La bataille de Worringen, survenue le 5 juin 1288 près de Cologne, fut un affrontement majeur dans le conflit pour la succession du duché de Limbourg. Elle opposa les forces du duc de Brabant, Jean Ier, à une coalition menée par Renaud Ier de Gueldre, soutenu par l’archevêque de Cologne et le comte de Luxembourg. Cet événement marqua non seulement un tournant pour la région, mais aussi une étape clé dans l’émancipation des villes des Pays-Bas.
Depuis la mort de la duchesse Ermengarde en 1283, la succession du duché de Limbourg devint un enjeu stratégique. Renaud Ier de Gueldre, qui détenait le duché à titre viager, fit face à la revendication de Jean Ier de Brabant, qui avait acheté les droits du comte de Berg, héritier par la ligne masculine. Le contrôle du Limbourg offrait une position stratégique clé sur les routes commerciales des Pays-Bas et de la Rhénanie.
Le conflit s’étendit au-delà des prétentions personnelles. Renaud rassembla une coalition de puissants alliés, dont Henri VI de Luxembourg, l’archevêque de Cologne Siegfried von Westerburg, et d’autres seigneurs rhénans. De son côté, Jean de Brabant mobilisa les villes bourgeoises, notamment Cologne, et des contingents paysans, reflétant un changement dans les dynamiques militaires de l’époque.
Les forces coalisées de Renaud, comprenant environ 4 000 soldats, étaient majoritairement composées de chevaliers et sergents. Jean de Brabant commandait environ 4 800 hommes, incluant un mélange de chevaliers, de milices bourgeoises de Cologne, et de contingents paysans des comtés de Berg et de la Marck.
La bataille commença par une attaque sur le flanc gauche de l’armée de Jean, où les forces coalisées de Berg et de la Marck furent repoussées. Cependant, Jean de Brabant mena une contre-attaque décisive, tuant le comte de Luxembourg et son frère Waléran de Ligny. Renaud de Gueldre et l’archevêque de Cologne furent capturés. La mort de plusieurs commandants coalisés désorganisa les rangs, permettant à Jean de remporter la victoire.
Carte du champ de bataille : les positions vers 11 heures du matin. Le Brabant en rouge, Cologne-Luxembourg en bleu
La victoire permit à Jean Ier d’assurer sa domination sur le duché de Limbourg, qu’il intégra au Brabant. Cette acquisition renforça la position de sa maison dans les Pays-Bas méridionaux et en Rhénanie.
La ville de Cologne, représentée par ses bourgeois, gagna une autonomie accrue par rapport à l’archevêché de Cologne, affaibli par la capture de Siegfried von Westerburg. Cette victoire marqua un tournant dans l’émancipation des communes urbaines, posant les bases pour une plus grande indépendance économique et politique des villes des Pays-Bas.
Les comtés de Berg et de la Marck, qui participèrent à la bataille aux côtés de Jean, profitèrent de l’affaiblissement de l’archevêque pour réduire leurs obligations féodales. Cet épisode s’inscrit dans un mouvement plus large de contestation de l’autorité aristocratique par les forces bourgeoises et locales.
La bataille de Worringen représente un moment charnière dans l’histoire des Pays-Bas et de la Rhénanie. Elle illustre l’ascension des villes bourgeoises et des États régionaux au détriment des anciennes structures féodales. Cette dynamique se poursuivra dans les décennies suivantes, culminant avec des événements comme la bataille des Éperons d’or en 1302, où les communes flamandes s’affirmèrent face à l’aristocratie.
La bataille de Worringen symbolise une transition dans l’équilibre des pouvoirs au Moyen Âge tardif. Par sa victoire, Jean de Brabant consolida son pouvoir territorial, tandis que les bourgeois de Cologne et les contingents locaux affirmèrent leur rôle dans les conflits régionaux. Cet épisode marque une étape importante dans l’émancipation des villes et des principautés régionales en Europe.
Auteur : Stéphane Jeanneteau, Juin 2015