L’Azilien en Europe occidentale (12 000 – 9 000 Av. J.C.)
À la fin de la dernière période glaciaire, une nouvelle culture émerge dans le sud de la France et le nord de l’Espagne, marquant une transition entre le Paléolithique supérieur et le Mésolithique. Connue sous le nom de culture azilienne, elle représente une adaptation aux changements environnementaux et sociaux postglaciaires. Cette culture, s'étendant approximativement de 12 000 à 9 000 avant notre ère, se développe principalement dans la région franco-cantabrique, qui englobe le sud de la France et une partie de la Péninsule Ibérique. L'Azilien est perçu comme l'évolution du Magdalénien, une culture florissante et riche en productions artistiques du Paléolithique supérieur, adaptée aux besoins et aux contraintes du nouvel environnement.
Origines et développement de la culture azilienne
L'Azilien tire son nom de la Grotte du Mas d'Azil, dans les Pyrénées françaises, où des archéologues ont découvert des artefacts caractéristiques de cette culture pour la première fois. Cette grotte est devenue le site-type de l'Azilien, symbolisant une rupture significative avec l'opulence artistique et les pratiques de subsistance du Magdalénien. Les changements climatiques et la fonte progressive des glaciers modifient l'écosystème : la toundra périglaciaire, terrain de chasse privilégié des Magdaléniens, laisse place à des forêts plus denses, et les grands troupeaux d’herbivores sont remplacés par des espèces adaptées à ce nouvel environnement forestier.Dans ce contexte, l'Azilien se distingue par une simplification de son outillage et de son art. Les outils aziliens incluent des microlithes, en particulier les points aziliens, des lames de silex de petite taille souvent retouchées, ainsi que des harpons plats en bois de cervidé. Ces harpons témoignent d'une adaptation aux ressources locales, notamment la pêche et la chasse au petit gibier, devenue essentielle pour la subsistance.
Un art simplifié :
Les galets peints aziliens L'art azilien marque une rupture par rapport à la richesse symbolique et figurative de l’art magdalénien, caractérisé par de spectaculaires représentations animalières peintes dans les grottes. En contraste, les Aziliens produisent des objets d’art minimalistes, réduits à des motifs géométriques et abstraits. Les célèbres « galets peints » aziliens, trouvés en abondance dans la Grotte du Mas d'Azil, en sont l'exemple le plus marquant. Ces petits galets de quartzite, peints avec des pigments rouges (souvent de l’ocre), portent des motifs géométriques comme des lignes, des zigzags et des points.L’interprétation de ces galets reste énigmatique : certains chercheurs pensent qu'ils pouvaient avoir une signification religieuse ou magique, semblable aux churingas australiens, des objets sacrés associés à des rituels. Leur production plus austère peut s'expliquer par les conditions de vie plus rudes, qui imposent aux Aziliens de consacrer davantage de temps à la survie et moins aux activités artistiques complexes. Cette réduction de la production artistique reflète l’évolution vers des sociétés plus pragmatiques, centrées sur les besoins immédiats.
Modes de vie et techniques de subsistance
Les Aziliens vivent en petites tribus de chasseurs-cueilleurs, dont le mode de vie diffère de celui de leurs prédécesseurs magdaléniens. La chasse aux grands troupeaux, autrefois abondante dans la toundra, devient plus difficile en raison de la reforestation. Les Aziliens adaptent alors leur subsistance aux nouvelles conditions forestières en diversifiant leurs sources alimentaires : ils chassent le cerf, le sanglier et d'autres animaux forestiers, pêchent dans les cours d’eau et récoltent divers végétaux.Leur outillage évolue également pour répondre à ces nouveaux besoins. Outre les microlithes, les Aziliens produisent des outils en os et en bois, tels que des harpons plats fabriqués à partir de bois de cervidé, utilisés pour la pêche. La taille de la pierre devient plus fine et spécialisée : les Aziliens confectionnent des microlithes en formes géométriques, pratiques pour armer des pointes de flèches ou de petites lances. Cette microtechnologie leur permet d’optimiser l’utilisation des ressources locales et de confectionner des outils légers et facilement transportables.
