Dans sa forme simple, l'hellénisme représente la fusion de la culture grecque à celles des autres pays. Malgré les troubles politiques qui marquèrent la fin de l'âge classique, les Grecs se retrouvèrent unis pour la première fois de leur histoire. Même si beaucoup voient cette époque comme un déclin, l'influence politique et culturelle de la Grèce s'étendait indéniablement à travers tout le monde connu. Les mots "hellénique" et "hellénistique" qui dérivent des mots "Hellas", la Grèce, et " Hellène", les Grecs, signifient "l'âge grec". La souveraineté macédonienne conduisit à la disparition des cités-Etats comme entités politiques. Les bénéfices apportés par la création de l'empire hellénistique compensaient la perte de la liberté politique. En Grèce, en Macédoine, en Asie Mineure, en Syrie, en Palestine, en Egypte, en Perse, en Iran, en Bactriane, et plus loin encore, Alexandre le Grand avait créé une culture particulière qui se mêlait aux civilisations qu'il rencontrait. C'est ainsi qu'il changea la nature de la civilisation grecque dont il déplaça le foyer de la Grèce centrale vers le Moyen-Orient.
La mort d'Alexandre entraîna un bouleversement : les généraux macédoniens s'affrontèrent violemment pour le contrôle de ce qu'on appelait les États successeurs. Le monde grec oriental fut dominé par deux grandes puissances: l'Empire séleucide en Asie et le royaume d'Egypte de Ptolémée et de ses héritiers. À côté de ces deux empires s'épanouissaient des États plus petits, dont ceux de la ligue maritime centrée sur Rhodes, le royaume indépendant de Pergame à l'ouest de l'Asie Mineure, ainsi que d'autres Etats non grecs tels le Pont ou la Cappadoce.
L'unité politique créée par Alexandre le Grand semblait trop grande pour un seul souverain. Finalement, seuls subsistèrent les liens culturels et commerciaux qu'il avait mis en place pour unifier le monde hellénistique. Les Grecs eux-mêmes étaient bien conscients que ces liens ne pouvaient se substituer à une réelle unité politique. Sur ce plan, les États successeurs échouèrent, comme l'avaient fait les cités-Etats avant eux. Leurs querelles amoindrirent leurs capacités à résister aux pressions extérieures venant des Romains à l'ouest et des Parthes à l'est. L'un après l'autre, ils disparurent, entraînant avec eux la perte de l'identité politique grecque. Seule survécut la culture. Les Romains l'adoptèrent, et par le biais de la République romaine, ils reprirent les institutions démocratiques de la Grèce. Ces apports hellénistiques influencèrent les civilisations et les religions suivantes, dont celles des Romains, des juifs, des chrétiens et des musulmans, et établirent un nouveau monde sur les splendeurs et la civilisation d'un peuple vaincu.
Dès la mort d'Alexandre le Grand, ses compagnons et ses généraux s'affrontèrent dans une lutte pour le pouvoir. De la Grèce et de l'Egypte à la Bactriane, des royaumes, connus sous le nom d'États successeurs, naquirent sur les cendres du rêve macédonien. Le pouvoir créé par Alexandre n'avait d'empire que le nom. La stabilité politique était assurée par la présence de son armée, mais l'immensité de ses conquêtes rendait leur contrôle impossible à administrer. De la Grèce à l'Inde, l'empire d'Alexandre n'était lié que par la langue et la culture.
Lorsqu'Alexandre mourut subitement en 323, son épouse d'origine asiatique, Roxane, était enceinte de son fils Alexandre IV qui n'eut pas grande importance dans l'enjeu, pas plus qu'Arrhidaios, son beau-frère arriéré. Les généraux d'Alexandre, opportunistes et opiniâtres, acceptèrent que l'empire soit gouverné conjointement par le jeune prince et par son oncle. En fait, le pouvoir réel échoua entre les mains d'Antipater - dernier général survivant de Philippe à qui Alexandre avait demandé de gouverner la Grèce - et Perdiccas, qui était le plus brillant des généraux d'Alexandre, qui était en Asie, où il soutenait le fils d'Alexandre. Les autres généraux étaient des gouverneurs locaux nommés par Alexandre, Séleucos en Babylonie, Antigone " le Borgne " en Phrygie, une province d'Asie Mineure, Ptolémée en Egypte et Lysimaque en Thrace. Les généraux macédoniens jurèrent fidélité aux successeurs d'Alexandre et guettèrent l'occasion d'obtenir un pouvoir plus important, qui ne se fit pas attendre.
