Au milieu du XIe siècle, la France est fragmentée en de nombreuses seigneuries et comtés quasi-indépendants. Le domaine royal, limité à l’Île-de-France, est encerclé par des vassaux puissants comme les comtes d’Anjou et de Blois.
- Rivalité entre Anjou et Blois : Depuis le couronnement d’Hugues Capet en 987, les comtes d’Anjou cherchent à s’emparer de la Touraine, un territoire stratégique contrôlé par leurs rivaux de la Maison de Blois.
- Foulques Nerra et Geoffroy II Martel : Sous la direction de Foulques Nerra, puis de son fils Geoffroy II Martel, les comtes d’Anjou adoptent une politique expansionniste agressive, visant à renforcer leur influence dans l’ouest de la France.
- La Maison de Blois : Dirigée par Thibault III de Blois et son frère Étienne Ier, elle contrôle également des terres en Champagne, ce qui lui confère une position de puissance dans le centre et l’est du royaume.
La bataille de Nouy s’inscrit dans une lutte prolongée pour le contrôle de la Touraine, exacerbée par les tensions entre les deux Maisons.
Déroulement de la Bataille
1. Siège de Tours et Intervention des Blois
- Le siège : Geoffroy Martel assiège la ville de Tours dès 1043, occupant l’abbaye de Saint-Julien pour lancer ses opérations. La résistance prolongée des habitants conduit à une famine qui décime la population.
- Intervention des comtes de Blois : Thibault III et Étienne Ier mobilisent une armée pour venir en aide aux assiégés. Ils avancent par la vallée du Cher et établissent un camp à Saint-Martin-le-Beau.
2. Stratégie et Positions des Armées
- Reconnaissance et positionnement : Informé de l’approche des Blois par son sénéchal Lysois, Geoffroy Martel lève temporairement le siège et déplace ses forces vers Montlouis.
- Engagement à Nouy : Les deux armées s’affrontent le lendemain, à mi-chemin entre Montlouis et Saint-Martin-le-Beau. Geoffroy bénéficie d’une connaissance supérieure du terrain grâce à ses éclaireurs.
3. L’Affrontement
- Manœuvres décisives : Les troupes de Geoffroy, renforcées par les forces fraîches de Lysois, prennent le dessus. La bataille tourne rapidement à l’avantage des Angevins.
- Capture de Thibault III : Thibault est fait prisonnier avec 580 de ses hommes près de Courçay. Étienne Ier réussit à fuir dans la forêt d’Amboise.
Conséquences Immédiates
1. Capitulation et Traité
- Reddition de Tours : Après sa victoire à Nouy, Geoffroy reprend le siège de Tours. La ville finit par capituler.
- Conditions du traité : Sous l’arbitrage du roi Henri Ier, un accord est signé en 1046. Thibault III doit céder la Touraine à Geoffroy Martel, notamment les forteresses de Tours, Chinon et Langeais, tout en s’engageant à ne pas fortifier ses possessions proches.
2. Changements Territoriaux
- Extension de l’Anjou : La victoire permet à Geoffroy de consolider son contrôle sur la Touraine, marquant une étape clé dans la montée en puissance des Plantagenêts.
- Repli des Blois : La Maison de Blois abandonne ses ambitions à l’ouest et recentre son influence sur ses terres en Champagne et dans le centre du royaume.
Conséquences à Long Terme
1. La Montée en Puissance des Plantagenêts
La prise de la Touraine établit les Plantagenêts comme une puissance régionale majeure, étendant leur influence jusqu’aux confins du domaine royal. Cela inquiète le roi de France Henri Ier, qui se retourne contre son ancien allié Geoffroy Martel dans les années suivantes.
2. Déclin de la Maison de Blois
La défaite de Nouy affaiblit durablement les Blois, qui ne parviennent pas à récupérer la Touraine. Leur influence recule progressivement, et leur pouvoir se recentre sur Chartres et la Champagne.
3. Conflits ultérieurs
La bataille de Nouy ne marque pas la fin des hostilités. Les tensions entre les Plantagenêts et les Capétiens, exacerbées par la domination angevine en Touraine, se prolongent jusqu’au XIIIe siècle, culminant avec l’annexion de la région par Philippe Auguste en 1204.
Analyse des Facteurs de Victoire
- Supériorité stratégique : Geoffroy Martel utilise efficacement ses ressources et le terrain pour compenser l’équilibre des forces.
- Renseignement et mobilité : La reconnaissance assurée par Lysois donne un avantage crucial aux Angevins.
- Faiblesse de la coordination adverse : La capture de Thibault III met un terme prématuré à la bataille, désorganisant les forces des Blois.
Sources et Références
- Glaber, Raoul, Histoires.
- Bachrach, Bernard S., Fulk Nerra, the Neo-Roman Consul, 987–1040: A Political Biography of the Angevin Count.
- Duby, Georges, Guerriers et Paysans, VIIe-XIIe siècles.
Auteur : Stéphane Jeanneteau, août 2014