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La Bataille de Taginae (552) : L'Épilogue du Royaume Ostrogoth.

La bataille de Taginae, également connue sous le nom de bataille de Busta Gallorum, marque un tournant décisif dans la guerre des Goths. Après deux décennies de combats pour le contrôle de l’Italie, Justinien dépêche en 550 une armée considérable sous le commandement de Narsès. Ce dernier affronte les Ostrogoths menés par leur charismatique roi Totila près du village de Taginae en 552. Cette confrontation scelle le destin du royaume ostrogoth et consolide la reconquête byzantine en Italie.


Contexte : Une Italie en Guerre

Les ambitions de Justinien

Depuis le début de la guerre des Goths en 535, l’Empire byzantin cherche à rétablir son autorité sur l’Italie, ancienne partie de l’Empire romain d’Occident. Malgré des victoires initiales, la situation stagne après le retrait de Bélisaire, et les Ostrogoths, sous Totila, reconquièrent la majeure partie de la péninsule, y compris Rome.

L’arrivée de Narsès

En 550, Justinien lève une armée de 22 000 hommes, un mélange d’infanterie byzantine, de cavalerie lourde et d’auxiliaires lombards et hérules. Après deux ans de préparation, cette force se rassemble à Ravenne avant de marcher vers le sud pour confronter Totila, qui cherche à freiner leur progression.


Déroulement de la Bataille

La stratégie de Totila

Totila, conscient de son infériorité numérique, cherche à compenser par des ruses et des manœuvres audacieuses. Il propose des négociations tout en préparant une attaque surprise, espérant prendre l’armée de Narsès au dépourvu. Cependant, Narsès, stratège expérimenté, ne tombe pas dans le piège et organise son armée en une formation défensive bien ancrée.

Le dispositif de Narsès

Narsès adopte une formation en croissant :

  • Le centre : une phalange compacte composée d’auxiliaires germaniques (Lombards et Hérules).
  • Les flancs : 4 000 archers à pied de chaque côté, positionnés pour couvrir l’ensemble du champ de bataille.
  • Les réserves : des troupes byzantines prêtes à intervenir si nécessaire.

Cette disposition permet à Narsès de maximiser la puissance de feu de ses archers tout en protégeant son infanterie des charges ennemies.

L’échec de Totila

Totila tente d’abord de contourner l’armée byzantine en prenant une colline stratégique, mais ses cavaliers sont repoussés. Il attend ensuite des renforts envoyés par Teias et utilise divers stratagèmes pour différer la bataille, notamment en simulant un repli pour "déjeuner". Toutefois, Narsès garde ses troupes en alerte, suspectant une attaque imminente.

Lorsque les renforts ostrogoths arrivent, Totila lance une charge frontale contre le centre byzantin. Les archers de Narsès, disposés en arc, concentrent leurs tirs sur la cavalerie ostrogothe, infligeant des pertes massives. Piégés dans une pluie de flèches et incapables de briser les lignes byzantines, les Ostrogoths sont submergés. Totila lui-même est mortellement blessé lors de la déroute de son armée.


Conséquences de la Bataille

La chute de Totila et de Rome

La mort de Totila désorganise les Ostrogoths, qui se replient en désordre. Narsès profite de cette victoire pour marcher sur Rome, qu’il prend sans rencontrer de résistance significative. Cette victoire marque la fin de la domination ostrogothe sur la ville.

Le dernier sursaut ostrogoth

Les Ostrogoths tentent un ultime regroupement sous la direction de Teias, le successeur de Totila. Cependant, leur défaite au mont Lactarius (553) scelle le destin du royaume ostrogoth, mettant fin à leur règne en Italie.

L’héritage byzantin

La victoire de Taginae consolide la position de l’Empire byzantin en Italie. Bien que les guerres subséquentes et l’usure des conflits affaiblissent durablement la région, cette reconquête représente un moment clé de la politique expansionniste de Justinien.


 

La bataille de Taginae est une démonstration magistrale de la stratégie militaire byzantine et du leadership de Narsès. En neutralisant l’armée ostrogothe et en éliminant Totila, Narsès ouvre la voie à la reconquête complète de l’Italie. Ce triomphe marque également la fin d’une époque, celle de la domination ostrogothe, et réaffirme, bien que temporairement, la souveraineté byzantine sur la péninsule.



Sources et Références :

  • Procope de Césarée, Histoire de la guerre des Goths.
  • J.B. Bury, History of the Later Roman Empire.
  • Heather, Peter, The Restoration of Rome.

Auteur : Stéphane Jeanneteau, février 2012.