Perdiccas fut le premier à disparaître, assassiné par ses propres soldats alors qu'il tentait d'envahir l'Egypte de Ptolémée en 321. Antipater mourut en 319, laissant la régence à son fils Cassandre. Antipater et Antigone formèrent cependant un nouveau bloc et s'emparèrent de la Syrie au nom de la régence, renvoyant le fils d'Alexandre en Macédoine. Puis Cassandre affirma son pouvoir en emprisonnant la mère d'Alexandre, Olympias, son beau-frère, Arridhaios et le prince. En 315, Cassandre forma une alliance avec Lysimaque et Ptolémée, réunissant l'Hellade, la Thrace et l'Egypte contre Antigone en Asie Mineure.
Antigone et son fils Démétrios offrirent la liberté aux cités-États grecques (promesse non tenue) contre leur aide et restèrent en Grèce entre 307 et 303. La lutte pour le pouvoir s'étendit à toute la cosmopolis, sans qu'aucun des adversaires ne prenne un avantage significatif
En 311, las de la guerre, les généraux s'entendirent et divisèrent l'empire entre eux : Lysimaque prenant la Thrace, Ptolémée l'Egypte (avec Chypre), Antigone la Phrygie et la Perse, Séleucos se réservant l'est. Cassandre s'adjugea l'Hellade au nom du jeune prince. La paix, toutefois, fut de courte durée.
En 308, Casssandre assassina Olympias, Arrhidaios et Alexandre IV alors âgé de 13 ans. Ces meurtres entraînèrent une nouvelle série de campagnes. En 301, Antigone fut tué lors d'une bataille contre ses adversaires qui divisèrent son royaume, malgré la résistance de son fils Démétrios.
Cassandre mourut en 297, laissant Séleucos et Lysimaque en lutte pour le contrôle de l'Hellade. Lysimaque fut tué à la bataille de Couropédion en 281.
Le vieux Séleucos apparaissait désormais comme le maître de l'empire d'Alexandre, mais il fut assassiné par sa propre armée en 280, laissant la Macédoine, la Thrace, l'Asie Mineure et la Grèce dans un chaos politique. Son fils Antiochos 1er (281-261 ) lui succéda et se battit pour maintenir l'unité du royaume de son père. Ses frontières, fluctuantes, ne devinrent définitives que sous le règne de l'énergique Antiochos III (223-187).
La dynastie séleucide, avec son administration perse ancienne mais efficace, fut gouvernée par des satrapes macédoniens régionaux. Pour s'occuper de l'immense royaume, deux centres administratifs furent institués, un à l'est, à Séleucie, sur l'Euphrate, et l'autre à l'ouest, à Sardes, mais le siège réel du pouvoir était installé à Antioche, en Méditerranée orientale.
Malgré la tolérance qu'ils montraient pour les coutumes locales, les Macédoniens ne purent éviter une violente révolte en Judée, qui devint une province indépendante après deux décennies. De même, les provinces orientales de la Parthie et la Sogdiane se révoltèrent, suivies par la Bactriane en 240, qui s'établirent comme des États successeurs grecs à part entière.
Les guerres de succession érodèrent aussi le contrôle des Séleucides sur l'Asie Mineure, ce qui permit à des cités grecques comme Pergame de rompre avec le royaume, suivies par des États non grecs de la Galatie, de la Cappadoce et du Pont. Assaillis par les Parthes sur leur frontière orientale et par des rebelles en Asie Mineure et en Palestine, les Séleucides furent à peine capables de contrôler leur territoire.
Sous Antiochos III et Antiochos IV (175-164), le royaume connut deux brèves périodes de renouveau. Mais à l'arrivée des Romains au Moyen-Orient, au début du l" siècle, l'État séleucide était confiné au nord de la Syrie et à l'est de l'Asie Mineure. Battu par les Romains, il s'effondra en 64, et fut intégré à la province romaine de Syrie.
En Egypte, Ptolémée et ses descendants régnèrent pendant deux siècles. Les ressources naturelles du pays en firent le plus riche des États successeurs. Contrairement à ses rivaux, Ptolémée bénéficia d'un territoire géographique défini et du contrôle des mers qui l'entouraient. Un siècle après sa fondation, Alexandrie était le port le plus actif de tout le monde connu. Dans un premier temps, l'administration fut exclusivement confiée aux Grecs, mais sous le règne de Ptolémée II (283-246), l'intégration fonctionna et les Egyptiens furent autorisés à occuper des postes importants. Le mouvement continua pendant le règne des souverains ptolémaïques ultérieurs, jusqu'à ce que l'Egypte devînt un État égypto-hellénistique intégré.
L'Égypte ptolémaïque conserva son indépendance pendant trois décennies après l'effondrement des Séleucides, et un siècle après la défaite de la Macédoine par les Romains. En fin de compte, la participation des Egyptiens à la guerre civile qui suivit l'assassinat de Jules César conduisit à la conquête du pays, le dernier des royaumes de l'Hellade à survivre. L'Égypte tomba en 30, ce qui achevait la conquête du monde grec par Rome.
