Depuis le début du Xe siècle, des bandes sarrasines venues d’Al-Andalus s’étaient établies en Provence, notamment autour de leur forteresse principale, le Fraxinet (actuelle Garde-Freinet). De là, ils menaient des raids de pillage et contrôlaient les routes alpines stratégiques. Bien que gênants, les seigneurs locaux restaient passifs face à cette occupation, parfois même concluant des arrangements tacites avec ces envahisseurs.
Un événement déclencheur bouleverse cet équilibre : en 972, les Sarrasins capturent Maïeul, abbé de Cluny, alors qu’il traversait le col du Mont-Joux dans les Alpes. La rançon est payée, et Maïeul est libéré, mais cet affront galvanise les Provençaux. Sous la conduite du comte Guillaume de Provence, dit Guillaume le Libérateur, une coalition de seigneurs et de milices populaires se forme pour chasser les Sarrasins de manière définitive.
Guillaume de Provence mobilise une armée composée de guerriers de Provence, du Bas-Dauphiné, et de Nice. L’objectif est ambitieux : frapper au cœur du dispositif sarrasin, à Fraxinet, pour désorganiser leurs forces et briser leur domination.
Au cours de leur progression, les Provençaux affrontent les Sarrasins lors de cinq batailles préliminaires, notamment à Embrun, Gap, Riez, Ampus, et Cabasse. Chaque fois, les forces musulmanes sont défaites, et leurs survivants se regroupent à Tourtour, où se déroule l’affrontement décisif.
La sixième bataille voit l’armée provençale écraser les Sarrasins dans un combat décisif. En déroute, les envahisseurs se réfugient dans leur forteresse de Fraxinet, située sur le sommet de la Garde-Freinet.
Guillaume donne un peu de repos à ses troupes avant d’organiser l’assaut final. Les contingents des seigneurs de Levens, Aspremont, Gilette, Beuil et Sospel sont chargés de l’attaque. Après une ascension éprouvante, les Provençaux prennent d’assaut la forteresse, la détruisent et mettent fin à l’occupation.
Les Sarrasins tentent de se cacher dans une forêt voisine, mais sont pourchassés. Certains sont tués, d’autres faits prisonniers. Une partie des survivants est convertie de force au christianisme, tandis que d’autres quittent définitivement la Provence.
La bataille de Tourtour et la prise de Fraxinet marquent la fin de la domination sarrasine en Provence. Les routes alpines, vitales pour le commerce et les pèlerinages, sont rouvertes, et la région est pacifiée après des décennies de raids et de pillages.
Cette victoire renforce la stature de Guillaume Ier, désormais surnommé Guillaume le Libérateur. Elle témoigne de l’émergence d’une Provence unifiée autour de ses comtes, qui reprennent le contrôle total de la région et s’affirment comme des acteurs majeurs dans le sud de la Francie.
Bien que la plupart des Sarrasins aient été tués ou chassés, certains survivants, convertis de force, s’intègrent à la population locale. Cela laisse une trace culturelle discrète mais persistante dans la région.
Sources et Références
Auteur : Stéphane Jeanneteau, décembre 2011.