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La bataille de Fontenoy-en-Puisaye (841) : Le choc des héritiers de Charlemagne.

Contexte historique : Un empire en crise

Après la mort de Louis le Pieux en 840, l’empire carolingien, déjà fragilisé par des décennies de luttes internes, est plongé dans une guerre fratricide. Ses trois fils survivants revendiquent chacun une part de l’héritage :

  • Lothaire Ier, l’aîné, se considère comme l’héritier légitime de l’ensemble de l’empire conformément à l’ordinatio imperii de 817.
  • Louis le Germanique, frustré par les accords successifs, cherche à consolider son pouvoir à l’est.
  • Charles le Chauve, le plus jeune, soutenu par sa mère Judith, défend son contrôle des terres occidentales.

L’accord de Worms (839) entre Louis le Pieux et Charles aggrave les tensions. En excluant Lothaire et Pépin II d’Aquitaine, il déclenche une guerre ouverte. Lothaire refuse de reconnaître les partages et marche sur les territoires de Charles. Louis et Charles s’allient pour contrer leurs ambitions.


La bataille de Fontenoy

Préparatifs

Le refus de Lothaire de respecter les accords conclus à Attigny en 840 marque le début des hostilités. Les forces de Louis le Germanique rejoignent celles de Charles à Châlons-sur-Marne en mai 841. Lothaire et Pépin II, de leur côté, rassemblent leurs troupes à Auxerre. Les deux armées s’affrontent le 25 juin 841 près de Fontenoy-en-Puisaye, au sud d’Auxerre.

Déroulement de la bataille

La bataille s’engage avec des forces équilibrées de chaque côté. Les troupes de Lothaire et de Pépin II, initialement en position favorable, prennent l’avantage grâce à leur supériorité numérique. Cependant, l’arrivée du duc Guérin de Provence à la tête de renforts méridionaux renverse la situation.

Les armées de Charles et de Louis lancent une contre-offensive décisive. La mêlée est violente, les pertes sont lourdes des deux côtés, mais Lothaire subit une défaite écrasante. Selon les récits, des milliers de combattants périssent, et la bataille est considérée comme l’une des plus sanglantes du Moyen Âge carolingien.


Conséquences

Sur le court terme

La victoire de Charles le Chauve et de Louis le Germanique oblige Lothaire à battre en retraite. Bien que ce dernier se réfugie temporairement à Aix-la-Chapelle, la défaite affaiblit considérablement sa position. Charles et Louis consolident leur alliance lors des serments de Strasbourg en 842, où ils jurent de s’unir contre leur frère en langue romane (pré-roman) et tudesque, marquant ainsi une étape importante dans la formation des langues vernaculaires européennes.

Sur le long terme

La bataille de Fontenoy pave la voie au traité de Verdun en 843. Ce traité divise l’empire carolingien en trois royaumes :

  1. Lothaire conserve une bande centrale comprenant l’Italie, la Lorraine, et la Bourgogne.
  2. Louis le Germanique contrôle les territoires situés à l’est du Rhin, jetant les bases du futur Saint-Empire romain germanique.
  3. Charles le Chauve obtient la Francie occidentale, territoire correspondant approximativement à la France actuelle.

Ce partage met fin à l’unité impériale carolingienne et amorce la fragmentation politique de l’Europe médiévale.


Héritage

  1. Un tournant historique : La bataille de Fontenoy marque la fin des ambitions d’unité de l’empire carolingien, autrefois le plus puissant d’Europe occidentale.
  2. Une bataille symbolique : Avec ses pertes massives et son intensité, elle illustre la brutalité des luttes fratricides qui déchirent les dynasties médiévales.
  3. Un précurseur des langues nationales : Les serments de Strasbourg qui suivent sont une étape fondatrice dans l’histoire des langues française et allemande.


Sources et Références

  • Pierre Riché, Les Carolingiens : Une famille qui fit l’Europe.
  • Jean Deviosse, Charlemagne.
  • Ferdinand Lot, La Fin du Monde Antique et le Début du Moyen Âge.
  • Annales de Saint-Bertin.

Auteur : Stéphane Jeanneteau, décembre 2011.