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Le Siège de Rome (537-538) : Une Résistance Héroïque et un Tournant pour l’Italie.

Le siège de Rome de 537-538 marque un épisode clé de la guerre des Goths, déclenchée par Justinien pour reconquérir les terres de l'Empire romain d'Occident. Ce conflit oppose l’Empire byzantin, mené par Bélisaire, au royaume ostrogoth, alors sous la direction de Vitigès. Le siège illustre non seulement la résilience de Rome mais aussi les talents stratégiques de Bélisaire, capable de repousser un adversaire largement supérieur en nombre tout en consolidant l’autorité byzantine en Italie.


Contexte Historique

La reconquête byzantine

En 535, Justinien lance sa campagne contre les Ostrogoths après avoir triomphé du royaume vandale en Afrique du Nord. Tandis que Bélisaire s’empare rapidement de la Sicile et progresse en Italie, le royaume ostrogoth est affaibli par des divisions internes et la faible réactivité de Théodat, leur roi. Cette situation permet à Bélisaire de marcher sur Rome sans opposition majeure, entrant dans la ville le 9 décembre 536.

Vitigès prend les commandes

Cependant, Théodat est rapidement déposé, et Vitigès prend le commandement des Ostrogoths. Déterminé à inverser le cours des événements, il réunit une imposante armée et se lance dans une offensive visant à reprendre Rome, un symbole crucial pour les deux camps.


Déroulement du Siège

L'installation des Ostrogoths autour de Rome

En février 537, Vitigès encercle Rome avec une armée estimée entre 30 000 et 45 000 hommes. Il coupe les approvisionnements de la ville en détruisant les aqueducs et installe sept camps autour des portes principales. Bien qu’en infériorité numérique, Bélisaire dispose de 5 000 soldats, et il utilise cette force réduite pour multiplier les sorties, harceler l’ennemi et renforcer les défenses de la ville.

Les premiers assauts goths

Le 21 mars 537, Vitigès lance un assaut général. Les Ostrogoths utilisent des tours de siège pour attaquer plusieurs points des murailles, notamment la porte Salaria et le mausolée d’Hadrien (aujourd’hui le château Saint-Ange). Bélisaire répond avec ingéniosité : il abat les bœufs tirant les tours et transforme les statues du mausolée en projectiles. Bien qu’une brèche soit ouverte à la Porta Maggiore, Bélisaire concentre ses forces pour la défendre, forçant les Ostrogoths à battre en retraite.

Les stratégies de résistance de Bélisaire

Malgré l’impatience de Vitigès, le siège s’enlise. Bélisaire fait évacuer les non-combattants vers Naples, demande des renforts à Constantinople et maintient le moral de ses troupes tout en combattant la défiance de la population romaine. Il remplace le pape Silvère, soupçonné de collusion avec les Ostrogoths, par Vigile, un acte controversé qui souligne les tensions politiques du siège.


L’Affaiblissement Ostrogoth

Des pertes humaines et matérielles

Au cours du siège, Bélisaire inflige des pertes significatives aux Ostrogoths grâce à des sorties et des escarmouches bien planifiées. Une grande sortie depuis la porte Salaria permet aux Byzantins de tuer 4 000 Ostrogoths. En tout, près de 70 affrontements ont lieu, affaiblissant progressivement les assiégeants.

L’arrivée des renforts byzantins

Entre novembre 537 et début 538, des renforts, incluant 1 600 cavaliers huns et slaves ainsi que des troupes fraîches, parviennent à Rome. Simultanément, des campagnes secondaires sont lancées ailleurs en Italie pour détourner les forces ostrogothes. Ces manœuvres exacerbent les difficultés de Vitigès, dont les hommes souffrent de famine et de désorganisation croissante.


La Fin du Siège

L'échec des tentatives goths

Vitigès tente de forcer la reddition de Rome par la ruse et la négociation. Il propose de céder le sud de l’Italie et la Sicile en échange de la fin du conflit. Bélisaire feint d’accepter une trêve de trois mois mais profite de cette pause pour reprendre Porto et Civitavecchia, tout en harcelant les Ostrogoths.

La retraite gothique

En mars 538, face aux succès byzantins dans le Picenum et à la menace pesant sur Ravenne, la capitale ostrogothe, Vitigès est contraint de lever le siège. Lors de leur retraite, les Ostrogoths subissent des pertes importantes au pont Milvius, subissant un revers humiliant.


Conséquences du Siège

Une victoire stratégique pour les Byzantins

Le siège de Rome est une victoire clé pour Bélisaire, consolidant la position byzantine en Italie. Elle montre la faiblesse stratégique des Ostrogoths et leur incapacité à mobiliser efficacement leurs forces face à la ténacité byzantine. Cette victoire ouvre la voie à d’autres campagnes en Italie, notamment la prise de Ravenne en 540.

Une étape majeure dans la reconquête justinienne

La défense réussie de Rome renforce la légitimité de Justinien en tant que restaurateur de l’Empire romain. Cependant, le conflit en Italie se prolonge, avec des répercussions économiques et sociales majeures pour la région.


 

Le siège de Rome de 537-538 est une démonstration de la résilience de Bélisaire et de l’ingéniosité byzantine face à un adversaire supérieur en nombre. Cette victoire marque un jalon dans la reconquête justinienne, montrant que la discipline et la stratégie peuvent triompher de la force brute.



Sources et Références :

  • Procope de Césarée, Histoire de la guerre des Goths.
  • J.B. Bury, History of the Later Roman Empire.
  • Heather, Peter, The Restoration of Rome.

Auteur : Stéphane Jeanneteau, février 2012.