La bataille de Fossalta est un événement marquant des conflits entre les factions guelfes et gibelines qui divisèrent l’Italie médiévale. Cette bataille, qui opposa deux armées puissantes, a été un tournant non seulement pour les acteurs impliqués, mais aussi pour l'équilibre des forces politiques en Italie du Nord. Elle se distingue notamment par la capture d’Enzio de Sardaigne, fils de l’empereur Frédéric II de Hohenstaufen, une humiliation personnelle pour l’empereur et un triomphe symbolique pour les Guelfes.
La guerre entre Guelfes et Gibelins était enracinée dans une opposition politique et idéologique majeure. Les Guelfes, soutenant le pape, visaient à affaiblir l’autorité impériale et à promouvoir l’autonomie des communes italiennes. Les Gibelins, quant à eux, étaient les partisans de l’empereur du Saint-Empire romain germanique, défendant son rôle de souverain suprême en Italie. Ce conflit avait transformé l’Italie en un champ de bataille, avec des alliances sans cesse changeantes et des rivalités locales exacerbées.
En 1249, les tensions atteignent leur apogée dans le Nord de l’Italie, particulièrement autour de Modène, un bastion gibelin. La Ligue lombarde, dirigée par les Guelfes, lançait des offensives pour consolider leur influence sur la région, tandis que l’empereur Frédéric II cherchait à maintenir un contrôle impérial direct. Dans ce contexte, la bataille de Fossalta s’inscrit comme une tentative des Gibelins de repousser l’avancée des forces guelfes.
Sous la bannière de la Ligue lombarde, l’armée guelfe rassemble une force impressionnante. Composée de 3 000 chevaliers et 2 000 fantassins de Romagne et des troupes bolonaises, elle est renforcée par des contingents de mercenaires et des milices locales. La stratégie guelfe était claire : exercer une pression constante sur Modène pour forcer une réponse gibeline.
Informé des avancées guelfes, Enzio de Sardaigne, vicaire impérial et stratège aguerri, organise une contre-offensive. Il rassemble une armée de 15 000 hommes, composée de soldats allemands et lombards fidèles à l’empereur. Les Gibelins bénéficient de leur connaissance du terrain, mais aussi de la discipline des troupes allemandes, réputées pour leur efficacité au combat. Le 24 mai 1249, Enzio franchit le Pô à Bugno et établit son campement à Fossalta.
Après plusieurs jours d’attente, les hostilités s’ouvrent le 26 mai 1249. Enzio dispose ses troupes en trois corps organisés en deux lignes défensives. Filippo Ugoni, commandant guelfe, réagit en divisant ses forces en quatre groupes, profitant de la supériorité numérique des renforts bolonais. À l’aube, les Guelfes lancent une offensive coordonnée. Le combat s’intensifie rapidement, chaque camp subissant des pertes importantes.
Malgré la résistance acharnée des Gibelins, les Guelfes finissent par briser les lignes impériales en fin de journée. Le cheval d’Enzio est abattu, et le roi est capturé. Ce moment marque un coup dur pour les troupes gibelines, qui se dispersent dans la panique, entravées par les canaux et marais environnants. Enzio, enchaîné, est exhibé comme trophée à Bologne.
La capture d’Enzio est un triomphe symbolique pour les Guelfes, galvanisant leurs partisans dans toute l’Italie. À Bologne, l’accueil réservé au prisonnier est triomphal : Enzio, vêtu de son armure et enchaîné, est conduit à travers la ville. Il est emprisonné dans la "Rocca di Galliera", aujourd’hui connue sous le nom de Château du roi Enzio.
Pour Frédéric II, la perte de son fils représente une humiliation personnelle et une défaite politique. Bien que l’empereur ait supplié les Bolonais de libérer Enzio, ses efforts restèrent vains. L’affaiblissement des forces gibelines permit aux Guelfes de renforcer leur contrôle sur plusieurs villes stratégiques.
Enzio passa 23 ans en captivité, un sort qui marqua l’histoire bolonaise. Malgré ses conditions de détention relativement privilégiées, il mourut en 1272. Sa dépouille repose encore aujourd’hui dans la basilique San Domenico de Bologne.
La bataille de Fossalta n’a pas fondamentalement changé la carte politique de l’Italie, mais elle a eu un impact significatif sur le moral des camps opposés. La capture d’Enzio, plus qu’une victoire militaire, fut un coup symbolique qui affaiblit l’autorité impériale dans le Nord de l’Italie.
Auteur : Stéphane Jeanneteau, Juin 2015