La période hellénistique est souvent associée au déclin et à la perte d'indépendance des États grecs. Les orgueilleuses cités d'autrefois n'étaient plus que des pions sur l'échiquier politique, et l'Hellade un champ de bataille pour les successeurs des souverains macédoniens.
Lorsque la nouvelle de la mort d'Alexandre atteignit la Grèce, les cités-États se soulevèrent contre le joug macédonien, appuyées par l'orateur démocrate athénien, Démosthène. L'encerclement d'Antipater à Lamia (323) fut un premier succès pour les Grecs. Mais le Macédonien brisa le siège et battit les assiégeants conduits par les Athéniens à Crannon, au centre de la Thessalie, en 322. À la suite de la guerre lamiaque, les cités-États furent dépouillées de la plupart de leurs pouvoirs politiques et de ce qui leur restait de démocratie.
Polyperchon, le successeur d'Antipater après sa mort en 319, fit l'erreur de promettre aux Grecs une plus grande indépendance, ce qui précipita une révolte civile à Athènes où l'on exécuta les partisans de la Macédoine. En 311, Cassandre, le fils d'Antipater, accéda à la régence - sous son règne autoritaire, les Grecs ne purent plus se soulever. Sa mort, en 297, déclencha un autre bouleversement : Démétrios, Séleucos et Lysimaque avaient décidé de contrôler la Grèce. Démétrios, le premier des prétendants, fut capturé par Lysimaque et Séleucos et mourut en prison (283), puis Lysimaque mourut en 281. La mort de Séleucos, en 280, sous les coups de troupes fidèles à Lysimaque, fut sans doute le résultat d'un complot ourdi par un fils de Ptolémée, Ptolémée Kéraunos.
Ces deux meurtres créèrent un vide politique qui eut deux conséquences : l'établissement d'une dynastie régnante en Macédoine fondée par Antigone Gonatas, fils de Démétrios, avec le soutien d'Antiochos I", fils de Séleucos ; l'encouragement donné aux tribus celtes du nord de la Thrace, placées sous le commandement de Brennus d'envahir la Macédoine et la Grèce, ce qu'ils firent en 279. Ils furent battus par Démétrios et Antiochos qui restaurèrent une certaine stabilité dans la région. Cependant, lors d'incursions ultérieures, des Celtes gaulois traversèrent l'HelIespont et envahirent Pergame. Le roi, très diplomate, leur offrit de s'établir au centre de l'Asie Mineure, dans une région connue plus tard sous le nom de Galatie.
Cinquante ans de guerres fratricides avaient épuisé les économies grecques et macédoniennes. Les survivants de l'ancienne dynastie de Philippe et d'Alexandre avaient été balayés par Cassandre, le fils d'Antipater. Malgré ce bouleversement politique, le fonctionnement des cités-États n'avait que peu changé, excepté qu'elles avaient perdu leur autonomie politique. Certaines d'entre elles, dont Athènes, Syracuse et Éphèse, prospérèrent au début de la période hellénistique. Rétablissement de la domination macédonienne avait remplacé des vieilles querelles guerrières par un système d'arbitrage et de discussion sous l'autorité du roi de Macédoine.
En Macédoine même, Pella devint un centre culturel, et la cour royale constituée par Antigone se fit le mécène de quelques-uns des meilleurs artistes hellénistiques. Antigone II Gonatas (277-239) apporta la stabilité à l'Hellade, mais son petit-fils, Antigone III Dôsôn, tenta d'empiéter sur les pouvoirs limités des cités-États, ce qui les incita à se rapprocher pour former une alliance défensive contre lui - les ligues achéenne et étolienne.
L'ancienne confédération, qui réunissait dix cités du nord du Péloponnèse, chassa de la région les tyrans imposés par les Macédoniens. Sous la direction d'Aratos de Sycione, Corinthe rejoignit l'alliance, ainsi qu'Athènes et Egine. Les Macédoniens, affaiblis par les guerres fratricides, ne purent éviter la création de la ligue achéenne. Au nord de Corinthe, les tribus rurales de l'Étolie formèrent leur propre ligue, rejointe par la Béotie, la Phocide et la Locride.
En raison de sa politique isolationniste, Sparte maintint son indépendance pendant toute la période de la domination macédonienne. Cependant, après l'accession au trône de Cléomène en 240, les Spartiates interférèrent à nouveau dans les affaires du Péloponnèse, allant jusqu'à entrer en conflit avec la ligue achéenne. Sparte n'était plus que l'ombre d'elle-même, et la cité tomba aux mains des Achéens en 221, ce qui mit un terme à un fabuleux chapitre de l'histoire politique grecque.
En toute logique, les Achéens et les Etoliens ne tardèrent pas à se quereller, et les Grecs reprirent ces anciennes traditions qui, durant des siècles, les avaient opposés en des guerres incessantes. A cette époque toutefois, les Macédoniens devaient résoudre des problèmes beaucoup plus importants et faire face a l'intérêt naissant des Romains pour les affaires grecques.
