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La Bataille de Sirmium ou Zemun (1167) : Un affrontement décisif entre la Hongrie et Byzance.

 Rivalités territoriales et ambitions dynastiques

Durant les décennies 1150-1160, le royaume de Hongrie mène une politique expansionniste en Dalmatie et en Croatie, cherchant à s'imposer comme une puissance dominante dans les Balkans. Cette ambition inquiète l’Empire byzantin, qui considère ces territoires comme une partie intégrante de sa sphère d'influence. Les tensions s’aggravent lorsque les Byzantins soutiennent des prétendants au trône hongrois pour affaiblir le royaume.

Manuel Ier Comnène, empereur byzantin, tente une approche diplomatique en désignant Béla III, frère cadet du roi Étienne III, comme héritier du trône impérial. Béla est élevé à Constantinople, reçoit le titre de despote, et adopte le nom d’Alexis, renforçant ainsi les liens entre les deux puissances. Cependant, Étienne III refuse de céder des territoires byzantins à Béla, provoquant une guerre ouverte en 1167. Cette confrontation culmine lors de la bataille de Sirmium, également connue sous le nom de bataille de Zemun.

Déroulement de la bataille : une stratégie byzantine méthodique

Dispositions initiales

En 1167, Manuel Ier, malade, confie le commandement de l’armée à son neveu, le mégaduc Andronic Kontostéphanos. Celui-ci mène l’armée byzantine près de Sirmium, attirant les forces hongroises sous le commandement du comte Dénes de Bács (appelé Dionysios par les Byzantins).

L'armée byzantine est méticuleusement organisée en trois divisions principales. Le centre, dirigé par Kontostéphanos lui-même, comprend des unités d’élite, notamment la garde varangienne et des mercenaires italiens. Les ailes droite et gauche, composées de troupes régulières et de mercenaires étrangers (Allemands, Turcs et Serbes), sont renforcées par des réserves positionnées stratégiquement pour protéger les flancs ou effectuer des attaques surprises. En face, l’armée hongroise, organisée en une seule ligne de bataille, mise sur sa cavalerie lourde pour briser les rangs byzantins.

L’engagement initial

La bataille s’ouvre par une série de manœuvres tactiques des troupes légères byzantines, composées d’archers à cheval turcs et coumans. Ces unités harcèlent les Hongrois, les incitant à lancer une charge massive. Cette attaque met en difficulté l’aile gauche byzantine, qui recule vers la rivière Sava avant de se reconstituer. Cependant, au centre et sur la droite, l’offensive hongroise est contenue, préparant le terrain pour une contre-attaque.

Le tournant décisif

Profitant de la désorganisation progressive des Hongrois, Andronic Lampardos et Jean Kontostéphanos lancent une contre-offensive coordonnée. Les unités reconstituées de l’aile gauche et les réserves du centre viennent renforcer l’assaut. La cavalerie lourde byzantine, armée de masses d’armes, mène des charges dévastatrices. La ligne hongroise cède, et l’armée entière se retire dans un désordre total.

La poursuite est impitoyable. Une flottille byzantine sur la rivière Sava intercepte les fuyards, capturant ou tuant de nombreux soldats. Les Byzantins saisissent le train de ravitaillement hongrois et capturent plusieurs commandants ennemis. Le camp hongrois est pillé le lendemain, marquant la victoire totale des Byzantins.

Conséquences : une victoire stratégique pour Byzance

Pour l’Empire byzantin

La victoire de Sirmium renforce considérablement la position de Manuel Ier dans les Balkans. Les Hongrois sont contraints de signer une paix aux conditions byzantines. Ils cèdent le contrôle de la Bosnie, de la Dalmatie et de la Croatie jusqu’à la rivière Krka. De plus, ils acceptent de fournir des otages, de payer un tribut, et de fournir des troupes sur demande. Cette victoire assure la sécurité de la frontière septentrionale de l’Empire byzantin, un objectif majeur de Manuel Ier.

Pour la Hongrie

La défaite hongroise affaiblit momentanément l’influence du royaume dans les Balkans. Cependant, elle ne met pas fin aux ambitions hongroises. En 1172, après la mort d’Étienne III, Béla monte sur le trône hongrois avec le soutien de Manuel. Bien que Béla ait juré de rester loyal à Byzance, il finit par attaquer les territoires byzantins, prouvant que la rivalité entre les deux États perdure au-delà de cette bataille.


Sources et références

  • Cinnamus, Jean. Epitome Historiarum.
  • Choniatès, Nicétas. Chronique de l'Empire byzantin.
  • Stephenson, Paul. Byzantium’s Balkan Frontier: A Political Study of the Northern Balkans (900–1204).

Auteur : Stéphane Jeanneteau, février 2015.