Les Latins, habitants de la région du Latium pendant l'Antiquité romaine, occupaient une position centrale dans le développement de Rome, influençant grandement sa culture, ses institutions et ses alliances. Le Latium, région stratégique bordée par le Tibre, s’est affirmée dès les débuts de Rome comme un carrefour entre diverses civilisations, notamment les Étrusques, les Grecs, et plus tard les Gaulois.
L’histoire de la fondation de Rome mêle légendes et éléments historiques. Selon la tradition, Énée, prince troyen et fils de la déesse Vénus, s’échappe de Troie pour rejoindre les côtes du Latium. Il épouse Lavinie, fille du roi Latinus, et fonde la ville de Lavinium. Son fils Ascagne fonde Albe la Longue, qui devient le berceau des rois latins. Ce récit établit une continuité mythologique entre les héros troyens et les Romains, ancrant Rome dans une lignée divine et héroïque.
Romulus et Remus, descendants d’Énée, sont les figures centrales du mythe fondateur de Rome. Fils de Rhea Silvia et du dieu Mars, ils sont abandonnés au bord du Tibre, recueillis par une louve, puis élevés par un berger. En grandissant, ils rétablissent leur grand-père Numitor sur le trône d’Albe et, sous son encouragement, décident de fonder une nouvelle ville. Le choix du site de Rome est attribué à Romulus, désigné fondateur après la prise des auspices. La date traditionnelle de fondation, 753 av. J.-C., marque le début de la royauté romaine.
Romulus structure Rome en organisant une armée, créant le sénat, et divisant la population en trente curies. Il établit également un premier cadre institutionnel et militaire. Sa disparition mystérieuse conduit à son apothéose en tant que dieu Quirinus. Les premiers rois de Rome, notamment Numa Pompilius, d’origine sabine, enrichissent la cité d’une organisation religieuse structurée, suivant les conseils de la nymphe Égérie. Tullus Hostilius, successeur de Numa, mène une campagne contre Albe la Longue, tandis qu’Ancus Martius fonde le port d’Ostie.
Le VIe siècle av. J.-C. est marqué par le règne de trois rois étrusques, qui influencent profondément Rome. Sous Tarquin l’Ancien, le site est transformé : il fait assécher la cuvette du Forum et renforce les institutions sénatoriales. Son successeur, Servius Tullius, construit une enceinte autour de Rome et instaure une constitution censitaire qui divise la société en classes de citoyens selon leur richesse, organisant ainsi l’armée civique. Cette organisation fonde une structure militaire et sociale qui durera jusqu’à la République.
Tarquin le Superbe, dernier roi étrusque, engage de grands travaux, notamment la construction du temple de Jupiter sur le Capitole. Son règne prend fin à la suite d’un épisode tragique impliquant son fils Sextus, qui viole Lucrèce, femme noble de Rome. En réponse, Lucius Junius Brutus, cousin de Lucrèce, soulève la population contre la tyrannie de Tarquin et proclame la République en 509 av. J.-C.
Nom | Dates de règne | Origine |
---|---|---|
Romulus | -753 à -716 | Latin |
Numa Pompilius | -715 à -673 | Sabin |
Tullus Hostilius | -672 à -641 | Latin |
Ancus Martius | -641 à -616 | Sabin |
Tarquin l’Ancien | -616 à -575 | Étrusque |
Servius Tullius | -575 à -535 | Étrusque |
Tarquin le Superbe | -535 à -509 | Étrusque |
Porsenna | -509 | Étrusque |
L’établissement de la République en 509 av. J.-C. marque un tournant pour Rome, qui met fin à la monarchie et inaugure une nouvelle forme de gouvernement. La République se fonde sur une structure duale de consuls partageant le pouvoir et un sénat influent. Les débuts de la République sont marqués par des luttes internes et des conflits externes. Rome s’allie avec les cités latines pour former la Ligue latine, coalition militaire conçue pour faire face aux menaces des peuples voisins, comme les Étrusques et les montagnards.
La Ligue latine, coalition dirigée par Rome, unit les cités latines pour défendre le Latium contre les menaces extérieures. Rome s’engage dans une série de conflits contre les Étrusques, les Volsques, et les Èques, peuples des collines et montagnes environnantes. Cette période de guerre constante est marquée par l’émergence du légionnaire romain, citoyen soldat exemplifié par la figure de Cincinnatus, qui abandonne sa charrue pour sauver Rome, illustrant le devoir civique romain.
Les Étrusques ont laissé une empreinte durable sur la Rome archaïque. Ils ont influencé l’architecture (construction du Forum et du sanctuaire du Capitole), les rituels religieux, et les pratiques politiques, en introduisant notamment le concept du roi, du sénat, et des auspices. Les Étrusques ont également joué un rôle dans l’urbanisation de Rome, qui s’illustre par des réalisations comme la Cloaca Maxima, le premier grand égout de la ville. Cette influence se traduit dans la structure même de la ville, qui devient un centre politique et économique prospère.
Vers 390 av. J.-C., Rome subit un raid dévastateur par les Gaulois, qui pillent la ville. Cet épisode dramatique pousse les Romains à renforcer leur système de défense : une nouvelle muraille est érigée en 378 av. J.-C., et Rome se relève rapidement de cette catastrophe. L’invasion gauloise contribue, par ailleurs, à affaiblir les cités étrusques au nord de Rome, permettant ainsi à la République de stabiliser ses frontières et de consolider son influence.
