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La Conquête d'Antalya (1207) : Une Victoire Stratégique pour le Sultanat de Roum.

Fragmentation de l’Empire Byzantin

Après la chute de Constantinople en 1204 lors de la Quatrième Croisade, l’Empire byzantin est morcelé en plusieurs entités. Tandis que l’Empire de Nicée émerge comme le principal successeur légitime, d’autres territoires passent sous le contrôle de puissances locales ou de figures opportunistes. C’est dans ce contexte qu’Antalya, connue sous le nom d’Attalia, tombe sous la domination d’Aldobrandini, un aventurier toscan, qui établit un contrôle indépendant sur la ville.

Simultanément, le sultanat de Roum, sous le règne de Kay Khusraw I, profite de la fragmentation byzantine pour étendre son influence en Anatolie. Un accord avec l’Empire de Nicée, dirigé par Théodore Lascaris, laisse implicitement au sultan la liberté d’intervenir dans les territoires byzantins hors de l’influence directe de Nicée, notamment dans la région d’Antalya.


Le Déclenchement de la Conquête : Une Ville Isolée et des Alliances Fragiles

Antalya, située sur la côte méditerranéenne, est un port stratégique pour le commerce en Méditerranée orientale. Sa position attire l’intérêt des grandes puissances de l’époque, mais elle se trouve isolée politiquement. Des marchands d’Alexandrie, mécontents de leur traitement dans la ville, se plaignent au sultan de Roum. Kay Khusraw I décide d’intervenir, voyant dans cette querelle une opportunité pour asseoir son autorité sur une région clé.

Face à l’assaut turc, Antalya fait appel au royaume latin de Chypre pour obtenir de l’aide. Bien que des renforts francs arrivent dans un premier temps, des tensions émergent rapidement entre les défenseurs latins et la population grecque de la ville. Cette discorde interne affaiblit les capacités défensives d’Antalya.


La Conquête et le Pillage d’Antalya

En mars 1207, les forces du sultan Kay Khusraw I lancent une attaque décisive contre Antalya. Selon des chroniqueurs arabes, les divisions entre les défenseurs francs et grecs jouent un rôle crucial dans la chute de la ville. Il est même rapporté que certains Grecs, mécontents de la domination franque, auraient secrètement soutenu les Turcs.

Après une bataille acharnée, Antalya est conquise par les forces seldjoukides. La ville est pillée pendant trois jours, et la majorité des Francs présents sont massacrés. Les récits contemporains soulignent l’ampleur de la dévastation, qui marque un tournant pour la ville.


Conséquences : Une Régionalisation du Pouvoir

Pour le Sultanat de Roum

La conquête d’Antalya représente une victoire stratégique pour Kay Khusraw I et le sultanat de Roum. En s’emparant de ce port, le sultanat gagne un accès direct à la Méditerranée, renforçant ses capacités économiques et commerciales. La ville devient également une base clé pour les futures campagnes militaires et un symbole de la montée en puissance des Seldjoukides en Anatolie.

La région d’Antalya est confiée à Mubariz al-Din Ertoküş, un commandant fidèle au sultan, assurant ainsi un contrôle administratif et militaire stable.

Pour Antalya

La conquête marque un changement radical dans l’histoire d’Antalya. Sous contrôle seldjoukide, la ville connaît une réorganisation politique et économique. Bien que le pillage initial cause des dégâts importants, Antalya devient un maillon important dans le réseau commercial du sultanat.

Pour les Latins et les Byzantins

Pour les Latins, la chute d’Antalya illustre la fragilité de leurs positions en Anatolie. Le royaume de Chypre échoue à maintenir une influence durable sur la région, et la défaite affaiblit davantage leur prestige. Du côté byzantin, l’Empire de Nicée, bien que non impliqué directement, voit dans cet événement une démonstration des ambitions seldjoukides dans la région.


Sources et Références :

  • Michael Angold, Byzantium and its Successors, 1204-1261.
  • Claude Cahen, The Formation of Turkey: The Seljuk and Ottoman Empires.
  • Ibn al-Athir, Chronicles of the Crusades and the Seljuk Sultanate.

Auteur : Stéphane Jeanneteau, août 2014.