En 610, les royaumes francs sont déchirés par des querelles dynastiques entre Thierry II, roi de Bourgogne, et son frère Thibert II, roi d’Austrasie. Ces luttes, alimentées par des ambitions territoriales et personnelles, culminent avec l’invasion de l’Alsace par Thibert, rattachée au royaume bourguignon.
La Chronique de Frédégaire rapporte que l’attaque de Thibert sur l’Alsace fut menée « à la manière des barbares », ravageant les terres et semant le chaos. Cette agression marque une première humiliation pour Thierry II, contraint lors du plaid de Seltz d’abandonner d’importantes provinces, dont l’Alsace et le Sundgau, sous la menace des troupes de son frère.
Face à cette trahison, Thierry consacre une année entière à préparer sa revanche. En 612, les tensions atteignent leur paroxysme, entraînant une série de batailles décisives, dont celle de Tolbiac.
Après sa défaite à Seltz, Thierry II s’assure la neutralité de puissances voisines, notamment Wittéric, roi des Wisigoths d’Espagne, et Clotaire II, roi de Neustrie. Il regroupe une armée issue de toutes les provinces de Bourgogne et lance une offensive méthodique.
Au printemps 612, il s’empare de Naix (Nasium) avant de progresser jusqu’à Toul, qu’il prend d’assaut. En mai, il inflige une cuisante défaite à l’armée austrasienne, forçant Thibert à fuir. La poursuite s’intensifie, culminant à Tolbiac, où les deux frères rassemblent toutes leurs forces disponibles.
À Tolbiac, Thibert mobilise des contingents austrasiens ainsi que des renforts saxons et thuringiens. Face à lui, Thierry aligne une armée aguerrie et déterminée à écraser son rival.
Les chroniques décrivent un carnage sans précédent :
« Le carnage fut si grand dans les deux armées, que là où les phalanges combattaient, les cadavres des hommes tués n'avaient pas de place pour tomber, et qu'ils demeuraient debout et serrés, les cadavres soutenant les cadavres, comme s'ils eussent été vivants. »
Malgré une résistance acharnée, les forces de Thibert sont défaites. Thierry II poursuit son frère jusqu’à Cologne, scellant ainsi son triomphe.
Après la bataille, Thierry s’empare de Cologne et des trésors austrasiens. Thibert est capturé par Berthaire, le camérier de Thierry, dépouillé de ses attributs royaux, et envoyé à Chalon. Son fils Mérovée est exécuté sur ordre de Thierry.
Le sort de Thibert varie selon les sources. Pour Jonas de Bobbio, il est enfermé dans un monastère et assassiné sur ordre de Brunehilde. D’autres récits, comme celui d’Aimoin de Fleury, rapportent que Thibert fut tué par les habitants de Cologne, effrayés par les menaces de Thierry. Sa tête aurait été jetée aux pieds du roi victorieux.
La victoire de Tolbiac permet à Thierry II de réunir sous son sceptre les royaumes de Bourgogne et d’Austrasie. Toutefois, son règne unifié est de courte durée. En 613, Thierry meurt subitement à Metz à l’âge de 26 ans, alors qu’il se préparait à affronter Clotaire II.
La bataille de Tolbiac illustre l’intensité des rivalités mérovingiennes, où les ambitions personnelles l’emportent souvent sur l’unité politique. Bien que Thierry II ait temporairement unifié deux des principaux royaumes francs, sa mort soudaine laisse le champ libre à Clotaire II, qui consolide son pouvoir en devenant roi unique des Francs.
Auteur : Stéphane Jeanneteau, décembre 2011.