3 min lu
La bataille de Brissarthe (866) : Une alliance fatale entre Bretons et Vikings.

La bataille de Brissarthe, en 866, constitue un épisode emblématique des luttes médiévales en Europe occidentale. Elle illustre les tensions entre les puissances franques, les Bretons et les Vikings, ainsi que les conséquences politiques et militaires durables de ces affrontements. Retour sur un événement majeur de l'histoire médiévale.


Contexte historique : Une alliance improbable pour un coup de force

En 866, une alliance audacieuse se forme entre Salomon, roi des Bretons, et le chef viking Hasting (Hásteinn), un stratège redoutable et connu pour ses incursions sur le territoire franc. Les deux protagonistes partagent un objectif commun : affaiblir les zones contrôlées par Robert le Fort, marquis d’une région englobant l'Anjou, le Maine et la Touraine. Ces territoires, bien que stratégiquement importants, sont particulièrement vulnérables face aux pillages rapides des Scandinaves et à la mobilité des forces bretonnes.

Le point culminant de cette campagne fut le saccage de la ville du Mans, un centre névralgique du Maine. Les forces de Robert le Fort, malgré leur organisation, ne purent empêcher cette destruction. Cependant, en apprenant le repli des pillards vers leurs bases, il saisit l'occasion pour tendre une embuscade décisive près de Brissarthe.


La bataille de Brissarthe : Stratégies et drame au cœur du Moyen Âge

Le choix stratégique de Brissarthe

Le lieu de l'affrontement n'est pas un hasard. La ville de Brissarthe, située sur la Sarthe, constitue un passage obligatoire pour les Vikings dans leur retraite. Son toponyme, dérivé de "pont sur la Sarthe", indique sa valeur stratégique. Conscient de cet avantage, Robert le Fort y déploie ses forces, accompagné d'alliés comme Ramnulf Ier de Poitiers, Gauzfrid du Maine et Hervé.

Un affrontement brutal et malheureux

Les Vikings, acculés, se retranchent dans une église fortifiée. Malgré leur infériorité numérique, ils exploitent la solidité des murs pour repousser un premier assaut franc. Alors que les Francs s’organisent pour un siège prolongé, Robert le Fort, sûr de sa position, abaisse sa garde. Mais à la tombée de la nuit, Hasting orchestre une sortie audacieuse. Dans la confusion, Robert le Fort, sans son armure, est tué au combat. Ce coup du sort désorganise les Francs, laissant aux Vikings l'opportunité de s'échapper, emportant leur butin.


Conséquences politiques et militaires

Un équilibre politique redéfini

La mort de Robert le Fort et les pertes dans les rangs francs marquent un tournant. En août 867, à Compiègne, Charles le Chauve est contraint de négocier avec Salomon, roi des Bretons. Cet accord reconnaît la souveraineté bretonne sur la Bretagne, ainsi que la cession des régions du Cotentin et de l’Avranchin. En consolidant son territoire, Salomon renforce l'indépendance bretonne tout en s’inscrivant dans le jeu des alliances avec le royaume franc.

La menace viking persiste

Hasting, quant à lui, poursuit ses raids destructeurs, ravageant des villes clés comme Bourges, Orléans et Angers dans les années suivantes. Ces attaques répétées soulignent l'incapacité des Francs à contenir la menace viking de manière durable. Ironiquement, Charles le Chauve devra faire appel à Salomon pour contrer cette menace, renforçant encore la position des Bretons.

Une dynastie en péril

Pour la dynastie robertienne, cette bataille faillit être fatale. Les fils de Robert, Eudes et Robert, sont placés sous la tutelle d'Hugues l’Abbé, qui s’approprie leurs terres et honneurs. Ce dernier pourrait même avoir transféré ces possessions à une autre lignée, menaçant la pérennité de la dynastie. Pourtant, les descendants de Robert le Fort joueront un rôle clé dans la fondation du royaume capétien.



Sources et références

  1. Pierre Riché, Les Carolingiens, une famille qui fit l’Europe, Éditions Hachette, 1997.
  2. Dominique Barthélemy, La Société dans le comté d’Anjou au XIe siècle, Presses Universitaires de Rennes, 2001.
  3. Patrick Galliou, L’Armorique et les Vikings, Éditions Ouest-France, 1994.
  4. Jean-Pierre Poly, La mutation féodale (Xe-XIIe siècles), Éditions Presses Universitaires de France, 2000.

Auteur : Stéphane Jeanneteau
Date : Décembre 2012