La culture rubanée, ou culture à céramique linéaire, ou plus simplement le Rubané (allemand Linienbandkeramische Kultur ou Linearbandkeramik, abrégé en LBK), est la culture néolithique la plus ancienne d'Europe centrale. Elle date de 5 500 à 4 700 ans av. J.-C. Elle succède au Beuronien du Mésolithique. Cette culture serait la principale manifestation du courant danubien, une diffusion à travers l'Europe centrale de peuples néolithiques suivant le Danube et pratiquant l'agriculture sur brûlis, qu'ils introduisent en Europe. À la même époque, un autre courant de néolithisation, dit courant méditerranéen, suit les côtes nord de la mer Méditerranée et est à l'origine de la culture de la céramique imprimée. Le Rubané doit son nom aux rubans décorant fréquemment les poteries qui le caractérisent.
La culture de Starčevo du début du néolithique a joué un rôle majeur dans la néolithisation de l'Europe du Sud-Est. Elle s'étendit de la Serbie actuelle à la partie occidentale du bassin des Carpates, englobant les régions actuelles du nord de la Croatie et du sud-ouest de la Hongrie (environ 6 000 à 5 400 av. J.-C.). La plus ancienne culture rubanée (LBK) apparaît au milieu du VIe millénaire av. J.-C.. Elle coexiste avec la culture de Starčevo en Transdanubie pendant environ 100 à 150 ans. Des recherches archéologiques ont décrit une zone d’interaction entre des groupes autochtones de chasseurs-cueilleurs et des agriculteurs de l’extrême nord de la culture de Starčevo en Transdanubie, qui aurait pu donner naissance à la culture rubanée. Après sa phase de formation dans l'ouest de la Hongrie, la culture rubanée s'est rapidement répandue en Europe centrale pour atteindre l'Allemagne centrale vers 5 500 av. J.C.
Au cours des 500 années suivantes, la LBK continua de s'étendre pour couvrir une vaste zone géographique allant du bassin parisien à l'Ukraine dans sa dernière phase, tout en restant en Transdanubie jusqu'à environ 4 900 av. J.-C.
Céramiques rubanées
Terre cuite - Latinne/Tourinne, Omal et Jeneffe ou Tourinne
Deux types de céramiques sont présents dans la culture du rubané : la céramique grossière (gros vases avec peu de détails sans doute modelés rapidement) et la céramique fine (petits vases bien lissés avec une bonne finition et portant des décors incisés). Le motif en ruban incisé peut porter un remplissage d'incisions au poinçon. Certaines céramiques présentent des représentations anthropomorphes modelées en relief. Il existe dans les régions à Rubané des céramiques qui bien que contemporaines du LBK, sont qualifiées d'étrangères, ou non-rubanés. On a défini deux styles particuliers : le style de la Hoguette (céramique de forme ovulaire que l'on trouve surtout en Allemagne actuelle) et le style de Limbourg, plus récent (céramique de forme plus plate, présente en Belgique, aux Pays-Bas et dans le bassin parisien). Il pourrait s'agir de vases fabriqués par d'autres groupes, notamment les chasseurs-cueilleurs qui auraient été en contact avec les sociétés agricoles, mais ceci reste à démontrer.
L'habitat rubané est souvent situé sur des grandes terres agricoles d'Europe centrale (environ 12 000 sites), sur des terrains plats, des lœss et près des cours d'eau. Les rubanés ne s'installent jamais en hauteur ; les sites se trouvent à 400 mètres d'altitude au maximum. Ces populations choisissent de s'installer dans des zones non-inondables avec un environnement varié. Ils iront par la suite bâtir un autre village quelques kilomètres plus loin, et les relations entre villages resteront actives. La plupart des sites se trouvent juste en dessous de la terre végétale ce qui les rend archéologiquement faciles à trouver.
Les maisons sont rectangulaires ou trapézoïdales et ont une longueur comprise entre 10 et 47 mètres ; la taille dépend de la fonction du bâtiment. Les maisons sont bâties à partir de cinq rangées intérieures de trois poteaux de vingt à cinquante centimètres de diamètre appelés « tierces » allant d'un long côté à l'autre, alignés sur trois files allant d'un petit côté à l'autre, soit quatre nefs. Systématiquement deux tierces resserrées appelées « couloir » sont présentes vers le milieu de la maison. Leur utilité est inconnue mais il pourrait s'agir d'une séparation symbolique arrière/avant de la maison, comme on en trouve dans de nombreuses cultures.
