La bataille d'Étampes s'inscrit dans une période marquée par les rivalités intestines au sein des royaumes mérovingiens. Après la mort de Childebert II en 596, ses fils, Théodoric et Théodebert, héritent respectivement des royaumes de Burgondie et d’Austrasie. Sous la tutelle de leur grand-mère Brunehaut, ces deux jeunes souverains sont poussés à attaquer la Neustrie, dirigée par Clotaire II, afin d’affermir leur domination. Brunehaut, figure politique ambitieuse et controversée, joue un rôle central dans cette stratégie en cherchant à affaiblir Clotaire et à consolider le pouvoir de ses petits-fils.
Dès 600, Théodoric et Théodebert remportent une victoire décisive sur Clotaire lors de la bataille de Dormelles, réduisant les possessions de ce dernier à une portion restreinte autour de Rouen, Amiens et Beauvais. Cette défaite constitue une humiliation pour Clotaire, qui prépare minutieusement sa revanche.
Dans ce contexte, Brunehaut, en Burgondie, intrigue pour affermir son influence. Elle projette de remplacer Bertoald, un maire du palais respecté pour ses qualités militaires, par Protadius, son amant romain. Cette manœuvre politique provoque des dissensions au sein des forces burgondes, notamment en envoyant Bertoald dans une mission risquée en Neustrie avec une escorte réduite, facilitant ainsi une confrontation avec les forces de Clotaire.
Bertoald, parti collecter des revenus dans les territoires neustriens, tombe dans une embuscade tendue par Landéric, maire du palais de Clotaire. Forcé de se replier, il se réfugie dans Orléans, où il trouve l’appui de l’évêque Austrin. Cependant, la ville est rapidement assiégée par les troupes neustriennes.
Malgré une infériorité numérique évidente, Bertoald provoque Landéric en combat singulier, mais ce dernier décline l’affrontement direct. L'attente se prolonge jusqu'à ce que des messagers parviennent à alerter Théodoric, qui mobilise une armée pour secourir Orléans. De son côté, Théodebert, dans une manœuvre complémentaire, engage des troupes pour frapper au cœur de la Neustrie.
Informé de l’avancée de l’armée burgonde, Landéric lève le siège d’Orléans et se replie sur Étampes, une position stratégique permettant de tirer parti des gués et marais environnants pour fragmenter l’armée ennemie. Le 25 décembre 604, la confrontation éclate alors que les troupes de Théodoric traversent ces obstacles naturels.
L’étroitesse des passages ralentit l’avant-garde burgonde, exposant ses forces à l’attaque initiale des Neustriens. Bertoald, revêtu de rouge, se jette avec audace dans la mêlée, défiant directement Landéric. Conscient de sa disgrâce et préférant mourir en héros, il combat avec bravoure mais succombe face à la supériorité numérique des Neustriens. Cependant, la traversée des marais par le reste de l’armée de Théodoric inverse le cours de la bataille. L’armée burgonde, désormais renforcée et motivée par la mort de Bertoald, inflige une défaite écrasante aux Neustriens, forçant Landéric à fuir. Le jeune Mérovée, fils de Clotaire, est capturé.
La bataille d'Étampes marque une étape décisive dans la rivalité entre la Burgondie et la Neustrie. Théodoric entre triomphalement à Paris, consolidant temporairement son pouvoir sur les territoires neustriens. Cette victoire devait permettre une jonction avec les forces austrasiennes de Théodebert pour anéantir définitivement Clotaire. Toutefois, les ambitions de Brunehaut et les divisions internes aux royaumes francs compliquent cette stratégie.
Contre toute attente, Théodebert signe un traité de paix avec Clotaire à Compiègne, trahissant son alliance avec Théodoric. Ce retournement est en partie attribué à l’influence des leudes austrasiens et de l’épouse de Théodebert, qui craignent l'emprise grandissante de Brunehaut. Cette trahison marque le début d’un nouveau cycle de guerres fratricides entre Théodoric et Théodebert, particulièrement entre 610 et 613.
La bataille d’Étampes illustre les tactiques mérovingiennes mêlant stratégie militaire et jeux d’alliance. La configuration du terrain et les gués ont joué un rôle déterminant dans le déroulement des combats, retardant l’armée burgonde mais offrant également une opportunité de vengeance. La bravoure de Bertoald, bien que vaine, souligne l’importance de l’honneur dans la culture guerrière mérovingienne. Enfin, la capture de Mérovée aurait pu être exploitée comme un atout diplomatique majeur, mais les divisions internes des royaumes francs en ont atténué l’impact.
Sources et références :
Auteur : Stéphane Jeanneteau, décembre 2011