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Le siège de Damas en 1148 : échec cuisant de la Seconde Croisade.

une croisade marquée par les divisions et les épreuves

La Seconde Croisade (1147-1149) fut lancée en réponse à la chute du comté d’Édesse en 1144, un événement qui avait ébranlé le monde chrétien. Appelée par le pape Eugène III et soutenue par le prédicateur Bernard de Clairvaux, elle rassembla deux grands contingents menés par Conrad III, empereur du Saint-Empire romain germanique, et Louis VII, roi de France. Ces forces, pourtant impressionnantes sur le papier, furent dès le départ fragilisées par des revers militaires, des désaccords stratégiques et des tensions internes.

Les armées traversèrent l’Europe pour atteindre Constantinople en 1147. Cependant, le voyage à travers l’Anatolie se révéla désastreux, avec des pertes massives dues aux embuscades turques et aux difficultés logistiques. Affaiblies, les troupes convergèrent vers Jérusalem au début de 1148. Malgré les pertes, un objectif clair devait être défini pour justifier les sacrifices déjà consentis. Lors du concile d’Acre en juin 1148, les dirigeants croisés, sous l’influence du roi de Jérusalem Baudouin III, désignèrent Damas comme cible.

Le concile d’Acre : un choix controversé

Le choix de Damas suscita des débats parmi les barons locaux. Damas, sous la dynastie des Bourides, était historiquement alliée au royaume de Jérusalem contre la menace commune des Zengides de Mossoul. Cette alliance, bien que pragmatique, avait déjà été mise à l’épreuve par des attaques croisées antérieures. Cependant, les dirigeants croisés étrangers, notamment Conrad III et Louis VII, voyaient en Damas une cible prestigieuse et symbolique, comparable à Jérusalem et Antioche, qui rehausserait le prestige de la croisade en Europe.

Certains historiens estiment que l’attaque était inévitable, compte tenu de l’instabilité des alliances et des ambitions politiques des croisés. D’autres y voient une erreur stratégique majeure, contribuant à éloigner Damas de son rôle d’allié potentiel pour le rapprocher des Zengides.

Le siège de Damas : des espoirs vite anéantis

Le 23 juillet 1148, l’armée croisée, forte d’environ 50 000 hommes, arriva à Darayya, à l’ouest de Damas. Ils décidèrent d’attaquer par cette voie pour profiter des vergers environnants comme source d’approvisionnement. Mais les forces musulmanes, sous le commandement du vizir Unur, étaient préparées. Les croisés furent harcelés par des embuscades constantes dans les vergers, un terrain qui favorisait les défenseurs.

Malgré une percée initiale, les croisés atteignant les murs de Damas, leur position devint rapidement intenable. L’arrivée de renforts zengides menés par Nur ad-Din et Saif ad-Din ajouta une pression insurmontable. Les croisés décidèrent alors de déplacer leur camp vers une plaine moins défendue mais dépourvue de ressources. Cette décision affaiblit encore davantage leur position.

Les tensions internes exacerbèrent la situation. Les chefs croisés ne parvenaient pas à s’entendre sur le sort de Damas en cas de victoire. Cette discorde, ajoutée à la résistance farouche des défenseurs et à la menace des renforts musulmans, conduisit à un retrait précipité le 28 juillet. Pendant la retraite, les croisés furent harcelés par les archers turcs, subissant encore des pertes significatives.

Conséquences : une défaite aux répercussions durables

L’échec du siège de Damas fut un désastre stratégique et diplomatique pour la Seconde Croisade. Les conséquences furent multiples et durables :

  1. Pour les croisés : Les dissensions entre les armées croisées atteignirent leur paroxysme. Les trahisons supposées et les rivalités internes ruinèrent toute perspective de collaboration future. Cet échec marqua également la fin des grandes ambitions de la croisade, laissant les croisés incapables d’organiser une nouvelle offensive majeure.

  2. Pour les musulmans : Damas, ayant perdu toute confiance en ses anciens alliés croisés, se tourna vers Nur ad-Din pour sa défense. En 1154, la ville passa sous son contrôle, renforçant ainsi la position des Zengides et mettant un terme aux alliances entre Damas et les États latins.

  3. En Europe : Le fiasco entacha durablement l’image de la croisade. Bernard de Clairvaux, figure emblématique du mouvement, vit son prestige diminué. L'échec des appels à une nouvelle croisade souligna la désillusion croissante face à l'idée même de croisade.




Auteur : Stéphane Jeanneteau, décembre 2014
Sources et références :

  • Runciman, Steven. A History of the Crusades, Vol. II: The Kingdom of Jerusalem and the Frankish East.
  • France, John. Victory in the East: A Military History of the First Crusade.
  • Riley-Smith, Jonathan. The Crusades: A History.
  • Hillenbrand, Carole. The Crusades: Islamic Perspectives.
  • Encyclopaedia Britannica, "Siege of Damascus".