La bataille de Guadalete (711) : Le début de la conquête musulmane de l’Hispanie.

Contexte historique : Une péninsule fragilisée

La bataille de Guadalete, survenue le 19 juillet 711, marque un tournant décisif dans l’histoire de la péninsule Ibérique. À cette époque, le royaume wisigoth d’Hispanie, dirigé par Rodrigue, est en proie à des divisions internes et à des luttes dynastiques.

• Crise politique et trahisons : Rodrigue accède au trône dans un climat de guerre civile après la mort de Wittiza, l’ancien roi. Les fils et partisans de Wittiza, désireux de venger leur clan, s’allient aux envahisseurs musulmans, contribuant à la fragilisation du royaume.
• L’initiative musulmane : Le wali omeyyade du Maghreb, Musa ben Nusayr, ordonne une expédition en Hispanie dirigée par Tariq ibn Ziyad, avec l’appui de forces berbères. Cette opération s’inscrit dans un contexte plus large d’expansion omeyyade.
• La participation de Julien : Le comte de Ceuta (Septem), gouverneur fidèle à Wittiza, facilite l’invasion en permettant aux troupes musulmanes de traverser le détroit de Gibraltar, probablement pour se venger de Rodrigue, accusé d’avoir violé sa fille.

Déroulement de la bataille

La marche des forces en présence

• Tariq ibn Ziyad débarque en avril 711 à Gibraltar (al-Jabal Tariq), accompagné d’environ 7 000 soldats berbères. Il avance vers l’intérieur des terres, s’emparant rapidement de Cadix et d’Algésiras, avant de rencontrer des troupes wisigothiques.
• Rodrigue, alerté de l’invasion alors qu’il réprimait une rébellion basque dans le nord, rassemble précipitamment une armée d’environ 40 000 hommes. Cependant, cette armée est affaiblie par des rivalités internes et des trahisons.

La bataille du Guadalete

La confrontation a lieu près de la rivière Guadalete (ou potentiellement près du Barbate ou du Guadarranque, selon d’autres hypothèses).

• Escarmouches initiales : Les deux armées s’engagent dans des escarmouches durant deux jours.
• La trahison des partisans de Wittiza : Dès le début de la bataille, les fils de Wittiza et leurs alliés quittent le champ de bataille, abandonnant Rodrigue et exposant les flancs de son armée.
• La déroute des Wisigoths : Privé de soutien, le centre de l’armée de Rodrigue résiste vaillamment avant de céder face aux assauts coordonnés de Tariq. Rodrigue lui-même aurait péri durant la bataille, bien que les circonstances exactes restent incertaines.

Conséquences immédiates

Effondrement du royaume wisigoth

• La mort de Rodrigue et la destruction de son armée ouvrent la voie à une progression rapide des forces musulmanes. Tolède, la capitale, tombe en 714 sans résistance notable.
• Les luttes intestines entre Wisigoths empêchent toute organisation efficace pour repousser l’envahisseur.

La conquête musulmane

• En deux ans, les troupes omeyyades, renforcées par l’arrivée de Musa ben Nusayr avec 18 000 soldats, contrôlent la majeure partie de la péninsule. Seules quelques régions montagneuses du nord, notamment les monts Cantabriques et les Pyrénées, échappent à la domination musulmane.

Transformation de la péninsule

• Une nouvelle province, Al-Andalus, est constituée en 716 sous administration omeyyade. Cette conquête introduit des réformes politiques, économiques et sociales qui marqueront profondément l’histoire de l’Espagne pour les huit siècles suivants.

Facteurs clés de la défaite wisigothique

1. Division interne : Les rivalités entre partisans de Rodrigue et ceux de Wittiza affaiblissent la capacité de résistance.
2. Manque de stratégie unifiée : Les Wisigoths, peu habitués aux tactiques arabes, sont désorganisés face à l’efficacité des forces de Tariq.
3. Collaborations locales : La population juive, persécutée par les Wisigoths, soutient souvent les envahisseurs. Une partie des populations ibériques, lassées des famines et instabilités, accueillent l’arrivée musulmane comme un changement favorable.

Héritage de la bataille

1. Une présence musulmane durable : La bataille de Guadalete marque le début de la domination musulmane en Espagne, qui durera jusqu’à la Reconquista (1492).
2. Effacement des Wisigoths : Le royaume wisigoth disparaît définitivement, et ses élites s’exilent ou s’intègrent aux structures musulmanes.
3. Les prémices de la Reconquista : Dans les zones montagneuses du nord, une résistance chrétienne s’organise, menée par des nobles wisigoths exilés, tels que Pelayo, considéré comme le précurseur de la Reconquista après la bataille de Covadonga en 722.

Sources et Références

• Roger Collins, The Arab Conquest of Spain, 710-797.
• Pierre Riché, Les Carolingiens : Une famille qui fit l’Europe.
• Lévi-Provençal, Histoire de l’Espagne musulmane.
• Chroniques d’Ibn Khaldun et Al-Maqqari.

Auteur : Stéphane Jeanneteau, décembre 2011.