En 610, le monde franc est marqué par des luttes intestines entre les descendants de Clovis. À la mort de Clotaire Ier, les territoires francs sont partagés entre ses fils, donnant naissance à des royaumes rivaux : Austrasie, Neustrie et Burgondie. Thierry II, roi de Burgondie, et son frère Thibert II, roi d’Austrasie, s’affrontent pour le contrôle des frontières orientales, notamment l’Alsace.
Les rivalités entre ces deux royaumes s’inscrivent dans un contexte d’instabilité politique et de convoitises territoriales. Selon la Chronique de Frédégaire, les ambitions de Thibert II le poussent à envahir l’Alsace, région stratégiquement située entre les deux royaumes. L’invasion marque un tournant majeur dans les relations entre les deux frères, exacerbant les tensions.
Face à l’invasion de l’Alsace par les troupes austrasiennes, Thierry II convoque un plaid à Seltz pour définir les frontières entre les deux royaumes. Il se présente avec une armée de 10 000 hommes, insuffisante face à celle de Thibert, bien plus nombreuse et soutenue par des mercenaires alamans.
Thibert II adopte une stratégie habile, empêchant les renforts bourguignons d’accéder à Seltz en ordonnant aux Alamans de ravager la Bourgogne Transjurane. Les troupes de Thierry II, encerclées, ne peuvent résister. Contraint de négocier sa liberté, Thierry II cède plusieurs territoires, dont l’Alsace, le Sundgau, et des possessions en Champagne. Cet épisode représente une humiliation pour Thierry II et fragilise son pouvoir.
La défaite de Thierry II a des conséquences immédiates pour les régions envahies. Les Alamans, après avoir ravagé la Bourgogne Transjurane, avancent jusqu’à Avenches. Ils se retirent avec un butin considérable et de nombreux captifs. Ces pillages affaiblissent l’économie et la stabilité des territoires bourguignons, déjà fragilisés par les conflits internes.
La cession de vastes territoires, y compris l’Alsace, constitue une perte stratégique pour Thierry II. Ces concessions renforcent l’influence de Thibert II en Austrasie et affaiblissent l’unité du royaume bourguignon. Elles accentuent également la rivalité entre les deux frères, rendant inévitable une revanche de Thierry II.
Après l’humiliation de Seltz, Thierry II passe une année à préparer sa revanche. Il forge des alliances stratégiques, notamment avec Wittéric, roi des Wisigoths d'Espagne, et Clotaire II, roi de Neustrie, afin d’assurer leur neutralité. Ces alliances témoignent de la dimension diplomatique que Thierry II donne à son projet de reconquête.
Au printemps 612, Thierry II mobilise une armée provenant de toutes les provinces de son royaume. Il lance son offensive depuis Langres, progressant méthodiquement par Andelot et Naix (Nasium), avant de s’emparer de Toul. La prise de ces places fortes reflète la supériorité tactique de Thierry II dans les premières phases de la campagne.
Thibert II rassemble une armée austrasienne pour contrer l’avancée de son frère. La rencontre des deux armées mène à une bataille sanglante. Malgré la résistance des Austrasiens, Thierry II inflige une défaite décisive à son frère. Thibert fuit vers Cologne, poursuivi par les troupes bourguignonnes.
Thibert, ayant rassemblé des renforts en Austrasie, Saxe et Thuringe, tente une dernière contre-offensive à Tolbiac. Cette bataille marque un point culminant dans les affrontements entre les deux frères. Les forces saxonnes et thuringiennes apportent un soutien crucial à Thibert, mais Thierry II, galvanisé par ses victoires précédentes, est déterminé à achever sa revanche.
L’issue de cette bataille reste incertaine dans les récits historiques, mais elle illustre l’ampleur des tensions au sein des royaumes francs. Ces conflits fratricides affaiblissent durablement les dynasties mérovingiennes, ouvrant la voie à des changements politiques majeurs dans les décennies suivantes.
Auteur : Stéphane Jeanneteau, décembre 2011.