Le siège de Kamacha en 766 s'inscrit dans le contexte des conflits de frontière entre l'Empire byzantin et le califat abbasside. Située à un point stratégique sur le Haut Euphrate, Kamacha représente une forteresse clé dans la lutte pour le contrôle des régions frontalières de l’Asie Mineure. Bien que les Byzantins réussissent à défendre la forteresse, cet affrontement illustre la brutalité des guerres de frontière et la difficulté pour les deux puissances de maintenir une domination durable.
Contexte : Une Lutte de Frontière Intense
La réorganisation des Byzantins sous Constantin V
Après des décennies de pression omeyyade, l'Empire byzantin, sous Constantin V (741-775), adopte une politique défensive agressive :
- Création d'un no man's land : Déportation de populations et destruction de villages pour entraver les incursions arabes.
- Fortification des frontières : Kamacha, reconquise en 754-755, devient un point clé de défense.
Les défis des Abbassides
Après la révolution abbasside (750), le nouveau califat cherche à stabiliser son pouvoir :
- Répression des rébellions internes : Le califat concentre ses ressources sur des insurrections et des incursions khazares.
- Relance des attaques byzantines : En 766, le calife Al-Mansur mobilise une grande armée pour restaurer la pression sur les Byzantins.
Le Siège de Kamacha
L’invasion abbasside
En août 766, une armée abbasside commandée par al-Abbas Ibn Muhammed (frère du calife) et al-Hasan ibn Qahtaba envahit le territoire byzantin.
- Une avance destructrice : L'armée pille des villages et razzie le territoire byzantin sans rencontrer de résistance.
- Cible stratégique : Kamacha : La forteresse, perchée sur un plateau, devient l'objectif principal.
Les opérations de siège
Les Abbassides construisent des engins de siège pour combler le fossé et briser les défenses :
- Résistance byzantine : Les défenseurs utilisent leurs propres machines pour ralentir les avancées et repoussent une tentative d’assaut nocturne grâce à des rondins lestés de pierres.
- Division des forces : Une partie de l’armée arabe continue le siège, tandis qu’un détachement est envoyé pour ravager les territoires environnants.
L’échec du siège
Avec l’arrivée de l’hiver, les Abbassides, manquant de provisions, lèvent le siège :
- Repli vers le sud : Les forces arabes brûlent leur marché de ravitaillement pour éviter qu’il ne tombe aux mains des Byzantins.
- Perte de la deuxième force : La troupe envoyée en Cappadoce souffre de pertes massives dues à la famine et à des attaques byzantines, perdant son butin avant de se replier à Malatya.
Conséquences et Impact
Une défense stratégique pour les Byzantins
Le siège de Kamacha marque un succès défensif significatif :
- Stabilisation des frontières : La résistance de Kamacha empêche les Abbassides de gagner un point d’appui stratégique en Asie Mineure.
- Affirmation de Constantin V : Cette défense renforce la réputation militaire de l’empereur et valide sa politique de fortifications.
L’intensification des hostilités
Bien que les Byzantins repoussent les Abbassides à Kamacha, la pression arabe se maintient :
- Raids arabes : Les Abbassides continuent leurs incursions, culminant avec le sac de Laodicée Combusta en 770.
- Mobilisation majeure en 782 : Une grande offensive menée par Hâroun ar-Rachîd force Byzance à payer un tribut pour obtenir une trêve.
L’importance de Kamacha dans les décennies suivantes
La forteresse reste un point contesté :
- Alternance de contrôle : Kamacha change de mains plusieurs fois entre les deux puissances, reflétant l’instabilité de la frontière orientale.
- Reconquête byzantine durable : Kamacha revient définitivement sous contrôle byzantin au milieu du IXe siècle.
Le siège de Kamacha en 766 illustre la dure réalité des guerres de frontière entre l’Empire byzantin et le califat abbasside. Bien que les Abbassides ne réussissent pas à prendre la forteresse, cet affrontement met en lumière les tensions constantes et l’importance stratégique de ces régions frontalières. Pour les Byzantins, la défense de Kamacha est une victoire importante dans une lutte plus large pour préserver leur territoire.
Sources et Références :
- Al-Tabari, Histoire des prophètes et des rois.
- La Chronique de Zuqnin.
- Hugh Kennedy, The Armies of the Caliphs: Military and Society in the Early Islamic State.
Auteur : Stéphane Jeanneteau, février 2012.