Au fil des décennies, Rome s’impose sur l’ensemble du Latium, établissant sa suprématie sur les cités latines et les peuples voisins. Elle fonde plusieurs colonies militaires pour contrôler les territoires environnants et pacifie progressivement la région. En 358 av. J.-C., elle renouvelle son alliance avec les Latins et les Herniques, ce qui rétablit son hégémonie et affermit son pouvoir sur l’ensemble de la région.
Couples de danseurs étrusques Fresques de la nécropole des Monterozzi, à Tarquinia. L’image de gauche, de ~480-~470, est conservée au Musée national de Tarquinia. L’image de droite, du caveau des Lionnes, date de ~530.
Le développement économique du Latium durant l’époque archaïque est principalement marqué par l’expansion agricole. Dès le Xe siècle av. J.-C., la mise en culture s’intensifie grâce aux travaux d’assainissement des terres, notamment le creusement des cuniculi (canaux souterrains) pour drainer les marais. Ces systèmes d’irrigation et de drainage, encore visibles dans certains vestiges archéologiques, ont permis l'extension des terres arables. Au Ve siècle av. J.-C., le blé, notamment le triticum aestivum (froment), remplace des cultures plus pauvres comme l’épeautre et l’orge, selon les témoignages de Verrius Flaccus et de Pline l’Ancien (Histoire Naturelle, XVIII, 62). Cependant, malgré ces progrès, des famines ponctuelles forcent Rome à importer du blé, d’abord de l’Étrurie et de la Campanie, puis, plus tard, de Sicile.
Contrairement à une conception moderne de conquête et d’unification, la domination romaine en Italie se manifeste davantage par une suprématie régionale, fondée sur des alliances stratégiques et des accords divers, plutôt que par une centralisation politique. Rome établit une hiérarchie des statuts pour les cités conquises ou alliées, réglée par des foedera (traités). Parmi ces statuts, les municipes de droit romain bénéficient de droits civiques équivalents à ceux des citoyens romains, tandis que les municipes de droit latin jouissent d’une citoyenneté romaine partielle, sans droit de vote, mais avec des magistrats choisis localement. Les préfectures sont des municipes sous administration directe par un praefectus nommé depuis Rome, et les cités alliées (civitates foederatae) conservent leur autonomie tout en étant soumises à Rome par un traité. Enfin, certaines cités vaincues sont forcées de payer un tribut à Rome, mais conservent une certaine indépendance locale.
La politique romaine repose sur une mobilisation militaire puissante et des alliances pour renforcer la défense du Latium et de l’Italie centrale. En 226 av. J.-C., face à une menace gauloise imminente, Rome parvient à mobiliser environ 800 000 soldats, selon Polybe, un chiffre témoignant de la capacité militaire impressionnante de Rome. L’armée romaine tire également parti de ses échecs, adaptant son armement et ses tactiques. Elle adopte ainsi le pilum (javelot) des Samnites et la cotte de mailles gauloise, augmentant ainsi la polyvalence et l’efficacité de ses légions. Les guerres contre Pyrrhus, notamment, conduisent Rome à accroître la mobilité de ses manipules, et l’habitude de fortifier chaque campement devient une norme militaire.
Organisation de l’Italie romaine
La domination de Rome sur l’Italie se forge à travers une série de conflits, notamment les guerres samnites, qui laissent une empreinte durable sur la stratégie militaire romaine et sa politique de domination régionale.
La première guerre samnite débute en 343 av. J.-C. et se termine par une victoire de Rome. Cependant, les rivalités s’intensifient rapidement en raison des ambitions romaines en Campanie. La deuxième guerre samnite (326-304 av. J.-C.) est particulièrement marquante pour la stratégie militaire romaine : malgré la défaite humiliante des Fourches Caudines en 321 av. J.-C., Rome lance des campagnes en Étrurie, en Ombrie et sur le territoire samnite. Les Samnites, alliés aux Étrusques, aux Ombriens et à des Gaulois, sont finalement vaincus à Sentinum en 295 av. J.-C., puis à Aquilonia en 293 av. J.-C. En 290 av. J.-C., les Samnites capitulent, entraînant la soumission de leurs alliés (Sabins, Ombriens, Étrusques), et Rome assure sa domination sur l’Italie centrale.
Vers 280 av. J.-C., Rome intervient en Italie du Sud pour protéger les cités grecques contre des menaces locales. Tarente, confrontée à l’expansion romaine, sollicite l’aide de Pyrrhus, roi d’Épire, qui remporte deux victoires majeures à Héraclée et Ausculum. Toutefois, Rome, résiliente, finit par triompher à la bataille de Bénévent en 275 av. J.-C. et prend Tarente en 272 av. J.-C., consolidant son emprise sur la région. La conquête de la Lucanie et de Brindisi, ainsi que la destruction de la cité étrusque Volsinies en 265 av. J.-C., achèvent la soumission de la péninsule, permettant à Rome de contrôler l’Italie jusqu’au détroit de Messine.
L’expansion romaine en Italie est le résultat de conflits continus et de stratégies d’alliances complexes, consolidant la domination romaine à travers une mosaïque de statuts et de traités. En imposant sa suprématie militaire et en intégrant diverses cités dans un réseau d’alliances, Rome parvient à établir un système qui assure la stabilité de la péninsule italienne sous son contrôle. Cette expansion est également soutenue par un modèle agricole et économique en progression, qui lui assure une certaine autonomie et une résilience face aux défis externes. Les bases de l’Empire romain se forgent ainsi par l’assimilation des peuples italiques et grecs, formant un modèle de gouvernance qui servira dans les futures conquêtes méditerranéennes.
Auteur : Stéphane Jeanneteau
Avril 2009