Le siège d’Arles entre 568 et 570 s’inscrit dans une période de tensions dynastiques et territoriales au sein des royaumes mérovingiens. Après le décès de Clotaire en 561, le royaume franc est partagé entre ses quatre fils : Caribert, Gontran, Sigebert et Chilpéric. La province d'Arles, d'une importance stratégique en raison de sa position méditerranéenne et de son rôle économique, se retrouve incluse dans le royaume de Bourgogne sous le contrôle de Gontran. Cependant, cette configuration n’est pas sans complications.
Les rois d’Austrasie, avides d’une ouverture méditerranéenne pour leur royaume enclavé, obtiennent un corridor stratégique reliant l'Auvergne à Marseille, passant par Avignon. Ce "corridor austrasien" isole Arles et constitue une source constante de litige. Certains historiens, comme Auguste Fabre, suggèrent que cette organisation géopolitique remonte à 567, après la mort de Caribert, mais d'autres, tels que Ruinart, avancent des hypothèses différentes. Ce climat de désaccord est exacerbé par les ambitions de Sigebert qui, insatisfait du partage successoral, décide d’annexer les territoires arlésiens.
L’importance d’Arles ne se limite pas à sa localisation. La ville est un ancien siège de la préfecture des Gaules, un symbole de prestige impérial et une clé pour contrôler les routes commerciales et militaires vers la Méditerranée. À cela s’ajoute la menace des Lombards qui, depuis les Alpes, perturbent la stabilité régionale. Face à ces défis, les ambitions expansionnistes de Sigebert viennent fragiliser davantage les équilibres déjà précaires.
Entre 568 et 570, le roi Sigebert mobilise ses forces pour s’emparer d’Arles. L’armée austrasienne, commandée par le comte Firmin (ou Firminus) et renforcée par une autre troupe dirigée par Audovaire, atteint rapidement la ville. Les troupes austrasiennes parviennent à pénétrer dans Arles, où elles imposent leur autorité en forçant les habitants à prêter serment d’allégeance.
Cette première victoire est toutefois marquée par un manque de consolidation. Bien que Sigebert contrôle brièvement la cité, cette prise se heurte à la réaction de son frère Gontran, roi de Bourgogne.
Gontran, furieux d’apprendre la soumission d’Arles à son frère et la frappe de monnaies à l’effigie de Sigebert, déploie une armée sous le commandement de Celse, patrice de Bourgogne. Après avoir sécurisé Avignon, Celse dirige ses forces vers Arles pour y engager un siège. L'archevêque Sapaudus, vraisemblablement bourguignon, joue un rôle ambigu en négociant avec les troupes assiégées.
Trompées par une proposition de Sapaudus, les forces austrasiennes sortent des murs d'Arles pour combattre en rase campagne. Les combats se déroulent vraisemblablement dans la plaine du Trébon, au nord de la ville, à proximité du Rhône. Mal préparés, les Austrasiens subissent une défaite écrasante. Vaincus, ils tentent de fuir vers la ville, mais les portes leur restent fermées. Harcelés par l'armée de Celse et les habitants d'Arles, beaucoup trouvent la mort dans le Rhône, noyés ou transpercés par les traits ennemis.
La défaite est lourde pour les Austrasiens. Une grande partie de leurs forces périssent, que ce soit par la violence des combats ou par les eaux tumultueuses du Rhône. Quelques survivants parviennent néanmoins à regagner l’Auvergne, mais dépouillés de leurs biens et dans un état de grande détresse. Firmin et Audovaire, chefs des troupes austrasiennes, bénéficient d'une clémence inhabituelle et sont autorisés à rentrer dans leur pays.
Cette victoire permet à Gontran de récupérer le contrôle d'Arles. Fidèle à sa réputation de clémence, il rend la ville d’Avignon à Sigebert, marquant la fin des hostilités dans la région. Cependant, cette guerre met en lumière les tensions récurrentes entre les royaumes francs et souligne la fragilité de leurs alliances.
L’absence d’utilisation du pont romain d’Arles, pourtant signalé par des sources ultérieures, soulève des questions. Était-il détruit ou bloqué par les défenseurs arlésiens ? L’hypothèse de sa destruction temporaire semble plausible, bien que non confirmée. La configuration géographique d’Arles, entourée de marais et de fleuves, a joué un rôle décisif dans le déroulement des affrontements, favorisant les forces de Gontran.
Sources et références :
Auteur : Stéphane Jeanneteau, décembre 2011