En 1214, le roi Jean sans Terre d’Angleterre, allié à Otton IV, empereur du Saint-Empire romain germanique, lança une offensive conjointe contre le royaume de France. Leur plan stratégique visait à encercler Philippe II Auguste : pendant que les Anglais attaqueraient au sud, attirant les forces françaises loin de la capitale, Otton IV avancerait depuis le nord pour s’emparer de Paris.
Le débarquement de Jean à La Rochelle le 16 février 1214 marqua le début de cette campagne. Philippe II, conscient de la menace, mobilisa rapidement son armée et marcha vers le sud avec son fils Louis (futur Louis VIII le Lion). Jean, tentant de contourner les forces françaises, espérait attirer l’armée royale loin de Paris. Cependant, Philippe II, anticipant le danger, choisit de diviser son armée : il confia à Louis la défense du sud contre Jean sans Terre, tandis qu’il remontait vers le nord pour contrer Otton IV.
Cette décision, audacieuse mais risquée, permit de répartir les forces françaises sur deux fronts et d’empêcher la coordination des attaques anglo-impériales. C’est dans ce contexte tendu que se déroula la bataille de la Roche-aux-Moines.
Jean sans Terre, ayant avancé dans la région angevine, décida de mettre le siège devant la forteresse de la Roche-aux-Moines (aujourd’hui Savennières). Cette forteresse était tenue par Guillaume des Roches, un sénéchal d’Anjou réputé pour sa loyauté et son courage. En s’attaquant à cette position stratégique, Jean espérait sécuriser ses arrières avant d’envisager une avancée vers Paris.
Cependant, le siège fut rapidement interrompu. Le 2 juillet 1214, le prince Louis arriva en renfort avec une armée française bien organisée. Face à cette menace, Jean sans Terre, redoutant une défaite décisive qui l’aurait coupé de toute voie de repli, prit la décision de battre en retraite. Il abandonna sur place ses machines de siège, ses bagages et une grande partie de son trésor, témoignant de l’ampleur de son échec.
La bataille de la Roche-aux-Moines ne fut pas une véritable confrontation militaire. Jean sans Terre, conscient de l’arrivée imminente des troupes françaises et de leur supériorité numérique, préféra éviter l’affrontement. Guillaume des Roches, soutenu par le prince Louis, se prépara à défendre la forteresse avec détermination, mais n’eut finalement pas à engager le combat.
Lorsque Louis arriva sur les lieux, Jean prit immédiatement la fuite. Cet abandon précipité reflète non seulement la faiblesse de sa stratégie, mais aussi un manque de cohésion et de moral au sein de ses troupes. En laissant derrière lui son équipement de siège et ses provisions, il offrit à ses adversaires une victoire stratégique sans verser une goutte de sang.
La victoire française à la Roche-aux-Moines permit à Philippe II Auguste de consolider ses positions au sud et de réduire la menace anglaise. L’échec de Jean sans Terre libéra les forces françaises pour se concentrer pleinement sur Otton IV, menant ainsi à la victoire décisive de Bouvines le 27 juillet 1214. Cette double victoire renforça la domination française sur le continent et affaiblit considérablement les prétentions anglaises en Normandie et dans le Poitou.
En Angleterre, la fuite de Jean sans Terre eut des répercussions politiques majeures. Déjà impopulaire en raison de sa gestion maladroite du royaume et de ses défaites militaires, Jean perdit encore davantage le soutien de la noblesse anglaise. Cet événement fut l’un des catalyseurs de la révolte baronniale qui aboutit à la signature de la Magna Carta en 1215.
L’abandon honteux de Jean inspira même l’expression « filer à l’anglaise », qui est devenue synonyme d’une fuite discrète ou précipitée.
Auteur : Stéphane Jeanneteau, août 2014
Sources et Références :