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La Bataille d'Ethandun (878) : Une victoire décisive d'Alfred le Grand sur les Vikings.

La bataille d'Ethandun (878) est un tournant majeur dans l'histoire de l'Angleterre médiévale. Cet affrontement opposa les Anglo-Saxons du Wessex, menés par Alfred le Grand, à l'armée danoise dirigée par Guthrum. Dans un contexte marqué par des décennies de raids vikings et de résistances locales, cette victoire permit de préserver l'indépendance du Wessex et amorça une reconquête anglo-saxonne.


Contexte historique : Les assauts vikings et la montée des tensions

Les premiers raids vikings

Les Vikings commencèrent leurs incursions en Angleterre dès 793 avec le saccage de l'abbaye de Lindisfarne. Ces attaques sporadiques se transformèrent rapidement en menaces plus sérieuses, notamment après la bataille de Carhampton (836). Au fil des décennies, les Danois consolidèrent leur domination, profitant des divisions entre royaumes anglo-saxons.

La Grande Armée païenne et ses objectifs

L'arrivée de la Grande Armée païenne en 865 marqua un tournant : les Vikings ne se contentaient plus de piller, mais visaient la conquête et l’installation. Cette force, estimée entre 500 et 1 000 hommes, était conduite par des chefs charismatiques comme Ivar, Ubbe et Halfdan Ragnarsson. En moins de dix ans, les royaumes de Deira, d'Est-Anglie et de Mercie tombèrent sous leur contrôle. Seul le Wessex résistait encore, mais de justesse.

La montée en puissance d'Alfred le Grand

Après la mort de son frère Æthelred en 871, Alfred accéda au trône du Wessex. Bien que son règne débute par des défaites face aux Danois, il réorganisa son armée et profita des failles dans la coalition viking. À la veille de la bataille d'Ethandun, le Wessex était le dernier bastion anglo-saxon libre, une position fragile mais stratégique.


La bataille d'Ethandun : Un affrontement décisif

Un repli stratégique avant la contre-offensive

Après un revers majeur à Chippenham, Alfred se réfugia dans les marécages d’Athelney pour se réorganiser. Il y rassembla ses fidèles et établit une forteresse temporaire. À Pâques 878, il appela les hommes du Somerset, du Wiltshire et du Hampshire à le rejoindre à Ecgbryhtesstan (Egbert's Stone). Cette mobilisation massive marqua un tournant : Alfred était prêt à reprendre l'offensive.

Le déroulement de la bataille

Entre le 6 et le 12 mai 878, les forces d’Alfred affrontèrent celles de Guthrum près d’Ethandun. Bien que les Danois soient bien établis, les Saxons, galvanisés par la détermination d'Alfred, remportèrent une victoire éclatante. L'armée viking, affaiblie et en déroute, se retrancha à Chippenham. Alfred, maître du champ de bataille, bloqua l'accès aux provisions des Danois, forçant Guthrum à demander la paix après deux semaines de siège.

Une victoire morale et militaire

Le traité signé après la bataille prévoyait le retrait des Vikings du Wessex, la remise d'otages et, surtout, le baptême de Guthrum et de ses hommes. Ce dernier point fut symbolique, affirmant la supériorité morale et spirituelle d'Alfred tout en désamorçant les ambitions de reconquête des Danois.



Partage des îles britanniques entre états vikings (rouge), saxons (vert clair) et celtes (vert foncé) après la paix qui suivit la bataille d'Ethandun.


Conséquences : Un nouveau rapport de force en Angleterre

Le recul des Vikings

Après Ethandun, les Vikings furent confinés au Danelaw, une vaste région couvrant le nord et l'est de l'Angleterre. Le Wessex resta indépendant, devenant un bastion anglo-saxon autour duquel la résistance s'organisa. Cette victoire permit à Alfred d'établir une paix relative, donnant aux Saxons le temps de se reconstruire.

L'ascension d'Alfred le Grand

Ethandun renforça la légitimité et la stature d'Alfred. Il consolida ses réformes militaires, notamment en développant des forteresses (burhs) et une armée mieux organisée. Il inaugura également des réformes légales et éducatives, renforçant le pouvoir royal.

Un impact durable

La victoire d'Alfred ouvrit la voie à une reconquête progressive des territoires contrôlés par les Vikings. Elle marqua aussi un moment fondateur dans la construction de l'identité anglaise. Sans cette victoire, le paysage politique et culturel de l'Angleterre aurait été radicalement différent.

Sources et références

  1. Simon Keynes, Alfred the Great and the Vikings, Cambridge University Press, 1991.
  2. R. Allen Brown, The Origins of England, Longman, 1989.
  3. Chronique anglo-saxonne, trad. et éd. Michael Swanton, Routledge, 1996.
  4. Gwyn Jones, A History of the Vikings, Oxford University Press, 2001.

Auteur : Stéphane Jeanneteau
Date : Décembre 2012