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La bataille de Nikiou en 646 : La dernière tentative byzantine de reconquête de l'Égypte.

Après leur victoire décisive à la bataille d'Héliopolis en 640 et la capitulation d'Alexandrie en novembre 641, les forces musulmanes, sous le commandement d’Amr ibn al-A’as, avaient achevé la conquête de l’Égypte, marquant un tournant majeur dans l’histoire du califat et de l’Empire byzantin. Cependant, la perte de l’Égypte était un coup dur pour Byzance, non seulement pour ses ressources économiques et stratégiques, mais aussi pour son prestige en Méditerranée orientale. Le nouvel empereur byzantin Constant II, monté sur le trône en 641, se montre déterminé à récupérer cette province cruciale et à restaurer l’autorité byzantine en Afrique du Nord.

En 645, Constant II organise une expédition ambitieuse pour reprendre Alexandrie, point d’entrée stratégique de l’Égypte. Il confie cette mission à Manuel, un général expérimenté. Une flotte importante transporte des troupes byzantines jusqu’à Alexandrie, où elles réussissent à surprendre la garnison arabe, peu nombreuse, et à reprendre la ville temporairement. Informé de cette situation critique, Amr ibn al-A’as, alors possiblement en pèlerinage à La Mecque, retourne rapidement en Égypte pour reprendre le commandement des forces musulmanes. Ce retour marque le prélude à la bataille de Nikiou, qui scellera définitivement le sort de l'Égypte byzantine.


La bataille de Nikiou : une confrontation décisive

La bataille se déroule en 646, près de la ville fortifiée de Nikiou, située aux deux tiers de la route reliant Alexandrie à Fustat, la nouvelle capitale musulmane d’Égypte. Les forces arabes, dirigées par Amr ibn al-A’as, comptent environ 15 000 hommes. En face, les Byzantins, bien moins nombreux, sont menés par Manuel, dont les troupes sont affaiblies par la logistique difficile de leur expédition et le manque de soutien local.

Le combat est acharné. Les Byzantins, conscients de l’enjeu stratégique de la bataille, opposent une résistance farouche. Cependant, la supériorité numérique des Arabes, combinée à la stratégie habile d’Amr, finit par faire pencher la balance en faveur des forces musulmanes. Les Byzantins, incapables de maintenir leur position, sont contraints de battre en retraite dans le désordre vers Alexandrie. Cette défaite met un terme à leur tentative de reprendre pied en Égypte.


Conséquences immédiates et à long terme

La chute d’Alexandrie

Après leur défaite à Nikiou, les Byzantins se replient dans Alexandrie et ferment les portes de la ville pour se défendre contre une contre-attaque arabe. Cependant, les forces musulmanes poursuivent leur avancée et assiègent la cité. Isolée, manquant de ravitaillement et sans espoir de renforts, Alexandrie tombe une nouvelle fois entre les mains des Arabes durant l’été 646. Cette reprise confirme la domination musulmane sur l’Égypte et met fin aux espoirs byzantins de reconquête.

La fin des tentatives byzantines en Égypte

La défaite de Manuel à Nikiou et la perte définitive d'Alexandrie marquent la dernière tentative sérieuse de Byzance pour récupérer l’Égypte. L’Empire byzantin, déjà accaparé par des menaces sur d’autres fronts, notamment les Balkans et l’Anatolie, ne parvient plus à mobiliser des ressources suffisantes pour une nouvelle campagne en Afrique du Nord. Pendant plusieurs siècles, l’Égypte reste solidement intégrée dans le califat musulman, devenant un centre économique et culturel vital.

Une fracture géopolitique durable

Cette bataille scelle également une fracture géopolitique entre l’Orient byzantin et le monde musulman. La Méditerranée, autrefois unifiée sous l’autorité romaine puis byzantine, devient un espace contesté. Si Byzance conserve encore une forte présence en Anatolie et dans la mer Égée, la domination musulmane sur l’Égypte et la côte sud de la Méditerranée redéfinit les équilibres stratégiques dans la région.

L’impact symbolique

La défaite byzantine à Nikiou et la perte définitive de l’Égypte sont également un coup symbolique majeur. Pour le califat, elles témoignent de la supériorité militaire et organisationnelle des forces musulmanes face à un empire romain d’Orient en déclin. Pour Byzance, cette défaite marque la fin d’une époque et renforce la perception que l’empire est en train de perdre son emprise sur les territoires chrétiens du Levant.


 

La bataille de Nikiou en 646 est bien plus qu’un simple affrontement militaire : elle symbolise la fin de l’ère byzantine en Égypte et la confirmation de la domination musulmane sur une région clé de la Méditerranée orientale. Avec la défaite de Manuel et la chute définitive d’Alexandrie, Byzance renonce à tout espoir de reconquérir cette province stratégique. Pendant plusieurs siècles, l’Égypte restera sous le contrôle du califat, contribuant à l’essor de la civilisation islamique et modifiant durablement le paysage géopolitique de la région. La bataille de Nikiou, bien qu’elle soit moins connue que celle d’Héliopolis, représente donc un jalon essentiel dans l’histoire des relations entre l’Empire byzantin et le monde musulman.



Références

  1. Edward Gibbon, Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain, éditions diverses.
  2. John Bagnell Bury, History of the Later Roman Empire from Arcadius to Irene.
  3. Hugh Kennedy, The Great Arab Conquests: How the Spread of Islam Changed the World We Live In, Da Capo Press, 2007.
  4. Warren Treadgold, A History of the Byzantine State and Society, Stanford University Press, 1997.


Auteur ; Stéphane Jeanneteau Juin 2012