Dans les villages rubanés, de nombreuses fosses sont présentes et relèvent de deux systèmes : les fosses latérales qui longent les bâtiments (en France notamment) et les fosses isolées à environ 25 mètres des maisons (surtout en Allemagne). La fonction primaire de ces fosses est l'utilisation de la terre creusée en torchis pour construire les murs des maisons, puis les fosses sont utilisées comme dépotoir pour les déchets alimentaires (os), les silex dont on n'a plus besoin et les céramiques inutilisables. Des foyers culinaires étaient probablement présents à l'entrée des maisons, comme en témoigne la concentration d'os brûlés trouvés dans les fosses à ce niveau. Les fosses renseignent également sur les règles de voisinages : lorsqu'il y a deux maisons côte-à-côte, les déchets sont rejetés de l'autre côté. Les superficies des villages peuvent aller de 1 à 30 hectares ; leur taille dépend de la durée d'occupation du site et de l'environnement, donc des ressources disponibles. La plupart des villages importants comportent plusieurs phases d'habitats définis par la contemporanéité des constructions et l'évolution du décor céramique. Ces phases d'habitats sont souvent séparées par les phases d'abandons du site qui durent en général plus longtemps. À titre d'exemple, le site de Bylany qui a été habité de 5 500 à 5 000 ans av. J.-C. environ s'étend sur 10 hectares, avec approximativement 140 maisons pour chacune des 20 phases d'habitats (chaque phase d'habitat dure environ 15 ans pour ce site particulier).
Les origines ethniques des Rubanés
La culture de la céramique rubanée présente à la fois de nombreux éléments qui la relient aux cultures néolithiques plus anciennes des Balkans (notamment la culture de Starčevo) et d'Anatolie, une très forte discontinuité vis-à-vis des cultures de chasseurs-cueilleurs qui la précèdent, et un certain nombre de singularités. De ce fait ses origines ont longtemps été débattues et ont fait l’objet de multiples théories. Depuis longtemps il est considéré que l'essentiel des techniques néolithiques propres à la culture rubanée sont originaires du Proche-Orient en passant par les Balkans, mais la question de savoir s'il y a eu migration de populations ou simple diffusion culturelle a longtemps été l'objet d'âpres débats.
Les développements récents de la génétique ont permis de résoudre en grande partie la question, tout en apportant une toute nouvelle compréhension de l'histoire du peuplement de l'Europe. Pour la culture rubanée Wolfgang Haak et son équipe ont mené deux études sur l'ADN mitochondrial, en 2005 et 2010. Sur les 24 individus étudiés en 2005, 18 avaient des haplogroupes mitochondriaux encore fréquents aujourd'hui en Europe (H ou V, T, K, J et U3), et 6 avaient un haplogroupe aujourd'hui rare (N1a). L'étude de 2010 a apporté 3 haplogroupes du chromosome Y (deux exemplaires de G2a et un de F). Plusieurs études sur les chromosomes Y ont confirmé le modèle néolithique de diffusion démique (une expansion des premiers agriculteurs d'Anatolie), tandis que la plupart des études sur l'ADNmt et certaines études sur le chromosome Y ont proposé une continuité des lignées du Paléolithique supérieur.
Les preuves contrastées de l'ADNmt et du chromosome Y ont été expliquées par des différences dans les scénarios d'évolution, tels que la migration biaisée par le sexe. Les données confirment l'homogénéité génétique des premiers agriculteurs européens sur une grande aire géographique. Un document publié en 2007 par Burger et al indiquait que la variance génétique qui provoque la persistance de la lactase chez la plupart des Européens était rare ou absente chez les premiers agriculteurs d'Europe centrale. Une étude publiée par Yuval Itan et collègues en 2010 démontre clairement ce fait. Une étude publiée en 2009, aussi par Itan et al, suggère que la culture rubanée, qui précède la culture des vases à entonnoir de quelque 1 500 ans, était la culture dans laquelle ce trait a commencé à coévoluer avec la culture de production laitière.