Le monde mégalithique prend sa source dans l'adoption progressive de l'agriculture le long de la côte atlantique de l'Europe occidentale par des groupes de chasseurs-cueilleurs mésolithiques, auxquels se sont mêlés des agriculteurs néolithiques venus d'Europe centrale et de la Méditerranée. Cette transition s'est effectuée progressivement : vers 5 500 av. J.-C. en Espagne et au Portugal, 5 000 av. J.-C. dans le sud-ouest de la France, 4 700 av. J.-C. dans le nord-ouest de la France et 4 000 av. J.-C. dans le sud de la Scandinavie, ainsi qu'en Grande-Bretagne et en Irlande.
Ces premiers agriculteurs cultivaient des céréales et élevaient des moutons, des bovins et des porcs. Cependant, les données palynologiques (analyses de pollen) montrent que les défrichements restaient limités. La nature éphémère des colonies, souvent de petite taille, semble correspondre à un mode de vie relativement mobile. Les analyses de restes humains révèlent que les ressources marines, autrefois centrales dans le régime alimentaire mésolithique, avaient progressivement été délaissées.
L'élément le plus marquant de ce changement vers le Néolithique est l'apparition de monuments funéraires imposants, tels que les tumulus et les tombes mégalithiques. Les premiers de ces monuments ont été érigés dès le début du Néolithique dans des régions comme l'Espagne, la Bretagne, le sud de la Grande-Bretagne et le Danemark. Contrairement aux théories précédentes, ces monuments funéraires n'étaient pas le résultat d'une société sédentaire évoluée, mais semblaient essentiels dès les premières étapes de la sédentarisation.
Les sépultures mégalithiques, souvent de grandes chambres en pierre recouvertes d'un monticule de terre, se trouvent tout le long de la côte atlantique, du Portugal à la Scandinavie. Leur origine est débattue : tandis que les théories anciennes suggéraient une influence méditerranéenne, les datations au radiocarbone indiquent que les mégalithes atlantiques sont bien plus anciens.
Les pratiques funéraires semblent indiquer que les ancêtres de la communauté vivante étaient placés au centre de ces sociétés. La Bretagne, avec des sites comme Téviec et Hoëdic, est emblématique de cette transition. À Gavrinis, en Bretagne, des menhirs gravés et réutilisés dans les tombes montrent des représentations de bovins, de charrues et de haches, symbolisant la production alimentaire. Ces monuments témoignent probablement d'une volonté de marquer le territoire et d'affirmer des droits sur les ressources.
En parallèle, des enclos avec fossés et palissades, découverts en Scandinavie et dans l'ouest de la France, suggèrent des structures sociales complexes et des rituels de dépôt d’objets variés dans les fossés. Dans des sites comme Sarup au Danemark, les fossés contiennent des restes humains, animaux, ainsi que des objets en poterie, en silex et en ambre, témoignant de cérémonies intenses mais éphémères.
Les tombes chambrées de Grande-Bretagne et d’Irlande, telles que Maes Howe en Écosse et Newgrange en Irlande, montrent une organisation complexe. Elles se caractérisent par des passages longs et des chambres funéraires qui ont probablement servi à des inhumations multiples et à des cérémonies rituelles. Ces structures massives, souvent situées dans des endroits stratégiques, sont des témoignages imposants de la richesse symbolique du monde mégalithique.
Le monde mégalithique est également caractérisé par des échanges à longue distance, notamment d’axes en silex et en jadéite, provenant des Alpes et distribués sur des milliers de kilomètres jusqu’en Écosse. Ces objets, souvent trouvés dans des dépôts votifs dans des rivières et des tourbières, illustrent l’importance spirituelle et sociale des échanges dans ces sociétés. En Scandinavie, des axes polies et des bijoux en ambre étaient souvent déposés comme offrandes rituelles.
Le monde mégalithique est bien plus qu'un ensemble de techniques agricoles ou de monuments funéraires. Il incarne un changement profond dans les rapports des communautés avec leur environnement, leurs ancêtres et leurs croyances. Ce monde complexe, qui s'est épanoui jusqu'à l'âge du cuivre, laisse entrevoir une organisation sociale, culturelle et spirituelle d'une grande richesse, encore mystérieuse mais dont les monuments témoignent de la pérennité.
Référence :
Auteur : Stéphane Jeanneteau
Janvier 2008