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La Bataille de Pélagonia (1259) : Une Victoire Décisive pour l’Empire de Nicée.

Une Lutte pour la Restauration Byzantine

En 1258, la mort de Théodore II Lascaris marque un tournant dans l’histoire de l’Empire de Nicée, principal successeur de l’Empire byzantin. Son jeune fils Jean IV Lascaris devient empereur, mais la régence est rapidement usurpée par Michel VIII Paléologue, un général ambitieux déterminé à restaurer Constantinople sous son autorité. Michel VIII consolide sa position en évinçant George Muzalon, choisi comme régent par Théodore II.

Simultanément, une alliance se forme entre le Despotat d’Épire, dirigé par Michel II Doukas, et la principauté d’Achaïe, dirigée par Guillaume II de Villehardouin. Leur objectif commun est de contrer l’expansion de Nicée. Manfred Ier de Sicile soutient cette coalition en envoyant 400 chevaliers pour renforcer leurs forces. Cette alliance franco-épirote menace directement les efforts de Michel VIII pour réunifier l’ancien territoire byzantin.


Le Déroulement de la Bataille : Une Victoire Stratégique pour Nicée

L'Affrontement en Thessalie

En 1259, l’armée de Nicée, dirigée par Jean Paléologue, frère de Michel VIII, envahit la Thessalie. L’objectif est de neutraliser la coalition anti-nicéenne avant qu’elle ne puisse menacer Constantinople. L’armée nicéenne, bien que composée de divers contingents (mercenaires turcs, Coumans, Hongrois, Serbes, Allemands et Bulgares), est renforcée par des tactiques ingénieuses.

Jean Paléologue utilise une ruse pour exagérer la taille de ses forces, positionnant des paysans locaux sur les hauteurs pour donner l’impression d’une armée massive. Il envoie également un faux déserteur à Michel II et Guillaume, semant la confusion dans leurs rangs. Cette stratégie joue un rôle crucial dans le déroulement de la bataille.

La Défection des Épirotes

Malgré les tentatives du baron de Carytaina de convaincre Guillaume de tenir sa position, Michel II Doukas abandonne l’alliance franco-épirote en pleine nuit, emportant ses troupes avec lui. Selon Georges Pachymères, cette fuite est attribuée à une querelle interne entre Guillaume et le fils illégitime de Michel II, Jean Doukas. Ce retrait soudain laisse Guillaume isolé face à l’armée de Nicée.

La Charge Franche et la Riposte Nicéenne

Le lendemain, les chevaliers francs, privés de soutien, mènent une charge désespérée contre les forces nicéennes. Ils affrontent d’abord les mercenaires allemands, mais les archers hongrois de Nicée tirent sur leurs chevaux, rendant les chevaliers vulnérables à pied. Déstabilisés, les soldats d’Achaïe prennent la fuite, tandis que les chevaliers restants se rendent. Guillaume tente de s’échapper mais est rapidement capturé.


Conséquences de la Bataille

Pour l’Empire de Nicée : Une Position Renforcée

La victoire de Pélagonia est un tournant pour Michel VIII Paléologue et l’Empire de Nicée :

  • Elle élimine la menace immédiate posée par l’alliance entre Épire et Achaïe.
  • Les forteresses stratégiques de la principauté d’Achaïe (Mistra, Monemvasia, Le Grand Magne) sont cédées à Nicée en 1262 en échange de la libération de Guillaume II.
  • L’expédition nicéenne, menée par Alexis Strategopoulos, s’empare d’Arta, capitale de l’Épire, consolidant la domination de Nicée sur l’ouest des Balkans.

Cette victoire ouvre la voie à la reconquête de Constantinople en 1261, marquant la restauration de l’Empire byzantin sous Michel VIII Paléologue.

Pour Achaïe et Épire : Un Recul Décisif

La capture de Guillaume II affaiblit considérablement la principauté d’Achaïe. Bien qu’il soit libéré après trois ans, la perte de forteresses stratégiques diminue son influence en Grèce. Le Despotat d’Épire, affaibli par les querelles internes et la défaite à Pélagonia, cesse d’être une menace sérieuse pour Nicée.

Pour l’Équilibre Régional

La défaite de l’alliance franco-épirote redistribue les équilibres de pouvoir en Grèce et dans les Balkans :

  • Nicée consolide son contrôle sur l’Anatolie et la Grèce centrale.
  • Achaïe et Épire perdent leur rôle de bastions anti-nicéens.
  • Le soutien de Manfred de Sicile s’avère inefficace, limitant l’influence sicilienne en Grèce.


Sources et Références :

  • Michael Angold, The Byzantine Empire in the Late Middle Ages.
  • Donald Nicol, The Last Centuries of Byzantium.
  • Georges Pachymères, Chroniques.

Auteur : Stéphane Jeanneteau, août 2014.