La bataille de Mühldorf, survenue le 28 septembre 1322 près de la rivière Inn, fut une confrontation décisive dans la querelle pour la couronne du Saint-Empire romain germanique entre Louis IV de Wittelsbach et Frédéric le Bel de Habsbourg. Cette bataille marque l'une des dernières grandes confrontations médiévales exclusivement entre chevaliers, avant l'introduction des armes à feu sur les champs de bataille européens.
La mort de l’empereur Henri VII de Luxembourg en 1313 ouvrit une lutte de pouvoir entre Louis de Wittelsbach, duc de Bavière, et Frédéric le Bel de Habsbourg. Lors de l’élection impériale de 1314, les princes-électeurs se divisèrent, certains soutenant Louis, d'autres Frédéric. Cette situation donna lieu à une double élection, laissant l’Empire sans véritable autorité unifiée.
Le pape Jean XXII, refusant de prendre parti, désigna le roi de Naples, Robert d’Anjou, comme vicaire en Italie. Cette neutralité papale renforça les tensions politiques et militaires, les deux prétendants cherchant à asseoir leur légitimité par la force.
Frédéric le Bel rassembla une armée en Autriche et comptait sur l'appui des forces de son frère, Léopold Ier. Ses alliés incluaient l’évêque de Passau et l’archevêque de Salzbourg. De son côté, Louis de Wittelsbach avait formé une coalition avec Jean Ier de Bohême et le burgrave Frédéric IV de Nuremberg. L'armée de Louis était numériquement supérieure et mieux préparée.
Le 28 septembre 1322, les deux armées s’affrontèrent près de Mühldorf. La bataille tourna rapidement en faveur de Louis de Wittelsbach. Les troupes de Léopold, censées renforcer l’armée de Frédéric, n’arrivèrent pas à temps. L’armée habsbourgeoise fut submergée, et Frédéric lui-même fut capturé avec un millier de ses chevaliers. Parmi les prisonniers figurait Ferry IV, duc de Lorraine.
Frédéric le Bel fut emprisonné pendant trois ans. Pendant cette période, Louis de Wittelsbach affronta l’opposition du pape Jean XXII, qui l’excommunia. En mars 1325, Frédéric renonça officiellement à ses revendications au trône impérial, mais l’instabilité persistante obligea Louis à conclure un accord en 1326. Ce compromis prévoyait un partage du pouvoir, Frédéric devenant un roi honoraire tout en conservant ses possessions héréditaires.
Malgré cette victoire, ni la maison de Wittelsbach ni celle des Habsbourg ne purent s’imposer durablement à la tête du Saint-Empire. Après la mort de Louis en 1347, la couronne passa à Charles IV de Luxembourg, illustrant l’incapacité des deux dynasties à consolider leur pouvoir.
La bataille de Mühldorf est considérée comme l’une des dernières batailles exclusivement entre chevaliers, sans l’usage d’armes à feu. Elle symbolise la fin d’une époque où les chevaliers constituaient l’élite militaire, bientôt supplantée par des armées plus diversifiées et technologiquement avancées.
L’affrontement illustre également les limites des conflits armés dans la quête du pouvoir impérial. Ni Louis ni Frédéric ne réussirent à asseoir une hégémonie durable, et leurs luttes laissèrent l’Empire vulnérable à des revendications concurrentes.
La bataille de Mühldorf reflète les complexités politiques et militaires du Saint-Empire romain germanique au XIVe siècle. Bien que Louis de Wittelsbach en soit sorti victorieux, les compromis politiques et les luttes internes laissèrent l’Empire en quête de stabilité. Cet affrontement signa également la fin d’une ère chevaleresque et annonça l’évolution des méthodes de guerre en Europe.
Auteur : Stéphane Jeanneteau, Juin 2015