Depuis 1262, une lutte acharnée opposait Otton Visconti, nommé archevêque de Milan par le pape Urbain IV, à la puissante famille Torriani, menée par Napo della Torre. Tandis qu’Otton représentait les intérêts gibelines, favorables à l’Empire, les Torriani étaient à la tête du parti guelfe, soutenant le pape et tenant solidement le gouvernement de Milan. Pendant plus de quinze ans, les Torriani dominèrent la ville, écrasant leurs adversaires et consolidant leur influence.
La montée en puissance d’Otton Visconti
Malgré plusieurs revers militaires, Otton Visconti ne renonça pas à ses ambitions. Après une défaite en 1276, il reconstitua ses forces à Novare et sur le lac Majeur, ralliant à sa cause des nobles milanais exilés et des alliés régionaux tels que le marquis de Montferrat. Sa ténacité finit par porter ses fruits, préparant le terrain pour une offensive décisive contre les Torriani.
La bataille de Desio : un coup de maître stratégique
La négligence des Torriani
En janvier 1277, Napo della Torre et ses troupes campaient à Desio, convaincus que leur position était imprenable. La confiance excessive des Torriani les poussa à négliger les mesures défensives habituelles, une erreur fatale. Otton Visconti, informé de cette imprudence par des alliés locaux, décida de tenter une attaque audacieuse.
L’attaque surprise
Dans la nuit du 20 au 21 janvier, Otton et ses troupes marchèrent depuis Seregno jusqu’à Desio. À l’aube, ils lancèrent une attaque surprise contre le camp des Torriani. Pris dans leur sommeil, les soldats guelfes furent rapidement débordés. Malgré une résistance désespérée de certains, comme Francesco della Torre, les forces torrianes furent écrasées.
La capture de Napo della Torre
Napo della Torre fut capturé vivant par les troupes d’Otton. Plutôt que de l’exécuter immédiatement, Otton le remit aux Comasques, ses alliés, qui l’enfermèrent dans une cage et le laissèrent mourir dans des conditions atroces au château de Baradello.
Conséquences : la fin des Torriani et la domination des Visconti
Le triomphe des Visconti
La victoire à Desio permit à Otton Visconti de prendre le contrôle de Milan. Les nouvelles de la défaite des Torriani provoquèrent un soulèvement dans la ville, où les habitants, convaincus que la défaite était un jugement divin, pillèrent les maisons des Della Torre. Le pouvoir fut officiellement transféré à Otton, qui fit une entrée triomphale dans Milan. Cette victoire marqua le début de la domination des Visconti sur la ville, une dynastie qui régna jusqu’au XVe siècle.
La chute des Torriani
La bataille de Desio signa la fin de la puissance des Torriani. Les membres survivants de la famille furent contraints à l’exil, et leur influence politique s’effondra. La mort cruelle de Napo della Torre symbolisa leur chute brutale, renforçant le pouvoir des Visconti.
Héritage de la bataille de Desio
Une date célébrée à Milan
Le 21 janvier, jour de Sainte Agnès, fut célébré pendant deux siècles comme l’anniversaire du triomphe des Visconti. Cette victoire symbolisait non seulement une victoire militaire, mais aussi un changement profond dans la structure politique de Milan.
L’établissement des Visconti
La domination des Visconti permit à Milan de devenir un des principaux centres politiques et économiques de l’Italie. Cette dynastie laissa une empreinte durable sur la ville, contribuant à son développement en tant que puissance régionale.
Conclusion : un tournant dans l’histoire milanaise
La bataille de Desio fut bien plus qu’un affrontement militaire. Elle symbolisa la fin d’une époque pour Milan, marquant la chute des Torriani et l’avènement des Visconti comme maîtres de la cité. Cette victoire, obtenue grâce à la ruse et à la détermination d’Otton Visconti, transforma durablement le paysage politique de la Lombardie.
Sources et références
- Franco Cardini, Milan and its Masters: A History of the Visconti Dynasty, 2003.
- Ferdinand Schevill, A History of Milan: From the Communal Age to the Renaissance, 1931.
- Jean-Baptiste Santamaria, Les grandes batailles médiévales d’Italie, 1995.
Auteur : Stéphane Jeanneteau, Juin 2015