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La Première bataille d'Andernach (876) : Une défaite pour Charles le Chauve.

Contexte historique : Luttes fratricides et succession carolingienne

À la mort de Louis II de Germanie en août 876, ses trois fils (Louis III le Jeune, Carloman de Bavière et Charles III le Gros) se partagent son royaume selon le partage de Francfort de 865. Louis III reçoit la Franconie, la Saxe et la Thuringe, tandis que Carloman obtient la Bavière et les territoires slaves, et Charles III hérite de l’Alémanie.

Charles le Chauve, empereur d’Occident depuis 875, profite de la mort de son frère pour revendiquer des territoires de Lotharingie, appuyé par le traité de Meerssen de 870. Ces prétentions exacerbent les tensions avec Louis III le Jeune, qui considère ces territoires comme son héritage légitime.


Déroulement de la bataille

Préparation

Charles le Chauve mobilise une armée pour occuper les territoires de la rive gauche du Rhin, espérant profiter des désaccords entre les héritiers de Louis II. Louis III le Jeune, résolu à défendre son domaine, rassemble une armée de Saxons et de Thuringiens et campe sur la rive droite du Rhin, près d’Andernach.

Selon les Annales de Fulda, Louis le Jeune adopte une posture pacifique, envoyant des émissaires pour demander à son oncle de respecter les accords de partage. Cependant, d’après Réginon de Prüm, cet acte masque une stratégie pour gagner du temps et rassembler davantage de troupes.

La tentative de surprise

Dans la nuit du 7 au 8 octobre 876, Charles le Chauve lance une attaque surprise, espérant prendre l’armée de son neveu au dépourvu. Mais des pluies intenses ralentissent la cavalerie impériale, et les routes difficiles épuisent ses soldats.

Prévenu de l’approche de Charles par l’évêque de Cologne, Willibert, Louis le Jeune met en place ses défenses. Lorsque l’armée impériale atteint son camp, elle se heurte à des troupes fraîches et bien positionnées.

Le combat

La bataille s’engage par des charges de cavalerie menées par Charles. Toutefois, les forces de Louis le Jeune, soutenues par l’infanterie saxonne, harcèlent les flancs de l’armée impériale, brisant peu à peu ses assauts.

Selon une interprétation, les Saxons adoptent une tactique de repli feint pour attirer les cavaliers francs dans une embuscade. Une autre version soutient que les fantassins, initialement en difficulté, finissent par briser les charges grâce à un harcèlement constant.

La cavalerie de Charles, encerclée et désorganisée, subit de lourdes pertes. La retraite est chaotique : les chemins étroits, encombrés de bagages et de marchandises, bloquent les fuyards.


Conséquences

Une déroute pour Charles le Chauve

L’armée impériale est mise en déroute. De nombreux dignitaires francs, dont l’évêque de Troyes Ottulphe, l’abbé Gozlin (chancelier de Charles), et plusieurs comtes (Aledramm, Adalhard, Bernard, et Evertaire), sont capturés.

Les récits des Annales de Saint-Bertin relatent que Charles lui-même fuit avec une poignée de soldats, abandonnant ses provisions et son équipement. Bien que probablement exagérées, ces descriptions visent à illustrer l’ampleur de la défaite.

Une paix différée

Louis le Jeune, bien que victorieux, choisit de traiter ses prisonniers avec clémence, renforçant son image de souverain légitime. Cependant, aucun traité de paix n’est signé immédiatement. Charles, affaibli, abandonne ses prétentions sur la Lotharingie et se concentre sur ses ambitions italiennes.

En 880, le traité de Ribemont met officiellement fin au différend : les rois de Francie occidentale (Louis III et Carloman II) concèdent la Lotharingie à Louis le Jeune, fixant des frontières qui resteront en place tout au long du Moyen Âge.


Héritage

  1. Un échec stratégique pour Charles le Chauve : La bataille met en lumière les limites de son autorité, affaiblie par des campagnes infructueuses et des ambitions excessives.
  2. Un renforcement de Louis le Jeune : La victoire consolide son autorité sur la Lotharingie, renforçant son rôle comme l’un des souverains les plus puissants de son époque.
  3. Des frontières durables : Le traité de Ribemont fixe des frontières entre la Francie occidentale et la Germanie qui deviendront des lignes de démarcation culturelles et politiques majeures en Europe médiévale.

Sources et Références

  • Annales de Fulda, IXe siècle.
  • Annales de Saint-Bertin, IXe siècle.
  • Réginon de Prüm, Chronica.
  • Pierre Riché, Les Carolingiens : Une famille qui fit l’Europe.
  • Ferdinand Lot, La Fin du Monde Antique et le Début du Moyen Âge.

Auteur : Stéphane Jeanneteau, décembre 2011.