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Le siège d’Arles (507-508) : Une résistance décisive et un frein à l’expansion franque.

Le siège d’Arles en 507-508 constitue une étape clé dans l’histoire des luttes de pouvoir entre Francs, Burgondes et Goths en Gaule. Ce long siège, mené par les forces coalisées de Clovis et de ses alliés burgondes, échoue devant la résistance acharnée de la ville et l’intervention des Ostrogoths. Cet épisode marque un tournant en freinant temporairement l’expansion des Francs vers le sud et en établissant une période de stabilité sous l’autorité ostrogothique, connue sous le nom de Pax ostrogothica.


Contexte historique : Arles, carrefour stratégique en Provence

Arles : une cité gallo-romaine convoitée

Arles, ancienne préfecture des Gaules sous l’Empire romain, est au début du VIe siècle une ville d’une grande importance politique, militaire et économique. Située sur le Rhône, elle contrôle les échanges commerciaux entre l’Europe du Nord et la Méditerranée. La ville, bien fortifiée et dotée d’une garnison significative, est un enjeu stratégique majeur pour quiconque souhaite dominer la région.

Depuis sa conquête par Euric en 476, Arles est sous le contrôle des Wisigoths, bien que la ville conserve de nombreuses traditions gallo-romaines, notamment sur le plan culturel et religieux. Le clergé catholique, influent dans la région, coexiste avec les autorités wisigothes de religion arienne.

Les tensions entre Francs, Burgondes et Goths

Après la bataille de Vouillé en 507, qui voit Clovis vaincre les Wisigoths et tuer leur roi Alaric II, les Francs s’emparent de vastes territoires, notamment l’Aquitaine. La Provence, encore sous contrôle goth, devient l’objectif suivant. Clovis, allié aux Burgondes, espère annexer cette riche région et atteindre la Méditerranée.

Théodoric le Grand, roi des Ostrogoths et allié des Wisigoths, voit d’un mauvais œil la progression des Francs. Il cherche à stabiliser la région et à préserver les intérêts gothiques, tout en consolidant son autorité en Gaule méridionale. Cette rivalité aboutit à l’attaque d’Arles par les Francs et les Burgondes.


Le Royaume wisigoth au moment de sa plus grande expansion, vers 500 (en orange clair et foncé)

Le déroulement du siège

Une attaque conjointe des Francs et des Burgondes

Le siège d’Arles commence probablement à l’automne 507, alors que les forces coalisées de Clovis et des Burgondes marchent sur la ville après avoir conquis la Septimanie. Ces armées, profitant de la désorganisation wisigothe après la mort d’Alaric II, espèrent une victoire rapide. Cependant, Arles, bien défendue par une garnison fidèle et des remparts solides, oppose une résistance acharnée.

Les assiégeants, incapables de prendre la ville par la force, comptent sur un blocus prolongé pour épuiser les ressources de ses défenseurs. Toutefois, la situation se complique pour les Francs et les Burgondes lorsque les Ostrogoths, dirigés par Théodoric, organisent une contre-offensive.

L’intervention décisive des Ostrogoths

En juin 508, les troupes ostrogothes quittent leurs bases italiennes pour venir en aide à Arles. Commandée par le général Ibbas, l’armée ostrogothique attaque les positions franques et burgondes, concentrées sur les deux rives du Rhône. Une manœuvre audacieuse menée par Tuluin, un autre général ostrogoth, permet de reprendre le contrôle du pont de Constantin, situé au nord des remparts.

Les assaillants, repoussés sur la rive droite du Rhône, subissent une défaite sévère et doivent lever le siège. Dans leur retraite, ils perdent environ 30 000 hommes, selon certaines estimations, et abandonnent tout espoir d’annexer la Provence.


Conséquences du siège

La Pax ostrogothica et le renouveau arlésien

La victoire ostrogothique rétablit l’autorité gothique sur la Provence. Arles, épargnée par l’invasion franque, entre dans une période de relative tranquillité sous la tutelle ostrogothique. Cette période, appelée Pax ostrogothica, dure jusqu’au milieu des années 530. La ville connaît un renouveau politique et religieux : le statut de préfecture du prétoire est restauré, et Arles reprend son rôle de centre administratif et ecclésiastique.

L’évêque Césaire joue un rôle crucial dans cette période de reconstruction. Il mobilise les ressources de l’Église pour venir en aide aux prisonniers et aux victimes du siège, allant jusqu’à faire fondre l’argenterie de l’Église pour racheter les captifs.

Un coup d’arrêt pour l’expansion franque

L’échec devant Arles marque un revers pour Clovis et ses ambitions méditerranéennes. Bien qu’il ait réussi à annexer une grande partie de l’Aquitaine, il ne parvient pas à étendre son influence jusqu’à la Provence. Cet échec freine également les Burgondes, qui ne parviennent pas à s’imposer dans la région malgré leur proximité géographique.

Le Royaume burgonde vers 476 avec sa frontière sud très proche de la ville d'Arles.

Analyse stratégique et historique

L’importance du siège dans les luttes de pouvoir

Le siège d’Arles illustre la complexité des rapports de force en Gaule au VIe siècle. Les rivalités entre Francs, Burgondes, Wisigoths et Ostrogoths se jouent autant sur le terrain militaire que diplomatique. L’intervention ostrogothique montre l’importance des alliances et des jeux de pouvoir dans la préservation des territoires gothiques face à la menace franque.

Une vision contrastée des Goths

Malgré leur victoire, les Wisigoths et Ostrogoths restent perçus comme des envahisseurs par certaines populations gallo-romaines. Toutefois, la stabilité offerte par la Pax ostrogothica contribue à renforcer l’image d’Arles comme une cité cosmopolite et prospère, à cheval entre les héritages romain et germanique.


Sources et références

  1. Grégoire de Tours, Histoire des Francs, Livre II.
  2. Klingshirn, William E. Caesarius of Arles: The Making of a Christian Community in Late Antique Gaul. Cambridge University Press, 1994.
  3. Malnory, Arthur. Études sur l’histoire de la Provence. Éditions Picard, 1896.
  4. Cassiodore, Variae.
  5. Encyclopédie Universalis, articles sur Clovis, les Wisigoths et les Ostrogoths.
  6. Goffart, Walter. Barbarian Tides: The Migration Age and the Later Roman Empire. University of Pennsylvania Press, 2006.

Auteur : Stéphane Jeanneteau - Décembre 2011