La bataille de Trans, livrée le 1er août 939, marque une étape cruciale dans la reconquête de la Bretagne par ses habitants, après des décennies d’occupation normande. Sous la conduite d’Alain Barbetorte et de Juhel Bérenger, cette victoire symbolise non seulement la résistance bretonne mais aussi la résurgence d’une identité régionale, malgré la persistance des incursions normandes.
Depuis la mort d’Alain le Grand en 908, la Bretagne est sous domination normande. Les envahisseurs s’emparent des terres, saccagent les villes et imposent leur pouvoir sur une région affaiblie par l'absence de leadership local. Cette situation pousse de nombreux Bretons à l’exil, notamment en Angleterre, où Alain Barbetorte trouve refuge.
En 936, Alain Barbetorte, petit-fils d’Alain le Grand, revient en Bretagne pour reconquérir son héritage. Débarquant près de Dol, il mène une série de campagnes victorieuses : il reprend Nantes en 937, chasse les Normands de l’estuaire de la Loire et reconquiert progressivement les terres bretonnes. Cependant, des bandes normandes continuent de ravager certaines régions, notamment le Pays rennais, obligeant les seigneurs locaux à unir leurs forces.
Face aux incursions normandes toujours actives, Juhel Bérenger, comte de Rennes, sollicite l’aide d’Alain Barbetorte, son rival, ainsi que celle d’Hugues Ier, comte du Maine. Cette coalition témoigne de la volonté des Bretons de mettre de côté leurs différends pour repousser un ennemi commun.
Les Normands, retranchés près de Trans, dans la forêt de Villecartier, s’appuient sur des fortifications naturelles et sur un camp situé au vieux M’na. Les forces bretonnes se regroupent aux Haies, en contrebas. L’armée de Juhel Bérenger compte environ 500 hommes, tandis qu’Alain Barbetorte mobilise 1 000 cavaliers. Les effectifs d’Hugues Ier et des Normands restent inconnus.
Le 1er août 939, les Bretons lancent une attaque coordonnée de trois côtés. Cette stratégie, alliée à la mobilité de la cavalerie d’Alain Barbetorte, submerge les Normands. Rapidement défaits, ces derniers battent en retraite au-delà du Couesnon. Cette victoire met un terme à leur occupation active dans la région.
La bataille se déroule lors de la fête celte de Lugnasad, dédiée au dieu solaire Lug, chef des armées et symbole de victoire. Selon les chroniques, les Bretons adoptent cette date comme un jour de célébration annuelle, marquant le début d’une nouvelle ère pour la Bretagne, où les lois et coutumes ancestrales sont restaurées.
La victoire de Trans permet à la Bretagne de se libérer de l’occupation directe des Normands. Alain Barbetorte, désormais maître de la région, s’emploie à restaurer l’ordre et à consolider son pouvoir. Cette bataille marque aussi le renouveau d’une identité bretonne, renforcée par le retour des exilés et le rétablissement des structures politiques locales.
Malgré cette victoire, les Normands ne disparaissent pas totalement de la région. Le littoral reste exposé à des incursions sporadiques, et les monastères, souvent riches en trésors, restent des cibles privilégiées. Cependant, l’autorité d’Alain Barbetorte permet de réduire progressivement l’impact de ces raids.
La bataille de Trans occupe une place centrale dans l’histoire de la Bretagne médiévale. Elle symbolise la résilience des Bretons face à l’adversité et la capacité de leurs chefs à unir leurs forces pour repousser un ennemi commun. La célébration de cette victoire, évoquée par Pierre Le Baud, témoigne de son importance dans la mémoire collective.
Auteur : Stéphane Jeanneteau
Date : Décembre 2012