Le déclin de l'Azilien et les influences culturelles
À mesure que le climat continue de se réchauffer, la culture azilienne évolue et finit par céder la place à de nouvelles traditions, influencées par le Sauveterrien et d’autres cultures du Mésolithique. Dans certaines régions, comme le nord de l’Espagne, elle est suivie par l’Asturien, tandis qu'en France, le Sauveterrien s'impose progressivement. L'Azilien, en fin de période, est en grande partie absorbé par ces nouvelles cultures, marquant une transition vers le Mésolithique.Cette transformation n'est pas seulement technologique, mais également sociale et culturelle : les modes de vie se diversifient, et de nouvelles techniques de subsistance apparaissent, comme la collecte accrue de ressources aquatiques et la spécialisation de l’outillage. Les communautés s'adaptent aux fluctuations environnementales de manière de plus en plus raffinée, intégrant de nouveaux savoir-faire qui mèneront aux modes de vie agricoles du Néolithique.
Sources et références pour approfondir le sujet Pour ceux qui souhaitent explorer davantage la culture azilienne et le contexte environnemental de l'Europe postglaciaire, voici quelques sources de référence :
Le Tardigravettien (11 500 – 9 000 Av. J.C.)
À partir du dernier maximum glaciaire, entre 20 000 et 18 000 avant J.C., une transition culturelle significative s’opère en Europe méditerranéenne, centrale et orientale. Le Gravettien, culture majeure du Paléolithique supérieur, laisse progressivement place à l'Épigravettien ou Tardigravettien. Ce dernier se caractérise par la conservation de certains éléments techniques caractéristiques de la culture gravettienne, adaptés aux changements climatiques et environnementaux de la fin du Pléistocène.
Distribution géographique et extension culturelle
La culture tardigravettienne s’étend depuis la vallée du Rhône à l’ouest, jusqu’au bassin du Dniepr au nord de la mer Caspienne à l’est, couvrant ainsi une large portion de l’Europe. Les limites nord de cette culture sont délimitées par le bassin du Danube et ses affluents, tandis que les péninsules italiennes et balkaniques se trouvent au cœur de cette aire culturelle. Avec la baisse du niveau de la mer causée par la glaciation, une zone culturelle homogène émerge le long du littoral nord de la Méditerranée centrale, englobant le sud-est de la France, l’Italie et les Balkans jusqu’à l’Anatolie. Cette extension a permis un partage de traditions techniques et artistiques, créant une continuité culturelle entre les populations de cette région.
Caractéristiques techniques et artistiques
Les groupes tardigravettiens sont marqués par une tradition technologique commune, en particulier des techniques de chasse adaptées aux conditions glaciaires. Les artefacts caractéristiques incluent des lames à dos retouché, des microlithes, et des grattoirs, souvent adaptés aux petites proies et aux environnements forestiers de l'époque. Dans cette culture, on observe également une continuité artistique avec l’utilisation de l’art mobilier figuratif, notamment dans le bassin méditerranéen et dans certaines régions des Balkans. L’art mobilier tardigravettien se distingue par des figurines sculptées et gravées, représentant souvent des animaux ou des formes géométriques stylisées, reliées par un style commun de la baie d’Antalya aux régions italiennes.
Les sites tardigravettiens offrent une riche documentation sur les modes de vie et les adaptations techniques de ces groupes. En Italie, l’abri Dalmeri (sur le plateau des Sette Comuni, Trente) a révélé des indices de la phase terminale de l’Épigravettien récent. D’autres sites importants incluent la grotte Rainaude, au Muy dans le Var, ainsi que divers gisements en Sicile orientale, où environ 2 600 ossements ont été identifiés. Ces restes osseux montrent une utilisation intensive des ressources animales locales, notamment les cervidés et les poissons, pour la subsistance.En Europe de l’Est, des sites en Moravie, comme Pavlov et Dolní Věstonice, témoignent d’une continuité avec la culture gravettienne. Des fours de cuisson y ont été découverts, indiquant une maîtrise avancée de la cuisson et de la transformation des matériaux, possiblement pour la fabrication de poteries rudimentaires ou d'objets en terre cuite. Ces innovations montrent une continuité technique et culturelle malgré les conditions climatiques changeantes de l’époque.
