Le Mésolithique, période charnière entre le Paléolithique et le Néolithique, est caractérisé par une profonde transformation des modes de vie des groupes humains, alors qu’ils adaptent leurs stratégies de subsistance et leurs pratiques culturelles aux nouvelles conditions climatiques de l'Holocène. Cette époque commence avec le brusque réchauffement qui marque la fin de la dernière période glaciaire et inaugure l'interglaciaire de l'Holocène. Cette transition climatique, qui s'accompagne de la reconquête progressive des territoires par la végétation, change fondamentalement les écosystèmes, favorisant l'émergence de nouvelles ressources naturelles. Dans ce contexte, les groupes de chasseurs-cueilleurs du Mésolithique s'organisent de manière plus territorialisée et adoptent des innovations techniques qui préfigurent la révolution néolithique.
Le Mésolithique se divise généralement en plusieurs phases, associées à des changements climatiques et environnementaux distincts. Le Mésolithique ancien, de 9600 à 8150 av. J.-C., coïncide avec le Préboréal, période de retour des forêts de pins et d’autres conifères dans des paysages autrefois dominés par la toundra. Au cours du Mésolithique moyen, entre 8150 et 6300 av. J.-C., le climat se stabilise encore et les forêts de feuillus s’étendent, créant des habitats idéaux pour le développement de populations de cerfs, de sangliers et de chevreuils, ainsi que d’arbres à fruits et à noix, comme le noisetier, qui devient un élément dominant des forêts boréales.
La transition vers le Néolithique ne se fait pas au même rythme partout : dans le Proche-Orient, cette période se termine plus tôt avec l'apparition des premières cultures néolithiques. En Europe méridionale, les influences néolithiques se manifestent dès 6 500 av. J.-C. avec la diffusion de l’agriculture depuis l’Anatolie. Cependant, en Europe septentrionale et en Scandinavie, la néolithisation est plus tardive, et les pratiques mésolithiques subsistent jusqu'à environ 2 300 av. J.-C.En Asie, des groupes mésolithiques tardifs adoptent la culture de la poterie avant même l’avènement de l’agriculture. En Chine et au Japon, par exemple, des poteries datées de 10 000 av. J.-C. sont associées à des sociétés de chasseurs-cueilleurs, ce qui souligne l’incroyable diversité des trajectoires culturelles à l’époque mésolithique.
Les groupes mésolithiques conservent un mode de subsistance basé sur la chasse, la pêche et la cueillette, mais leurs stratégies évoluent pour s'adapter aux ressources diversifiées offertes par les environnements tempérés. Les grands animaux migrateurs du Paléolithique, comme le mammouth et le renne, disparaissent ou se déplacent vers le nord, et la chasse se concentre désormais sur des espèces forestières telles que le cerf, le sanglier, et des plus petits gibiers adaptés aux milieux boisés. Les populations mésolithiques exploitent également les ressources aquatiques de manière plus intensive, pêchant des poissons dans les rivières et les lacs et récoltant des mollusques et coquillages en bord de mer.L'invention et la diffusion de l'arc et des flèches révolutionnent la chasse, offrant une précision et une efficacité accrues. L'armement se miniaturise et se diversifie, avec des microlithes (petits éclats de silex façonnés en formes géométriques telles que des triangles, trapèzes ou rectangles) servant de pointes de flèches. Ce processus de "microlithisation" des outils de chasse répond aux besoins d'une plus grande mobilité et de la diversité des proies, de la chasse aux petits animaux jusqu'à celle des cerfs et des sangliers. Les microlithes sont souvent emmanchés dans des fûts en bois ou en os, créant des armes légères et transportables adaptées à la chasse en forêt.
Les groupes mésolithiques ne sont plus totalement nomades. Bien que la mobilité saisonnière persiste, les territoires se réduisent et des campements sont réoccupés de manière cyclique, voire permanente dans certains cas. Des habitations plus durables apparaissent, sous forme de huttes circulaires semi-enterrées ou de cabanes en bois et en branchages. Au Proche-Orient, où les conditions climatiques favorisent une plus grande abondance de ressources, certains groupes développent une sédentarité partielle, comme les Natoufiens, précurseurs des sociétés néolithiques.En Europe, la sédentarité complète est rare, mais certains sites indiquent des occupations prolongées ou régulières. L’abondance des ressources alimentaires, qui permet de stocker des denrées pour les saisons plus difficiles, favorise ces installations semi-permanentes. Les habitations sont souvent construites près de points d'eau, tels que des lacs ou des rivières, et incluent des aménagements pour le stockage de nourriture (en particulier des coquillages et des noix) et d'autres ressources.
La fin de la dernière période glaciaire entraîne une fonte progressive des glaciers, mais l'élévation du niveau de la mer est retardée. L’eau de fonte reste longtemps piégée dans des lacs proglaciaires qui inondent temporairement certaines terres. Finalement, cette eau se déverse dans les océans, provoquant une montée rapide du niveau des mers entre 10 000 et 6 000 av. J.-C. Cela modifie radicalement les littoraux et submerge d'anciennes zones habitées, forçant les populations côtières à se déplacer.Les changements climatiques rapides rendent de vastes territoires habitables, notamment dans le nord de l’Europe, où les forêts s’étendent à la faveur du réchauffement. Dans les zones tropicales, les déserts reculent, et des écosystèmes plus humides apparaissent, entraînant un accroissement de la biodiversité. Ces nouvelles conditions permettent aux populations humaines de se rassembler en groupes plus denses et plus stables, créant ainsi les premières communautés proto-sédentaires dans certaines régions.
Le Mésolithique est une période d'innovation technique significative. En plus des armes de chasse perfectionnées, les populations mésolithiques développent des techniques pour améliorer la pêche, notamment des filets, des nasses en bois tressé, et les premières embarcations comme les pirogues monoxyles. Ces outils permettent aux groupes de tirer parti des ressources aquatiques de manière plus systématique.Parallèlement, l’intérêt pour la manipulation des matériaux comme le bois, les fibres végétales et les peaux favorise l'émergence de l’artisanat, notamment la vannerie et la poterie primitive pour le stockage. Les premiers objets en céramique apparaissent dans certaines régions de l’Asie de l’Est, tandis que la vannerie et le tissage sont utilisés pour le transport et le stockage de la nourriture en Europe.
Le Mésolithique voit également des changements dans les pratiques culturelles et symboliques. La diversité des modes de sépulture, avec des enterrements individuels, des nécropoles, et même des rituels funéraires complexes, témoigne d'une évolution des croyances et des pratiques rituelles. Dans certains cas, des sépultures renferment des offrandes, comme des outils, des ornements ou même des animaux, signalant peut-être un début de différenciation sociale.Les représentations artistiques connaissent également une transformation avec des motifs géométriques et des gravures abstraites, parfois associés aux pratiques rituelles. Dans certaines régions, des pierres et des ossements décorés sont retrouvés, montrant une sensibilité accrue aux symboles et une possible transmission de croyances. Les célèbres peintures rupestres de cette période, visibles notamment dans les abris rocheux du sud de la France et de la péninsule Ibérique, illustrent des scènes de chasse, des rites, et des motifs symboliques.
Auteur : Stéphane Jeanneteau
Janvier 2010