La chute de Jérusalem en 1187 et les victoires éclatantes de Saladin marquent un tournant décisif dans l’histoire des croisades. Après la défaite des croisés à Hattin, Saladin s’empare rapidement de la plupart des cités franques. Saint-Jean-d'Acre, l’un des ports les plus stratégiques du royaume de Jérusalem, tombe sous son contrôle en juillet 1187. Cependant, cette victoire ne consolide pas définitivement son pouvoir sur la région.
En 1189, Guy de Lusignan, récemment libéré par Saladin, décide de tenter un coup d’éclat pour reconquérir la ville et restaurer son autorité sur le royaume croisé. C’est le début d’un siège épique qui durera près de deux ans et mobilisera des forces considérables des deux côtés.
Le 20 août 1189, Guy de Lusignan, accompagné d’un petit contingent de chevaliers fidèles, établit un campement près de Saint-Jean-d'Acre. Bien que mal équipé et en infériorité numérique, il espère que sa tentative attirera des renforts croisés de l’Occident. Saladin, occupé à assiéger le château de Beaufort, sous-estime d’abord cette attaque qu’il considère comme une diversion.
À partir de septembre, des flottes de croisés commencent à arriver, renforçant la position de Guy. Les croisés s’emparent rapidement de la maîtrise des mers, ce qui empêche le ravitaillement maritime de la garnison musulmane. Cependant, l’arrivée d’une armée musulmane commandée par Taqi ad-Din, le neveu de Saladin, permet à la ville de tenir.
Le siège de Saint-Jean-d'Acre se transforme en une guerre d’usure. Les deux camps s’affrontent dans une série d’escarmouches, de tentatives d’assaut et de raids. Les croisés, soutenus par les renforts venus d’Europe, encerclent progressivement la ville, interdisant son ravitaillement terrestre et maritime.
Les conditions de vie pour les assiégeants sont extrêmement dures. Les cadavres des soldats s’entassent, provoquant des épidémies dévastatrices. L’hiver 1189-1190 est particulièrement rude, entraînant des famines et des maladies parmi les croisés. Malgré cela, les renforts continuent d’affluer, notamment avec l’arrivée d’Henri II de Champagne et de contingents allemands dirigés par Frédéric de Souabe.
Saladin tente à plusieurs reprises de briser le siège, mais ses efforts sont entravés par la maîtrise maritime des croisés et par les divisions internes dans son camp.
En avril 1191, Philippe Auguste, roi de France, débarque à Acre avec ses troupes, suivi en juin par Richard Cœur de Lion, roi d’Angleterre. Leur arrivée marque un tournant décisif dans le siège. Richard, en particulier, apporte une discipline militaire et des ressources qui revitalisent les forces croisées. Bien que les deux rois entretiennent une rivalité personnelle, ils coordonnent une série d’attaques qui affaiblissent considérablement les défenseurs musulmans.
Les croisés utilisent des tours mobiles et des trébuchets pour attaquer les remparts, tandis que Richard Cœur de Lion montre ses talents de stratège en dirigeant des assauts audacieux. La flotte de Richard coule le dernier navire égyptien, coupant définitivement la garnison d’Acre de tout soutien extérieur.
Le 12 juillet 1191, après près de deux ans de siège, la garnison musulmane de Saint-Jean-d'Acre capitule. Les termes de la reddition prévoient la restitution de la Vraie Croix, le paiement d’une rançon et la libération des prisonniers chrétiens. Cependant, les négociations traînent en longueur, provoquant la méfiance de Richard Cœur de Lion.
Le 20 août, craignant une trahison, Richard ordonne l’exécution de 2 700 prisonniers musulmans, y compris des femmes et des enfants, un acte qui choque même certains croisés et envenime encore davantage les relations avec les musulmans.
Le siège de Saint-Jean-d'Acre est un moment charnière de la Troisième Croisade. Il marque une victoire majeure pour les croisés, qui reprennent une position stratégique essentielle sur la côte méditerranéenne. Cependant, les rivalités internes entre les croisés, notamment entre Guy de Lusignan et Conrad de Montferrat, affaiblissent leur cohésion.
Pour Saladin, la perte d’Acre est un revers significatif, mais il conserve une armée intacte et maintient le contrôle de Jérusalem. Le conflit s’enlise, et malgré quelques succès croisés, notamment à la bataille d’Arsouf, Richard Cœur de Lion ne parvient pas à reprendre Jérusalem.
Auteur : Stéphane Jeanneteau, décembre 2014
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