Variations régionales au sein du Tardigravettien
La période du Tardiglaciaire a vu se développer deux zones culturelles distinctes en Europe du Sud-Est : les Balkans, dominés par le Tardigravettien méditerranéen, et le bassin du Danube, caractérisé par le Gravettien oriental. La première zone, centrée autour des Balkans, présente des similitudes avec les sites italiens, ce qui a été favorisé par la régression de la mer Adriatique. Le bassin du moyen Danube, en Transdanubie, appartient au complexe des industries à lames à dos du Gravettien de l'Est mais conserve des particularités locales.La différenciation entre ces zones devient plus prononcée durant le Tardiglaciaire, avec l’apparition de lames à dos courbe dans les Balkans (similaires aux pointes aziliennes) et des grattoirs courts. En Italie, on trouve plutôt des lames à dos droit ou tronqué, et moins de microlithes géométriques, signe d’une adaptation spécifique à l’environnement local et à ses ressources.
Expansion et influences du Tardigravettien Vers 10 000 avant J.C., le Tardigravettien balkanique se propage vers le nord, entre les Alpes, le Danube et les Carpates, une zone auparavant occupée par le Sagvarien et d'autres groupes gravettiens de l'Est. Cette expansion a formé un groupe tardigravettien distinct, parfois appelé groupe d’Ostromer. Ce groupe partage certaines caractéristiques avec le complexe à Federmesser d’Europe de l’Ouest, notamment dans l’outillage à microlithes, ce qui suggère des échanges culturels et techniques entre les populations.Cependant, le bassin du moyen Danube montre une persistance de certaines industries de tradition gravettienne, influencées par les techniques magdaléniennes et les industries à pointes pédonculées, notamment dans des sites comme la grotte Gudenus en Autriche. Cette diversité d’influences et d’adaptations reflète une complexité culturelle propre à la fin du Paléolithique supérieur.
Transition vers l'Holocène et continuités culturelles
Avec la transition entre le Pléistocène et l’Holocène, vers 8 000 avant J.C., les cultures tardigravettiennes continuent d’évoluer différemment selon les régions. Dans les zones péri-alpines, les industries de tradition épi-gravettienne se caractérisent par une forte microlithisation et la présence de grattoirs courts et circulaires. En revanche, dans les Balkans, la microlithisation est moins marquée et les pointes à dos restent longues, accompagnées d’éclats retouchés.Dans la région de Djerdap, le développement tardigravettien conduit à la formation d’une culture spécifique : la culture de Lepenski Vir. Cette dernière est influencée par les traditions locales et évolue dans les conditions particulières de la gorge du Danube, aboutissant à un mode de vie semi-sédentaire préfigurant les premières communautés agricoles du Néolithique.
Sources et références pour approfondir le sujet Pour explorer plus en détail le Tardigravettien et ses variations régionales en Europe, voici quelques ouvrages et articles de référence :
Au nord de l’EuropeLes cultures Federmesser au Nord (12 000 – 10 800 av. J.-C.)
À la fin de la dernière glaciation, les groupes humains d’Europe du Nord s’adaptent aux nouveaux environnements créés par le retrait progressif des glaciers. Les cultures dites « Federmesser », ou « des pièces à dos courbe », se développent dans la plaine d’Europe du Nord, s’étendant de la Pologne jusqu’en France septentrionale et à la Grande-Bretagne occidentale. Cette culture épipaléolithique, qui succède aux traditions magdaléniennes, s’étend de 12 000 à 10 800 avant J.C. et comprend plusieurs variantes locales, dont la culture Tjongerian des Pays-Bas et de Belgique, ainsi que des sous-groupes régionaux en Pologne (Tarnowien et Witowien). Ces groupes se caractérisent par des outils spécifiques, adaptés aux nouveaux modes de vie de chasseurs-cueilleurs évoluant dans des zones de toundra et de forêts clairsemées.
Caractéristiques de l’industrie Federmesser
L’outillage des cultures Federmesser est principalement constitué de petites lames de silex, souvent avec des dos courbes retouchés, adaptées à la chasse et au travail du bois. Ces outils, en particulier les microlithes, sont emblématiques de cette période et témoignent de techniques de fabrication avancées. Les points de projectiles sont souvent courtes et en forme de demi-lune, tandis que les grattoirs et autres outils de travail du bois sont typiques des pratiques de subsistance de ces chasseurs de la fin du Paléolithique supérieur. La culture Federmesser partage également des similitudes avec le Creswellien de Grande-Bretagne, qui lui est contemporain, notamment dans l’utilisation des lames à dos.Les sites archéologiques montrent également des traces d’activités de pêche : des hameçons découverts dans les couches d’Allerød (une période de réchauffement temporaire) révèlent l’importance croissante des ressources aquatiques pour ces populations. En Scandinavie, les groupes Federmesser représentent probablement une phase transitoire entre les cultures hambourgeoise et bromméenne, traduisant un changement progressif dans l’outillage et les stratégies de subsistance.
