Le Mésolithique, période charnière entre le Paléolithique et le Néolithique, marque une profonde transition culturelle, sociale et environnementale dans l’histoire de l’humanité. Il s’étend sur plusieurs millénaires, débutant environ 11 000 ans avant notre ère avec la fin de la dernière glaciation et s'achevant avec le développement des premières cultures agricoles vers le IVe millénaire av. J.-C. en Europe. Cette époque se distingue par des innovations techniques significatives, une adaptation à des environnements en transformation et des modes de vie qui évoluent progressivement vers la sédentarité.
L’une des caractéristiques techniques du Mésolithique est le développement des "armatures microlithiques". Ce sont de petits éclats de silex, façonnés avec précision, que les Mésolithiques insèrent dans des manches en bois ou en os pour en faire des outils composites comme des couteaux, des lances ou des pointes de flèche. Les techniques de taille s'affinent, et l'apparition des microlithes facilite une utilisation plus polyvalente des armes et outils, en réponse à des besoins spécifiques de chasse et de survie. Les techniques mésolithiques sont également plus sophistiquées que celles du Paléolithique, avec des objets souvent polis, peints de motifs géométriques, et même colorés avec de l’ocre rouge.
L'usage de l’arc et de la flèche se généralise durant cette période, supplantant le propulseur du Paléolithique supérieur. Cette innovation rend la chasse plus individuelle, plus discrète et mieux adaptée à un environnement forestier où de grands troupeaux migrateurs comme le mammouth ont disparu. L’homme se concentre désormais sur des animaux plus petits et plus rapides, adaptés à la forêt tempérée, comme le cerf, le sanglier et l’élan. Cette nouvelle manière de chasser, facilitée par l’arc, témoigne d’une adaptation à un paysage forestier en pleine expansion.
Le Mésolithique se divise en deux grandes phases, en lien avec les changements climatiques :
Première phase (11 000 à 7 000 av. J.-C.) : Cette période tempérée voit l’expansion des forêts de feuillus, avec la disparition progressive des espèces de la faune froide, comme le mammouth, tandis que des espèces de faune tempérée, comme le sanglier et le cerf, deviennent plus courantes. L’homme adapte son mode de vie, ses outils et ses pratiques alimentaires à ce nouvel environnement. La chasse et la cueillette s’intensifient, diversifiant ainsi le régime alimentaire, et les populations commencent à exploiter plus systématiquement les ressources de leur environnement immédiat.
Deuxième phase (7 000 à 4 000 av. J.-C.) : Le développement d’outils composites (par exemple, des burins fixés sur armature en bois) et l’apparition de macrolithes pour les travaux plus exigeants comme le défrichage ou la construction sont notables. Cette période voit une diversification de l’outillage et des techniques de survie, notamment en réponse aux forêts qui continuent à s’étendre et modifient le paysage européen. La production d’outils spécialisés témoigne d'une gestion plus fine des ressources naturelles.
Les groupes mésolithiques, plus petits que ceux du Paléolithique, s’organisent en petites bandes de vingt à trente individus, se déplaçant en fonction des saisons et des ressources. Ces groupes s’installent temporairement dans différents types d’habitats, comme des huttes en plein air, des abris sous roche, et parfois dans des zones plus éloignées des côtes, comme en témoignent des vestiges retrouvés en altitude (par exemple, un campement de chasseurs mésolithiques à 1 700 mètres d’altitude en Isère, en France).
La domestication du chien au Mésolithique est un autre aspect essentiel, facilitant la chasse et l’organisation des groupes humains. Les sépultures de cette époque révèlent également une symbolique funéraire élaborée, les corps étant souvent inhumés avec des offrandes, telles que des bois de cerf, des parures en coquillage ou en dents, et recouverts d’ocre rouge. Les tombes collectives, construites pour plusieurs défunts, indiquent une certaine organisation sociale et une considération pour les ancêtres.
Les activités de pêche, tant en mer qu’en rivière, témoignent de l’exploitation accrue des milieux aquatiques. Des vestiges archéologiques, comme des hameçons en os, des harpons et des cannes de pêche, révèlent l'ingéniosité des techniques mésolithiques. De plus, des pirogues ont été découvertes, comme dans la vallée de la Seine, confirmant l’usage de la navigation pour la pêche, l’exploration et le transport de ressources. Les déplacements humains vers des îles telles que la Crète et la Corse dès le VIIe millénaire montrent que le développement des techniques de navigation était déjà avancé.
L’alimentation mésolithique est variée : elle comprend non seulement des viandes comme celles de l’aurochs, du cerf et du sanglier, mais aussi des poissons, des fruits de mer et des mollusques. On trouve également des traces de fruits et de graines sauvages. Les techniques de cuisson évoluent, avec l’utilisation de pierres chaudes et de techniques d’étouffée, proches des fours polynésiens. La conservation des aliments devient plus sophistiquée avec les premières traces de séchage et probablement de fumage, permettant de constituer des stocks pour les périodes de disette.
Grâce à une alimentation plus diversifiée et plus régulière, la population mésolithique connaît une augmentation progressive. En France, on estime que la population a atteint entre 50 000 et 75 000 personnes entre 6 500 et 5 500 av. J.-C. Cette croissance s’accompagne d’une tendance vers la sédentarisation, préparant ainsi le passage au Néolithique. Les habitats deviennent plus structurés et certains camps présentent des aménagements pour des séjours prolongés. L’Europe du Mésolithique se transforme en une région tempérée où les communautés humaines s’adaptent, expérimentent la domestication d’animaux et amorcent des pratiques agricoles rudimentaires.
Le Mésolithique représente une période d’adaptation et d’expérimentation, marquant le début de la transition vers des modes de vie sédentaires et agricoles. Cette phase témoigne d'une adaptation rapide aux changements climatiques et écologiques, ainsi que de la capacité humaine à innover et à diversifier ses sources de subsistance. Les pratiques du Mésolithique posent les bases des grandes transformations du Néolithique, avec le développement de l’agriculture et la sédentarisation.
Auteur : Stéphane Jeanneteau
Mars 2010