Au début du VIIIe siècle, les forces arabo-berbères ont conquis l’Hispanie wisigothique, s’étendant jusqu’à la Septimanie (Narbonne et ses environs). Sous la direction du gouverneur d'Al-Andalus, ʿAbd al-Raḥmān ibn ʿAbd Allāh al-Ghāfiqī, les Omeyyades lancent des expéditions visant à étendre leur domination et à razzier les territoires francs.
Les années précédentes avaient vu plusieurs affrontements importants : la victoire du duc Eudes d’Aquitaine à Toulouse (721) avait stoppé temporairement leur progression, mais leur retour en force en 732 les mène à envahir l’Aquitaine et à ravager Bordeaux, infligeant une défaite écrasante à Eudes. Forcé de demander l’aide de Charles Martel, maire du palais des royaumes francs, Eudes s’allie à son ancien rival pour contrer cette menace.
Les Omeyyades, riches de leurs succès, s’avancent en direction de Poitiers, avec pour objectif final l’abbaye de Saint-Martin-de-Tours, réputée pour ses trésors.
Les historiens s’accordent à situer la bataille dans le Nord du Poitou, probablement près du hameau de Moussais (renommé Moussais-la-Bataille), sur l’ancienne voie romaine reliant Poitiers et Tours. Les Francs, commandés par Charles Martel, rassemblent une armée composée principalement de fantassins bien disciplinés, tandis que l’armée omeyyade, dirigée par ʿAbd al-Raḥmān, repose sur une puissante cavalerie, mais également sur des contingents chargés de butin.
La bataille débute par plusieurs jours d’escarmouches, Charles Martel préférant épuiser l’ennemi. Le choc décisif a lieu le samedi 25 octobre 732.
Les Francs, formés en une phalange compacte, résistent aux charges de la cavalerie omeyyade. Leur position défensive, comparée par les chroniqueurs à un "mur immobile", leur permet de limiter l’impact des attaques ennemies. Pendant ce temps, Eudes, avec un détachement, contourne le camp musulman et attaque l’arrière-garde.
Craignant pour leur butin et la sécurité de leurs familles, les combattants musulmans abandonnent le champ de bataille pour défendre leur camp. Cette confusion permet aux Francs de reprendre l’initiative. ʿAbd al-Raḥmān est tué pendant la mêlée, et les Omeyyades, désorganisés, se replient pendant la nuit. Le lendemain, les Francs trouvent le camp vide, marquant ainsi une victoire décisive.
La bataille de Poitiers marque un tournant dans l’histoire de l’Europe. Si les Omeyyades conservent leurs bases en Septimanie jusqu’en 759, ils renoncent à étendre leur domination au nord des Pyrénées. La bataille symbolise le point culminant de l’expansion musulmane médiévale en Occident.
En répondant à l’appel d’Eudes, Charles Martel renforce son autorité sur l’Aquitaine, un territoire jusque-là indépendant. Bien qu’il ne l’annexe pas immédiatement, sa victoire assoit son prestige et pave la voie à la domination carolingienne.
La bataille de Poitiers est vue, dès le Moyen Âge, comme un symbole de la défense de la chrétienté contre l’Islam. Cependant, les raids musulmans continuent sporadiquement, notamment en Provence et dans la vallée du Rhône, où Charles intervient à plusieurs reprises pour les repousser.
Poitiers est souvent perçue comme une bataille "fondatrice" pour l’Europe chrétienne, bien que son impact immédiat ait été principalement stratégique et territorial. À partir du XVIe siècle, l’événement devient un symbole de la lutte entre l’Europe chrétienne et l’Islam, utilisé pour justifier des visions idéologiques, notamment lors des conflits entre l’Europe et l’Empire ottoman.
Auteur : Stéphane Jeanneteau, décembre 2011.