Culture de Hambourg 13 500 - 11 100 av. J.-C.
La culture de Hambourg, antérieure à Federmesser, a occupé des territoires similaires en Europe du Nord, avec des sites majeurs identifiés près de Hambourg, en Allemagne, comme ceux de Meiendorf et d’Ahrensburg. Cette culture se caractérise par des pointes épaulées (ou "Kerbspitz"), qui servaient de projectiles pour la chasse. Les groupes de Hambourg étaient spécialisés dans la chasse au renne et suivaient les grands troupeaux de ces animaux dans la toundra européenne. En plus de l’adaptation au renne, ces groupes fabriquaient des outils zinken (ciseaux) pour travailler les bois de cervidés.
Le mode de vie des populations de la culture de Hambourg se développe au sein de paysages de toundra, des plaines dégagées créées par le retrait des glaciers. Les humains de cette culture se sont installés dans des régions autrefois inhabitées d’Europe du Nord, y compris des terres émergées comme Doggerland, aujourd’hui submergées par la mer du Nord. Doggerland reliait alors la Grande-Bretagne au continent, permettant aux humains modernes d’explorer et d’occuper de nouveaux territoires. Pointe de Hambourg : dénommée Kerbspitz en allemand, cette pointe de silex avec un épaulement (Kerbe = entaille) est typique de la culture de Hambourg.
Culture Tjongerian (12 000 – 10 800 Av. J.C.)
La culture Tjongerian, étroitement liée à la culture Federmesser, a été identifiée dans les Pays-Bas, notamment sur le site de Lochtenrek en Frise. Elle partage avec Federmesser une tradition de fabrication d’outils microlithiques adaptés à la chasse et la pêche. L’aire géographique de la culture tjongerienne englobe la Belgique, les Pays-Bas, le nord de la France, l’Allemagne septentrionale, le sud du Danemark, et la Pologne.
La culture Tjongerian s’étendait probablement jusqu’aux terres sèches de Doggerland, créant ainsi une continuité culturelle et technologique dans cette vaste région de l’Europe du Nord-Ouest. Les cultures locales de Pologne, notamment les variantes tarnowienne et witowienne, sont souvent intégrées dans la sphère culturelle de Federmesser. Ces groupes, dans l’Europe post-glaciaire, utilisaient un outillage microlithique similaire, montrant une adaptation commune aux écosystèmes de la toundra et des steppes, où les ressources variaient en fonction des périodes climatiques.
Adaptation et évolution :
De Hambourg à Federmesser et Tjongerian Les cultures de Hambourg, Federmesser et Tjongerian représentent une séquence d’adaptations successives aux transformations environnementales de l’Europe du Nord, notamment les périodes de réchauffement de l’interstade de Bölling et d’Allerød, suivies par le refroidissement du Dryas récent. Ces changements climatiques ont influencé les migrations humaines, ainsi que l’outillage et les stratégies de subsistance. En migrant vers le nord, ces groupes ont suivi les grands troupeaux d’herbivores tels que le renne et l’orignal, principaux gibiers de ces chasseurs-cueilleurs.Les groupes à Federmesser, à mesure que les conditions climatiques devenaient plus favorables, commencent à intégrer des activités de pêche plus structurées, tandis que les outils spécifiques comme les hameçons et les microlithes révèlent une spécialisation accrue dans l’exploitation des ressources fluviales et littorales. Ces pratiques se poursuivent dans les cultures postérieures de l’Europe du Nord, marquant une continuité technologique qui perdurera dans les premières cultures mésolithiques de la région.
Sources et références pour approfondir le sujet Pour en savoir davantage sur les cultures de Federmesser, de Hambourg et Tjongerian, voici quelques ouvrages et articles spécialisés :
Auteur : Stéphane Jeanneteau Aout 2009
Auteur : Stéphane Jeanneteau
Aout 2009