Le Néolithique, aussi appelé "Âge de la pierre polie", représente la dernière période de la Préhistoire et marque une rupture décisive dans l'évolution des sociétés humaines. Ce terme, inventé par le préhistorien britannique John Lubbock en 1865, est associé à la "révolution néolithique" : un ensemble de changements radicaux, dont l'adoption de l'agriculture, de l'élevage, et la sédentarisation. Ce processus commence il y a environ 10 000 ans, coïncidant avec la fin de la dernière glaciation, et s'achève au IIe millénaire av. J.-C., à l’aube de la protohistoire et des premières civilisations métallurgiques.
Le Néolithique introduit un nouveau paradigme : l'humain passe d'un mode de vie basé sur la chasse et la cueillette à une production alimentaire contrôlée. L’agriculture et l’élevage deviennent la base de la subsistance, offrant aux humains une stabilité alimentaire nouvelle qui leur permet de s'établir durablement en un lieu et d'assurer leur survie de manière indépendante des variations saisonnières. Selon l'historien Gordon Childe, qui popularisa le concept de "révolution néolithique" dans les années 1920, ce changement a favorisé une explosion démographique et une diversification des activités humaines. Cependant, cette transition fut progressive et marquée par des innovations techniques et sociales qui s'échelonnèrent sur plusieurs millénaires.
Les premières communautés néolithiques apparaissent dans le Croissant fertile, une région qui s’étend de la Turquie du Sud-Est au nord de l'Irak et le long de la Méditerranée jusqu’en Syrie, au Liban, en Israël et en Jordanie. Les conditions naturelles y étaient exceptionnellement favorables : cette région comptait des plantes sauvages comestibles (blé, orge) et des légumineuses (pois, lentilles) ainsi que des animaux comme le bœuf, le mouton et la chèvre, qui seront progressivement domestiqués. D'après les recherches de Jacques Cauvin, c’est dans ces régions que les premières formes de sédentarisation et d’agriculture sont attestées, il y a environ 10 000 ans (Cauvin, Naissance des divinités, naissance de l’agriculture).
La diffusion du Néolithique depuis le Proche-Orient vers l'Europe s'opère selon deux grands courants migratoires : le courant danubien et le courant méditerranéen. Le courant danubien suit la vallée du Danube, passant par l'Europe centrale jusqu'à l'Allemagne, tandis que le courant méditerranéen longe les côtes de la Grèce, de l'Italie, de l'Espagne et de la France. Ces migrations ne se sont pas faites de manière uniforme, mais par vagues successives, impliquant une transmission de techniques agricoles, de pratiques culturelles, et de nouveaux systèmes sociaux.
Les communautés néolithiques introduisent de nombreuses innovations. La pierre polie, par exemple, permet de fabriquer des haches et des herminettes, indispensables pour le défrichage des forêts. La céramique devient un élément clé de cette époque : le stockage de nourriture et d’eau favorise la sédentarisation. L’abandon progressif du nomadisme a permis l’émergence de la poterie, un trait caractéristique du Néolithique.
D'autres innovations marquent cette période :
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En Europe, le Néolithique évolue différemment selon les régions, sous l’influence de deux courants principaux. Le courant méditerranéen, influencé par les cultures du Proche-Orient, privilégie l'élevage des ovins et des caprins et favorise la construction de petites habitations en bois et torchis, parfois à l’intérieur des villages. Les poteries méditerranéennes se distinguent par leurs décors géométriques ou leurs impressions stylisées. Par ailleurs, les pratiques funéraires incluent parfois l’inhumation dans des sépultures au sein des habitats.
Le courant danubien, qui s’étend le long du Danube jusqu'à l'Europe centrale et le Bassin parisien, se concentre sur l’élevage des bovins, plus adaptés au climat tempéré et aux forêts denses. Les habitations sont souvent de grandes maisons en bois et en argile, allongées, avec des toits de chaume. Le courant danubien privilégie des pratiques funéraires collectives, avec des nécropoles séparées des habitats, tandis que les poteries sont sobres et sans décor, mais d'une grande variété.
Ces deux courants se rejoignent et se mélangent dans des régions comme le Bassin parisien, où les influences culturelles méditerranéennes et danubiennes cohabitent et se transforment pour donner naissance à des traditions propres.
Le Néolithique marque l’apparition de la notion de propriété, conséquence directe de la sédentarisation. Les terres, les cultures, les animaux et même les outils deviennent des biens qu'il convient de protéger et de transmettre. Avec cette sédentarisation, les premières formes d’inégalités sociales apparaissent : certaines sépultures révèlent des signes de prestige comme des parures, des objets de valeur ou des outils symboliques, témoignant d'un statut social particulier.
Les premières formes de fortification et de défense de villages apparaissent également, notamment dans les régions à forte concentration de populations. La mise en place de structures collectives pour le stockage de nourriture et l’organisation des travaux agricoles suggère une certaine hiérarchisation et une organisation communautaire.
La fin du Néolithique est marquée par le développement des techniques de métallurgie, d’abord avec le cuivre, puis avec le bronze, annonçant l’âge des métaux. Ce progrès technologique se propage en Europe, favorisant l’apparition de nouvelles formes de sociétés et marquant le passage vers la protohistoire. La métallurgie transforme les outils, les armes, et favorise l’essor des échanges commerciaux. Le Néolithique ne prend donc pas fin de manière uniforme : dans certaines régions isolées, ce mode de vie perdure jusqu’à l’époque historique, tandis que d’autres sociétés basculent rapidement vers l'âge du bronze et le développement de l’écriture, première marque de l’Histoire.
Le Néolithique représente un tournant décisif dans l’histoire humaine, marqué par l’adoption de l’agriculture, l’élevage, et la sédentarisation. Cette révolution néolithique a permis une transformation majeure dans l'organisation des sociétés et a posé les bases des civilisations futures. Les innovations techniques, les transformations culturelles et sociales de cette époque ont non seulement façonné le développement humain, mais ont aussi permis une expansion démographique et une diffusion des cultures.
Auteur : Stéphane Jeanneteau
Avril 2011