Les premiers habitants connus de la Sicile étaient les Sicanes, un peuple supposément d’origine ibérique (ou peut-être sémitique), qui auraient migré vers l’île à la fin du Paléolithique supérieur depuis l’Italie méridionale ou l’Afrique du Nord. Ils s’installent dans la partie nord de la Sicile et les îles Égades, nommant l’île « Sicania ». Cependant, n’ayant pas de système d’écriture, les Sicanes n’ont laissé aucun témoignage écrit de leur présence.
Les Sicanes établissent des contacts commerciaux avec les civilisations des îles Égéennes, de l’Asie Mineure, de l’Italie continentale et même de l’Afrique du Nord. La Sicile devient un point de rencontre pour de nombreuses cultures méditerranéennes. Avec l’arrivée de l’âge des Métaux (cuivre, bronze, fer), ces échanges se multiplient et contribuent à l’évolution culturelle des différentes régions de l’île.
Vers 8000 av. J.-C., les Élymes, possiblement des réfugiés troyens originaires d’Asie Mineure, s’installent dans l’ouest de l’île, fondant les premières colonies de peuplement. En 1270 av. J.-C., les Sicules, un peuple indo-européen apparenté aux Latins, migrent depuis l’Italie continentale sous la conduite de leur roi, Sicélos. Ils occupent les terres fertiles de l’est et du sud de la Sicile, repoussant les Sicanes vers l’ouest. Le nom « Sicile » viendrait ainsi du nom « Sikélia », attribué par les Sicules, bien qu’une autre hypothèse propose une étymologie basée sur les mots grecs sike (figue) et elaia (olivier), faisant allusion à la fertilité de l’île.
Avant l’arrivée massive des Grecs, les Phéniciens, peuple de marchands originaires du Moyen-Orient, établissent des colonies commerciales le long des côtes méditerranéennes, notamment en Afrique du Nord, à Chypre, en Sardaigne, et en Sicile où ils fondent les villes de Palerme et Mozia. Ces installations phéniciennes servent surtout de comptoirs commerciaux.
À partir de 750 av. J.-C., les Grecs fondent les premières colonies à Naxos, puis dans d’autres villes, telles que Syracuse et Messine, sur les côtes orientales de la Sicile. Contrairement aux Phéniciens, les Grecs cherchent à établir des colonies de peuplement en raison des restrictions imposées par le système aristocratique en Grèce. Ces colonies grecques forment rapidement un ensemble culturel et politique appelé « Grande Grèce », et commencent à imposer leur culture aux populations locales. Cette expansion grecque aboutit à un conflit prolongé avec les Carthaginois, dont les comptoirs restent majoritairement situés dans l’ouest de l’île.
Les villes grecques de Sicile, telles que Syracuse, Gela et Catane, prospèrent rapidement grâce à leurs richesses agricoles et à leurs échanges commerciaux. Les colons grecs apportent des innovations agricoles et des techniques métallurgiques qui transforment l’économie locale. Progressivement, une fusion culturelle s’opère entre Grecs et Sicules, donnant naissance à la civilisation sicéliote, qui adopte les aspects de la culture hellénique tout en intégrant des éléments autochtones.
Au Ve siècle av. J.-C., Syracuse devient la capitale de l’île, imposant son hégémonie sur les autres cités. La Sicile grecque est alors surnommée « Trinakrie » en référence à sa forme triangulaire. Syracuse, en particulier, rivalise avec Athènes en termes de pouvoir et de richesse, ce qui lui vaut le surnom d’« Athènes de l’Occident ».
Dès 480 av. J.-C., les Grecs de Sicile, dirigés par Syracuse, affrontent les Carthaginois à Himère, remportant une victoire décisive. Cependant, les conflits avec Carthage se poursuivent au fil des siècles, chaque camp cherchant à dominer l’ensemble de la Sicile. En 409 av. J.-C., les Carthaginois lancent une nouvelle offensive, capturant Sélinonte, Agrigente, et Gela, bien que Syracuse résiste.
Au IVe siècle av. J.-C., les guerres se succèdent entre Syracuse et Carthage. Des figures grecques comme Pyrrhus d’Épire tentent de défendre les colonies grecques, mais l’influence carthaginoise reste prépondérante dans l’ouest de l’île. En 278 av. J.-C., Pyrrhus parvient temporairement à reconquérir une partie de la Sicile pour les Grecs, mais à son départ, Carthage reprend le contrôle de plusieurs territoires.
Au IIIe siècle av. J.-C., la Sicile devient un enjeu stratégique pour Rome, qui intervient dans les conflits entre Grecs et Carthaginois. Rome profite de l’affaiblissement des cités grecques et de la persistance des conflits entre elles pour renforcer sa présence en Sicile. En 264 av. J.-C., la Première Guerre Punique éclate entre Rome et Carthage, marquant le début de la domination romaine en Sicile.
Avec la victoire de Rome, la Sicile devient la première province romaine en 241 av. J.-C. Rome établit une administration provinciale qui collecte des impôts et exploite les ressources agricoles de l’île, notamment le blé, pour nourrir la population romaine. La Sicile, désormais sous contrôle romain, perd progressivement son identité sicéliote et devient un centre agricole au service de la République romaine.
L’histoire de la Sicile avant la conquête romaine est celle d’une mosaïque culturelle et d’un carrefour géopolitique où se croisent Sicanes, Sicules, Élymes, Phéniciens, Grecs, et Carthaginois. La fusion culturelle entre Grecs et populations locales donne naissance à une civilisation unique, la Sicéliote, dont l’héritage perdure malgré la domination carthaginoise, puis romaine. La Sicile, surnommée « l’île du Soleil », devient un symbole de richesse et de puissance, tout en conservant une identité façonnée par des siècles de migrations, de guerres et de contacts commerciaux.
Auteur : Stéphane Jeanneteau
Janvier 2010