Le siège de Maastricht en 1267 illustre les tensions complexes et les rivalités territoriales entre la principauté de Liège et le duché de Brabant au XIIIe siècle. Il s'inscrit dans un contexte de rivalités politiques et économiques exacerbées par des luttes de pouvoir locales et régionales.
Depuis le début du Moyen Âge, Maastricht était divisée entre deux communautés : ceux de Saint-Lambert, affiliés à la principauté de Liège, et ceux de Saint-Servais, liés au duché de Brabant. Cette division historique remonte aux premières paroisses de la ville, centrées autour des églises Notre-Dame et Saint-Servais. En outre, la position stratégique de Maastricht, à la croisée de routes commerciales et près de la Meuse, en faisait une cible convoitée.
Après le déplacement du siège de l’évêché de Maastricht à Liège au VIIIe siècle, les évêques de Liège conservèrent une influence résiduelle sur la ville. Cependant, à partir de 1204, les ducs de Brabant devinrent des copropriétaires de Maastricht, établissant un condominium instable. Ces tensions s'intensifièrent au XIIIe siècle, notamment après la mort du duc Henri III de Brabant en 1261, qui laissa un vide de pouvoir dans la région.
Le prince-évêque de Liège, Henri de Gueldre, profita de la confusion dans le Brabant, marqué par la régence d’Adélaïde de Bourgogne pour son fils mineur, Jean Ier. Henri de Gueldre lança une attaque sur Maastricht pour renforcer son contrôle sur la ville, espérant exploiter les dissensions internes et la faiblesse temporaire de son adversaire.
Henri de Gueldre reçut le soutien de son frère, Otton II de Gueldre, et rassembla une armée substantielle pour son offensive. En face, Dirk II de Valkenburg, vassal du duc de Brabant, défendit la ville avec environ 300 hommes retranchés dans la tour du pont de Maastricht, côté Wyck. Ce pont, d’origine romaine, constituait un point névralgique pour la défense de la cité.
Le siège commença par des attaques répétées sur le pont et la tour de Wyck. Malgré une résistance acharnée, les défenseurs furent submergés, et le pont fut détruit. Henri de Gueldre s'empara de la ville, démontrant sa domination en renversant les symboles brabançons tels que le thing et la potence. Les échevins brabançons furent expulsés, et les citoyens durent prêter serment d’allégeance à l’évêque.
Après le siège, Henri de Gueldre conserva Maastricht pendant deux ans. Durant cette période, il fit démolir la tour de Wyck, utilisant ses pierres pour renforcer le château de Montfort. Bien que son contrôle fût marqué par des destructions et des réparations importantes, il ne parvint pas à imposer une domination durable.
En 1269, les citoyens de Liège et d’autres villes se révoltèrent contre Henri de Gueldre, affaibli par des scandales personnels et des abus de pouvoir. Cette insurrection força l’évêque à abandonner Maastricht. En 1274, lors du deuxième concile de Lyon, il fut déposé par le pape Grégoire X pour conduite indigne.
Le siège de Maastricht renforça temporairement la mainmise de la principauté de Liège, mais dès 1284, un traité réinstaura le condominium entre Liège et Brabant. Ce régime de double seigneurie perdura jusqu’en 1632, témoignant de la difficulté à établir une autorité exclusive sur la ville.
Le siège de Maastricht en 1267 symbolise les luttes incessantes pour le contrôle des villes stratégiques au Moyen Âge. Bien qu’éphémère, la domination liégeoise marqua durablement la ville, notamment par la destruction de structures défensives et le déplacement de certaines pierres vers d’autres chantiers. Ce conflit illustre également les tensions entre les pouvoirs locaux et régionaux, ainsi que les enjeux de souveraineté dans une Europe médiévale fragmentée.
Auteur : Stéphane Jeanneteau, Juin 2015