Le déclin des royaumes de Macédoine correspondait à la montée de Rome. La confrontation semblait inévitable, surtout en raison de la présence grecque en Italie. Lorsqu'elle se produisit, l'invasion romaine bouleversa le paysage politique et plaça les royaumes grecs hellénistiques sous la férule de Rome.
L'ingérence de Rome dans les affaires de la Grèce résultait en grande partie des querelles incessantes. Le plus ancien des conflits était celui des campagnes italiennes de Pyrrhus d'Epire de 280 à 275. Il avait déjà échoué dans une tentative de conquête de la Macédoine sur sa frontière est en 287, puis avait été détrôné, et avait retrouvé son trône en 281, à la mort de Lysimaque. Les Antigonides furent alors heureux de voir Pyrrhus se tourner vers l'autre rive de l'Adriatique. Malgré l'incapacité des Romains à le vaincre, sa puissante armée subit de telles pertes qu'on en tira l'expression célèbre de "victoire à la Pyrrhus". Son retrait laissa les colonies grecques du sud de l'Italie et de la Sicile vulnérables et privés du soutien des Grecs, contre les Romains et les Carthaginois.
Rome n'assista pas sans plaisir au développement du long conflit entre Carthage et les colonies grecques du sud de l'Italie, qui entraînèrent les deux Guerres puniques. Ce fut pendant la seconde (218-207) qu'Hannibal envahit l'Italie. Pour protéger ses lignes d'approvisionnement avec l'afrique du Nord, Hannibal fit une alliance avec Philippe V de Macédoine, au nom de leur commune inimitié envers Rome, qui répondit en soutenant les ennemis grecs de Philippe pendant la première guerre de Macédoine (214-205).
Ce conflit trouvait son origine dans d'anciennes querelles entre l'ancienne ligue étolienne et la ligue achéenne nouvellement formée. Cependant, toutes deux avaient en commun une grande antipathie à l'égard de la Macédoine. La ligue étolienne et la Macédoine voisine avaient souvent manifesté une hostilité réciproque, mais Philippe comprit vite que les Achéens représentaient une menace encore plus dangereuse, et il lança une campagne pour rétablir son contrôle sur le centre de la Grèce. Les Achéens firent alors appel à Rome qui saisit l'occasion pour prendre sa revanche sur l'alliance entre Hannibal et la Macédoine. L'aide de Rome resta limitée, mais le principe de la participation romaine était dès lors établi.
La présence romaine augmenta au cours de la seconde guerre macédonienne (200-196), et des contingents romains entraînaient ouvertement les Achéens et leurs navires de guerre patrouillaient en mer Egée. Au même moment, Rome s'emparait de l'Illyrie, ce qui repoussait les frontières de la sphère romaine jusqu'à celles de la Macédoine. La confrontation était inévitable, et les deux camps se préparèrent à une guerre qui devait décider de l'avenir de l'Hellade.
Quand la République romaine déclara la guerre en 171, elle envoya dans la région ses meilleurs officiers et ses meilleures troupes. Cette campagne opposa les anciennes traditions militaires macédoniennes aux méthodes romaines. A la bataille de Pydna (168), les Romains obtinrent une victoire décisive sur le fils de Philippe, Persée, et la Macédoine devenait ainsi un satellite de Rome. La ligue achéenne fut considérée comme alliée des Romains, mais la ligue étolienne fut dissoute. Plus tard, sous la pression de l'expansionnisme romain, la tension grandit entre les membres de la ligue achéenne.
Les villes les plus importantes de la ligue maintenaient leur contrôle sur le Péloponnèse, et Corinthe devint de foyer de la résistance grecque contre Rome. La crise finale survint pendant la guerre achéenne (147-146), lorsque les légions romaines entrées dans le centre et le sud de la Grèce mirent l'armée achéenne en déroute et détruisirent Corinthe. La population de la cité fut massacrée ou réduite en esclave. L'emprise romaine s'affermit sur la totalité de la Grèce continentale, et, dès lors, l'histoire de la Grèce deviendrait celle d'une province romaine.
L'indépendance de la Grèce avait progressivement été érodée par la succession des rois de Macédoine depuis la conquête de Philippe II. Les Romains ne firent que terminer le processus.
Des siècles de développement politique disparurent, et les fières cités-États de jadis se fondirent dans le monde romain. Bientôt la domination de Rome s'étendit sur l'Asie Mineure, la Syrie et même l'Egypte. Seuls les royaumes grecs orientaux lointains survécurent à la fondation de l'Empire romain. Peu à peu ils changèrent de nature, pour devenir plus orientaux qu'occidentaux dans presque tous les domaines.