La Quatrième Croisade, initialement planifiée pour libérer Jérusalem des mains des musulmans, prend une tournure inattendue lorsqu’elle s’oriente vers Constantinople. Des problèmes financiers, des querelles politiques et les intrigues vénitiennes entraînent une alliance improbable entre les croisés et Venise. La ville chrétienne orthodoxe devient une cible en raison des promesses d’Alexis IV Ange, qui promet des richesses et des ressources pour financer la croisade en échange de son installation sur le trône impérial.
Après une première tentative pour rétablir Alexis IV et son père, Isaac II, en 1203, la situation tourne au chaos. Alexis IV est renversé par Alexis V Doukas, qui refuse de tenir les promesses de son prédécesseur envers les croisés. Ce revirement pousse les croisés à attaquer Constantinople en avril 1204, cette fois pour leur propre compte.
Le siège de Constantinople commence le 9 avril 1204, avec une première tentative infructueuse des croisés et des Vénitiens. Malgré leur usage d'engins de siège et d'attaques coordonnées depuis la terre et la mer, les Grecs, protégés par leurs impressionnants remparts, résistent efficacement, aidés par des conditions météorologiques défavorables aux assaillants.
Le 12 avril 1204, la situation change avec l'arrivée de vents favorables. Ces conditions permettent aux navires vénitiens de s'approcher suffisamment près des remparts pour lancer une attaque décisive. Les croisés prennent d'assaut le secteur des Blachernes, dans le nord-ouest de la ville, après avoir percé les défenses. La résistance des Varègues, fidèles gardes impériaux, est vaillante mais insuffisante face à l’assaut. Alexis V abandonne la ville dans la nuit, laissant Constantinople sans commandement.
Après l'entrée des croisés, Constantinople est livrée à trois jours de pillages et de destructions massives. Les croisés, mus par la vengeance et la cupidité, saccagent les palais, églises et bibliothèques. La cathédrale Sainte-Sophie elle-même est profanée, et de nombreuses reliques sacrées sont volées et emportées en Occident.
Les pertes culturelles sont inestimables : d'innombrables manuscrits, œuvres d'art byzantines et monuments historiques sont détruits. Les habitants de la ville subissent des violences inouïes, allant des massacres aux viols. Le montant total du butin amassé est estimé à environ 900 000 marcs d'argent, dont une grande partie revient à Venise, principal financier de l’expédition.
Le pillage de Constantinople et la chute de la ville entraînent un bouleversement majeur dans l’histoire de l’Empire byzantin et de la chrétienté.
Création de l’Empire latin de Constantinople :
Un nouvel empire est instauré sous contrôle des croisés, avec Baudouin de Flandre couronné empereur. Cependant, ce régime latin est largement impopulaire et ne réussit jamais à consolider son pouvoir face aux résistances locales et aux États successeurs byzantins.
Partage des territoires byzantins :
Selon un traité préétabli, les terres byzantines sont divisées entre les croisés et Venise. Les Vénitiens, maîtres des mers, obtiennent d'importants territoires, y compris des îles de la mer Égée. Boniface de Montferrat, un des chefs de la croisade, fonde le royaume de Thessalonique, tandis que d'autres territoires sont répartis entre divers seigneurs croisés.
États successeurs byzantins :
Les Byzantins forment des entités indépendantes pour continuer la résistance : l’Empire de Nicée, le Despotat d'Épire, et l’Empire de Trébizonde. L’Empire de Nicée joue un rôle crucial dans la reconquête de Constantinople en 1261.
Le siège et le pillage de 1204 marquent un point de rupture dans l’histoire byzantine. L’Empire byzantin, affaibli politiquement, économiquement et culturellement, ne retrouvera jamais sa grandeur d’antan, même après la reconquête de Constantinople en 1261. Les divisions entre les chrétiens d’Orient et d’Occident se creusent davantage, avec un ressentiment profond envers les croisés latins.
Pour Venise, la Quatrième Croisade marque le début d'une domination commerciale accrue en Méditerranée orientale. La république maritime profite de son influence pour devenir une puissance économique majeure.
Auteur : Stéphane Jeanneteau, décembre 2014
Sources et références :