L’appel du pape Urbain II au concile de Clermont en 1095 mobilise les chevaliers européens pour la libération des Lieux Saints. Après la prise de Nicée en juin 1097, les croisés poursuivent leur progression vers la Palestine. Conscients des défis logistiques posés par un si grand rassemblement d’hommes, ils décident de se diviser en deux groupes distincts afin de faciliter l’approvisionnement tout en maintenant une cohésion stratégique.
De son côté, Kılıç Arslan, sultan de Roum, tente de regrouper ses forces après la perte de Nicée, sa capitale. Ayant sous-estimé la menace croisée et mal préparé sa défense, il cherche à prendre sa revanche en unissant ses troupes avec celles de son ancien adversaire, Danichmend. Cette alliance temporaire vise à piéger les croisés dans une embuscade bien planifiée sur le plateau anatolien.
Le 1er juillet 1097, l'avant-garde croisée, composée des Normands d'Italie dirigés par Bohémond de Tarente, atteint la région montagneuse de Dorylée. C’est dans cette zone que Kılıç Arslan, accompagné de troupes turques et arabes, choisit d’attaquer. Profitant de la topographie favorable, les forces seldjoukides utilisent leur tactique habituelle de harcèlement, exploitant leurs archers montés pour désorganiser l’ennemi. Les croisés, surpris par cette attaque, se retrouvent encerclés.
Malgré cette situation critique, Bohémond ordonne à ses troupes de former un cercle défensif. Les lourdes armures des chevaliers francs, combinées à la discipline des troupes, permettent de résister aux assauts répétés des archers turcs. Pendant ce temps, des messagers sont envoyés pour demander des renforts à l’autre groupe de croisés, mené par Raymond de Saint-Gilles et Godefroy de Bouillon.
Les renforts arrivent progressivement. Godefroy de Bouillon est le premier à rejoindre le champ de bataille avec un petit contingent, suivi de Hugues de Vermandois, puis de Raymond de Saint-Gilles et d’Adhémar de Monteil. Ce dernier, grâce à une habile manœuvre tactique, décide de contourner les forces turques pour les attaquer à revers.
Les Turcs, initialement en position de force, commencent à perdre leur cohésion. L’attaque simultanée des croisés sur plusieurs fronts – par les Normands de Bohémond, les Provençaux de Raymond et les troupes de Godefroy – provoque une panique généralisée dans les rangs seldjoukides. Les soldats de Kılıç Arslan, encerclés et submergés, fuient dans toutes les directions.
La fuite des Turcs se transforme en déroute. Les croisés, galvanisés par leur victoire, pourchassent les ennemis à travers les collines environnantes, infligeant de lourdes pertes. Ils s’emparent également de l’ancien camp turc, récupérant une quantité importante de vivres, d’armes, de trésors et de bêtes de somme. Ce butin s’avère crucial pour la poursuite de leur expédition.
La victoire de Dorylée est un moment décisif pour la Première Croisade. Elle renforce la confiance des croisés dans leur capacité à affronter les forces musulmanes, malgré les difficultés logistiques et les différences culturelles. Cette bataille démontre également l’efficacité des tactiques défensives et de la coordination entre les différentes armées européennes.
Les croisés poursuivent leur avancée vers la Cilicie, où les populations arméniennes chrétiennes leur offrent un soutien logistique. Cette progression marque le début de la conquête des grandes cités du Levant, notamment Antioche et Jérusalem.
La défaite de Dorylée affaiblit considérablement Kılıç Arslan et ses alliés. Incapable de livrer une nouvelle bataille rangée, le sultan adopte une stratégie de terre brûlée, privant les croisés de ressources dans les territoires qu’ils traversent. Cependant, cette tactique ne suffit pas à stopper leur progression.
La bataille met également en lumière les limites des tactiques de harcèlement seldjoukides face aux armures lourdes et à la discipline des chevaliers francs. Ce constat pousse les forces musulmanes à adapter leurs stratégies dans les affrontements ultérieurs.
Profitant de la défaite de Kılıç Arslan, l’empereur Alexis Comnène envoie des troupes pour reprendre le contrôle des territoires perdus en Asie Mineure. Les victoires croisées facilitent la reconquête de la Phrygie, de la Lydie et de l’Ionie, consolidant temporairement les frontières byzantines.
Auteur : Stéphane Jeanneteau, décembre 2014