En 1048, l'Empire byzantin est confronté à l'expansion fulgurante des Seldjoukides, une dynastie turque montante qui représente une menace stratégique pour les frontières orientales de l'empire. L'empereur Constantin IX Monomaque, conscient de la nécessité de renforcer ses positions, fait appel à son allié géorgien, le prince Liparit III Orbéliani. Ce dernier, soutenu auparavant par les Byzantins dans ses luttes internes contre le roi Bagrat IV de Géorgie, accepte l'alliance, marquant un rare moment de coopération entre Byzantins et Géorgiens.
Cependant, cette coalition militaire est fragile. L’empire byzantin traverse une période de transition politique, avec des rivalités internes qui affaiblissent son administration. Les Seldjoukides, dirigés par Ibrahim Yinal, mènent des raids destructeurs, ravageant les territoires byzantins. La destruction de la ville d’Arzen, un centre commercial stratégique situé près de l’actuelle Erzurum, intensifie la nécessité d’une réponse militaire rapide.
La bataille de Kapetrou se déroule dans un contexte d’urgence militaire. Face à la menace seldjoukide, une armée combinée byzantino-géorgienne est levée. Sous le commandement conjoint de Liparit III et du général byzantin Aaron Kekaumenos, une force estimée à 50 000 hommes marche vers Kapetrou, situé près de l’actuel Hasan Kale en Turquie. Leur objectif est d’intercepter les forces turques avant qu’elles n’approfondissent leurs incursions.
La confrontation atteint son paroxysme durant une bataille nocturne intense, une rareté pour l’époque. L'armée chrétienne, bien équipée mais mal coordonnée, échoue à infliger une défaite décisive aux Seldjoukides. Ibrahim Yinal, stratège avisé, choisit de se retirer, emportant avec lui un important butin de guerre, de nombreux prisonniers, et surtout, le prince Liparit III. Cet acte, bien que ne constituant pas une victoire totale, marque un succès symbolique pour les Seldjoukides, démontrant leur capacité à résister aux forces combinées byzantines et géorgiennes.
La défaite de Kapetrou a des répercussions majeures pour l’Empire byzantin et ses alliés. Non seulement les Seldjoukides ont consolidé leur réputation militaire, mais ils laissent derrière eux un territoire ravagé. Les témoignages de l’époque, comme celui du Byzantin Eustathios Boilas, décrivent les terres autrefois prospères du thème d’Ibérie et d’Arménie comme des déserts hantés par des serpents, des scorpions et d’autres bêtes sauvages. Ce paysage dévasté symbolise l'ampleur des dégâts subis par l'empire.
La capture de Liparit III plonge la Géorgie dans une situation délicate. L'empereur Constantin IX, soucieux de préserver l'alliance avec la Géorgie, envoie une rançon pour libérer le prince. Toghrul Beg, le chef seldjoukide, accepte finalement de libérer Liparit III, mais impose une condition : celui-ci doit renoncer à tout futur combat contre les Seldjoukides. Cette clause affaiblit davantage les positions byzantines dans la région, les privant d’un allié précieux dans leur lutte continue contre les incursions turques.
La bataille de Kapetrou illustre un tournant dans la confrontation entre l’Empire byzantin et les forces seldjoukides. Elle marque le début d’une période où les Byzantins peinent à contenir l’expansion turque, conduisant à des pertes territoriales progressives au cours des décennies suivantes. Pour la Géorgie, cet épisode met en lumière sa vulnérabilité face aux ambitions seldjoukides, malgré son alliance avec Byzance.
Sources et Références :
Auteur : Stéphane Jeanneteau, août 2014.