La bataille d'Akroinon, en 740, constitue une étape clé dans la lutte entre l'Empire byzantin et le califat omeyyade. Après des décennies d’incursions régulières en Anatolie, cette bataille marque un point d’inflexion, offrant à Byzance une victoire majeure et freinant les ambitions des Omeyyades dans la région. Cet événement symbolise également le renouveau stratégique et moral de l'Empire sous Léon III.
Contexte : Une Longue Lutte pour l’Anatolie
La stratégie omeyyade
Depuis le début du VIIIe siècle, les Omeyyades adoptent une stratégie de raids systématiques en Anatolie. Ces incursions, destinées à affaiblir l’économie et les défenses byzantines, se concentrent sur :
- Le plateau central de l'Anatolie : Les Omeyyades évitent généralement les zones côtières fortifiées.
- Des attaques coordonnées : Parfois accompagnées d’expéditions navales, ces raids visent à maintenir une pression constante sur l’Empire.
Les défis byzantins
Face à ces menaces, l’Empire byzantin adopte une stratégie défensive :
- Renforcement des thèmes : Les unités locales sont réorganisées pour mieux protéger les régions frontalières.
- Des fortifications renforcées : Les Byzantins évitent les confrontations ouvertes, préférant protéger leurs villes stratégiques.
Déroulement de la Bataille
Les forces en présence
En 740, le calife Hišām mobilise une grande armée pour une offensive majeure :
- 90 000 hommes selon Théophane le Confesseur : Bien que ce chiffre soit probablement exagéré, il reflète l’ampleur de l’expédition.
- Division des forces:
- Une force de 10 000 hommes, dirigée par Al-Ġamr ibn Yazīd, se dirige vers la côte ouest.
- Une force de 20 000 hommes, sous Mālik ibn Šubayb et ʿAbd Allāh Al-Baṭṭāl, attaque Akroinon.
- La principale armée, sous Sulaymān ibn Hišām, avance en Cappadoce.
La confrontation à Akroinon
Léon III, conscient de l’importance stratégique d’Akroinon, rassemble ses forces pour défendre la région :
- Une victoire décisive : Les Byzantins infligent une défaite écrasante aux Omeyyades. Les deux commandants ennemis, Mālik ibn Šubayb et ʿAbd Allāh Al-Baṭṭāl, sont tués au combat, et la majorité de leurs troupes est anéantie.
- Une retraite difficile : Seuls 6 800 soldats omeyyades survivent et rejoignent l’armée principale de Sulaymān, sans réussir à réaliser de conquêtes.
Conséquences et Impact
Un succès stratégique majeur pour Byzance
La bataille d'Akroinon est la première victoire significative des Byzantins sur le califat omeyyade dans une bataille rangée. Elle marque un tournant :
- Affaiblissement des raids omeyyades : Après cette défaite, les Omeyyades cessent temporairement leurs incursions en Anatolie.
- Renforcement byzantin : Cette victoire permet à Constantin V, successeur de Léon III, de lancer des offensives en profondeur, notamment la prise de Mélitène en 751.
Un renforcement du pouvoir impérial
Pour Léon III, cette victoire renforce sa position politique et morale :
- Soutien à l’iconoclasme : Léon III interprète cette victoire comme une approbation divine de sa politique iconoclaste, consolidant son autorité religieuse et politique.
- Prestige militaire : Cette victoire restaure la confiance dans les capacités militaires byzantines, affaiblies depuis les décennies précédentes.
Conséquences pour le califat omeyyade
La défaite à Akroinon affaiblit le prestige militaire du califat :
- Priorités détournées : Les ressources omeyyades sont de plus en plus accaparées par d'autres conflits, notamment contre les Khazars et les rébellions internes.
- Déclin progressif : Cette bataille préfigure le déclin de la puissance omeyyade, renversée en 750 par les Abbassides.
La bataille d'Akroinon est un jalon dans les relations entre Byzance et le califat omeyyade. Cette victoire marque la fin des grandes incursions omeyyades en Anatolie et le début d'une période de résurgence militaire pour l'Empire byzantin. Plus qu’une victoire militaire, Akroinon symbolise la capacité de Byzance à surmonter ses défis et à défendre son cœur territorial face à une menace constante.
Sources et Références :
- Théophane le Confesseur, Chronique.
- J.B. Bury, History of the Later Roman Empire.
- Warren Treadgold, A History of the Byzantine State and Society.
Auteur : Stéphane Jeanneteau, février 2012.