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La bataille de Montaperti (1260) : L'affrontement historique entre Florence et Sienne.

La bataille de Montaperti est l’un des affrontements les plus sanglants et emblématiques de la lutte entre les Guelfes et les Gibelins, deux factions qui divisèrent l’Italie médiévale. Cet épisode témoigne de rivalités économiques, politiques, et territoriales intenses, exacerbées par l’alliance fluctuante entre villes et pouvoirs extérieurs tels que le pape et l’empereur.


Contexte historique : Florence et Sienne, deux puissances en conflit

Rivalité économique et expansion territoriale

Après l’an 1000, Florence et Sienne prospérèrent grâce au commerce et aux activités bancaires. Florence, traversée par l’Arno, bénéficiait d’un accès privilégié au commerce fluvial, tandis que Sienne se trouvait sur la via Francigena, une route stratégique pour les pèlerins et les échanges entre Rome et le Saint-Empire. Les tensions économiques entre les deux villes s’intensifièrent, chaque cité cherchant à dominer les territoires voisins pour étendre son influence.

Divisions politiques et alliances internationales

La rivalité économique se traduisit par un conflit politique majeur. Florence, bastion des Guelfes, soutenait le pape et défendait l’autonomie des cités face à l’autorité impériale. À l’inverse, Sienne, fidèle aux Gibelins, était soutenue par Manfred Ier de Sicile, fils naturel de Frédéric II. Les tensions atteignirent un point de rupture en 1258, lorsque Sienne accueillit les exilés gibelin florentins, dont Farinata degli Uberti, provoquant un conflit ouvert.


Les préparatifs : Une montée en puissance militaire

Mobilisation des armées gibelines

En 1259, Sienne reçut le soutien militaire de Manfred de Sicile, qui envoya des chevaliers allemands pour renforcer les troupes locales. Bien que modeste au départ, ce contingent devint un symbole de l’alliance entre Sienne et l’Empire. En juillet 1260, Manfred envoya un soutien militaire accru, comprenant 800 chevaliers, ainsi que des contingents de Pise et d’autres villes gibelines de Toscane.

Réaction guelfe et préparation à l’offensive

Face à cette montée en puissance gibeline, Florence mobilisa une armée massive de 34 000 hommes, composée de troupes venues de villes alliées comme Lucques, Prato, et Bologne. Leur objectif était de reprendre les territoires stratégiques perdus, notamment Montepulciano et Montalcino. Cette coalition se déplaça vers Sienne, déterminée à remporter une victoire décisive.


La bataille : Montaperti, un massacre sanglant

Le déroulement de l’affrontement

Le 4 septembre 1260, les forces guelfes et gibelines s’affrontèrent près de la rivière Arbia. Les Gibelins, dirigés par Provenzano Salvani, adoptèrent une stratégie d’encerclement. La bataille fut marquée par des moments de confusion, notamment la trahison de Bocca degli Abati, un Guelfe qui trancha la main du porte-étendard florentin, semant le chaos dans les rangs de Florence.

Une victoire gibeline écrasante

Malgré leur infériorité numérique, les Gibelins parvinrent à infliger une défaite cinglante aux Guelfes. Selon les chroniques, 10 000 Guelfes périrent et 15 000 furent faits prisonniers, tandis que les pertes gibelines furent limitées à environ 1 000 hommes. L’Arbia, teintée de sang, devint un symbole de cette bataille, immortalisé par Dante dans La Divine Comédie.


Les conséquences : Une Toscane sous domination gibeline

Retombées politiques

La victoire de Montaperti permit aux Gibelins de prendre le contrôle de Florence. Les Guelfes florentins fuirent vers Lucques et Bologne, et leurs propriétés furent détruites. Une diète tenue à Empoli envisagea même la destruction complète de Florence, mais cette idée fut rejetée grâce à l’intervention de Farinata degli Uberti, sauvant la ville.

Un triomphe éphémère

Malgré leur triomphe, les Gibelins ne purent maintenir leur domination. L’excommunication des partisans de Manfred par le pape Alexandre IV et les rivalités internes affaiblirent leur position. En 1269, lors de la bataille de Colle, Sienne subit une lourde défaite qui scella la fin de l’hégémonie gibeline en Toscane.


Conclusion : Une victoire marquée par le sang

La bataille de Montaperti fut une victoire éclatante pour les Gibelins, mais ses retombées politiques et sociales furent limitées à court terme. Elle incarne toutefois l’apogée des rivalités entre Guelfes et Gibelins, laissant une empreinte indélébile dans l’histoire toscane.



Sources et références

  • Dante Alighieri, La Divine Comédie, Enfer, Chant X.
  • M. Villani, Cronica Fiorentina, XIVe siècle.
  • Ferdinand Schevill, History of Florence: From the Founding of the City Through the Renaissance, 1936.

Auteur : Stéphane Jeanneteau, Juin 2015