3 min lu
Le Siège de Nicée (1097) : Première Victoire des Croisés face à l'Islam.

La fragmentation de l’empire musulman et l’expansion seldjoukide

Au XIe siècle, le déclin du califat musulman centralisé s’accompagne d’une fragmentation politique marquée par l’émergence de nouveaux pouvoirs locaux. Parmi eux, les Seldjoukides s’imposent comme une force dominante. Ces derniers s’établissent en Anatolie après leur victoire décisive contre les Byzantins à la bataille de Manzikert en 1071. La défaite de l'empereur byzantin Romain IV Diogène ouvre les portes de l’Anatolie aux conquêtes seldjoukides, consolidées par la fondation du sultanat de Roum.

En 1081, Nicée, ville située à une soixantaine de kilomètres de Constantinople, devient la capitale du sultanat. Cette situation stratégique inquiète les Byzantins, affaiblis politiquement et militairement. L’Empire byzantin fait alors appel à l’Occident chrétien pour contrer cette menace. Le pape Urbain II, lors du concile de Clermont en 1095, lance un appel à la croisade, promettant indulgence et salut à ceux qui participeraient à la libération des lieux saints.

Les prémices de la croisade : La croisade populaire et ses échecs

Avant l’arrivée des armées organisées des barons européens, une croisade populaire, composée principalement de paysans et de chevaliers sans expérience, prend les devants. Sous la direction de Pierre l’Ermite, ces croisés atteignent Constantinople en 1096, puis se dirigent vers Nicée. Cependant, leur manque de discipline et de coordination conduit à une défaite cuisante face aux forces de Kılıç Arslan, le sultan seldjoukide, qui massacre ces troupes à Civitot.

Pendant que les forces seldjoukides se concentrent sur d'autres conflits régionaux, les armées croisées des barons arrivent à Constantinople en avril 1097. Leur objectif est clair : reprendre Nicée, verrou stratégique pour la progression vers Jérusalem.


Le déroulement du siège : Stratégies croisées et résistance seldjoukide

Une organisation minutieuse

Les armées croisées, bien organisées et dirigées par des chefs tels que Godefroy de Bouillon, Raymond de Saint-Gilles et Bohémond de Tarente, atteignent Nicée début mai 1097. La ville est protégée par six kilomètres de remparts et renforcée par le lac Ascanios, qui constitue une barrière naturelle.

Les croisés encerclent progressivement la ville. Tandis que Godefroy de Bouillon prend position au nord, les troupes de Bohémond s’installent à l’est, et celles de Raymond de Saint-Gilles au sud. Une première tentative d’assaut a lieu le 14 mai, mais la résistance turque oblige les croisés à adopter une stratégie de siège prolongé.

L’intervention byzantine

Conformément à leurs accords avec l’empereur Alexis Ier Comnène, les croisés bénéficient d’un soutien logistique important. Des machines de siège sont fournies, et des navires byzantins sont utilisés pour bloquer le ravitaillement turc par le lac Ascanios. Cette coopération permet de renforcer l’étau autour de Nicée, tandis que les forces seldjoukides échouent à briser le siège lors de plusieurs tentatives.

La reddition et la déception des croisés

Le 25 juin 1097, des négociations secrètes entre les Byzantins et les assiégés seldjoukides aboutissent à la reddition de la ville. Les Byzantins entrent dans Nicée et y hissent leur étendard, empêchant les croisés de piller la cité, comme ils en avaient l’intention. Bien que des récompenses en or et en chevaux leur soient offertes par Alexis Ier, les croisés quittent Nicée frustrés, mais déterminés à poursuivre leur avancée.


Conséquences du siège : Une victoire aux multiples implications

Pour les croisés

La prise de Nicée marque la première victoire significative des croisés contre les forces musulmanes. Elle renforce leur moral et leur confiance en vue de leur objectif final : la conquête de Jérusalem. Dès le 1er juillet 1097, ils remportent une nouvelle victoire contre Kılıç Arslan à la bataille de Dorylée, ouvrant la voie à leur progression en Anatolie.

Pour les Byzantins

Cette victoire est également une réussite stratégique pour l’Empire byzantin. Alexis Ier récupère une ville clé et amorce la reconquête de l’Asie Mineure. Cependant, la méfiance entre Byzantins et croisés s’accentue, posant les bases de tensions futures.

Pour les Seldjoukides

La chute de Nicée constitue un revers majeur pour le sultanat de Roum. Bien que ce dernier survive, il perd son prestige et sa capitale. Parallèlement, d’autres pouvoirs musulmans, comme les émirats d’Alep et de Mossoul, émergent comme acteurs majeurs de la lutte contre les croisés.



Sources et références

  • Runciman, Steven. Histoire des Croisades. Paris : Tallandier, 1998.
  • Setton, Kenneth M. A History of the Crusades. Madison : University of Wisconsin Press, 1969.
  • France, John. Victory in the East: A Military History of the First Crusade. Cambridge : Cambridge University Press, 1994.

Auteur : Stéphane Jeanneteau, décembre 2014